Au cœur des Caraïbes, un petit pays de moins d’un million d’habitants fait face à une tempête géopolitique qui pourrait redessiner la carte de la région. Le Guyana, riche en pétrole, est pris en étau entre les ambitions territoriales du Venezuela et les intérêts stratégiques des États-Unis. Alors que les résultats des élections présidentielles et législatives de 2025 sont attendus, le conflit autour de la région de l’Essequibo et ses précieuses réserves pétrolières domine les débats. Comment ce pays, longtemps discret, est-il devenu un acteur clé dans un jeu de pouvoir international ? Plongeons dans cette saga où pétrole, frontières et alliances s’entremêlent.
Un Conflit Territorial Ancré dans l’Histoire
Le différend autour de l’Essequibo n’est pas nouveau. Cette région, qui représente les deux tiers du territoire guyanien, est revendiquée par le Venezuela depuis des décennies. La dispute remonte à l’époque coloniale, où les frontières étaient tracées par les puissances européennes. Le Guyana, ancienne colonie britannique, s’appuie sur un arbitrage de 1899 pour défendre ses droits. De son côté, Caracas argue que le fleuve Essequibo, fixé comme frontière naturelle à l’époque espagnole en 1777, devrait prévaloir.
Ce conflit, longtemps dormant, a pris un nouvel élan en 2019 lorsque le Venezuela a intensifié ses revendications. Des actions symboliques, comme l’élection d’un gouverneur pour une région qu’il ne contrôle pas ou l’organisation d’un référendum, ont ravivé les tensions. Le Guyana, quant à lui, a porté l’affaire devant la Cour internationale de justice (CIJ), demandant la validation de la frontière de 1899. Caracas, qui rejette la compétence de la CIJ, maintient une posture agressive, alimentant un climat d’incertitude.
“Essequibo is Guyana’s” – un slogan qui résonne dans tout le pays, affiché sur des panneaux et scandé par les habitants.
Le Pétrole : Carburant des Tensions
Si l’Essequibo est au cœur du conflit, c’est avant tout à cause de son or noir. Depuis la découverte de gisements pétroliers offshore dans cette région, les enjeux économiques ont transformé la dispute territoriale en un bras de fer géopolitique. Le Guyana, grâce à ces ressources, est devenu l’un des pays avec les plus grandes réserves pétrolières par habitant au monde. Cependant, ces richesses attirent aussi les convoitises.
Le pays a confié l’exploitation de ces gisements à la compagnie américaine ExxonMobil, une décision qui a renforcé les liens avec les États-Unis mais qui suscite des critiques. Certains, comme Chris Ram, un militant local, estiment que les contrats signés avec ExxonMobil sont trop avantageux pour la firme. “Le gouvernement traite Exxon avec des gants de velours”, déplore-t-il, soulignant que le Guyana, face à la menace vénézuélienne, a besoin du soutien américain.
Pourquoi le pétrole change la donne :
- Richesse économique : Les gisements de l’Essequibo pourraient transformer le Guyana en puissance régionale.
- Intérêts étrangers : ExxonMobil domine l’exploitation, renforçant l’influence des États-Unis.
- Tensions régionales : Le Venezuela voit dans ces ressources une raison de relancer ses revendications.
Une Alliance Stratégique avec Washington
Face à un Venezuela militairement supérieur, le Guyana a cherché des alliés puissants. Les États-Unis, en quête d’influence dans la région et déterminés à contrer le président vénézuélien Nicolás Maduro, se sont naturellement imposés comme partenaires. Cette alliance s’est concrétisée par des gestes forts, comme le déploiement de navires américains dans les Caraïbes, officiellement pour lutter contre le narcotrafic.
En mars 2025, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a envoyé un message clair lors d’une visite à Georgetown : toute agression contre le Guyana ou ExxonMobil aurait des conséquences graves pour Caracas. Cette déclaration illustre la realpolitik à l’œuvre : le Guyana, conscient de sa faiblesse militaire, s’appuie sur Washington pour garantir sa sécurité.
“S’ils attaquaient le Guyana ou ExxonMobil, cela se terminerait mal pour eux.” – Marco Rubio, secrétaire d’État américain.
Élections et Nationalisme : L’Essequibo au Cœur des Débats
Les élections générales de 2025 ont placé l’Essequibo sous les projecteurs. Le président sortant, Irfaan Ali, a fait de la défense de cette région un pilier de sa campagne. “Essequibo ah we own” (L’Essequibo nous appartient, en créole guyanien) est devenu un cri de ralliement, galvanisant la population. Cette rhétorique nationaliste a permis à Ali de renforcer son image de leader ferme face aux provocations vénézuéliennes.
Cette stratégie n’est pas sans risque. Les tensions avec le Venezuela se sont intensifiées, marquées par des incidents comme des tirs présumés depuis la rive vénézuélienne. Bien que Caracas qualifie ces allégations de “fake”, elles alimentent un climat de méfiance. Lors d’une rencontre en décembre 2023 à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les deux pays avaient pourtant promis de ne pas recourir à la force. Mais les provocations verbales et les manœuvres diplomatiques continuent.
Un Équilibre Précaire : Géopolitique et Pragmatisme
Le Guyana se trouve dans une position délicate. Avec une population de seulement 850 000 habitants, il ne peut rivaliser avec les 30 millions de Vénézuéliens et leur armée. Cette réalité pousse Georgetown à adopter une approche pragmatique. “Nous ne pouvons pas égaler Maduro et son armée. Nous avons besoin des Américains”, explique Chris Ram, résumant l’état d’esprit de nombreux Guyaniens.
Cette dépendance envers les États-Unis a un coût. Les contrats pétroliers, jugés trop favorables à ExxonMobil, soulèvent des questions sur la souveraineté économique du Guyana. Elias Ferrer, expert pétrolier, estime que le pays a accepté des conditions moins avantageuses en échange d’une protection géopolitique. “Le Guyana sacrifie une partie de ses revenus pour sécuriser son territoire”, note-t-il.
| Facteur | Impact |
|---|---|
| Revendication vénézuélienne | Menace territoriale sur l’Essequibo, tensions diplomatiques. |
| Pétrole offshore | Richesses économiques, mais dépendance envers ExxonMobil. |
| Alliance avec les États-Unis | Protection militaire, mais perte d’autonomie économique. |
Les Enjeux pour l’Avenir
L’avenir du Guyana reste incertain. Les résultats des élections de 2025 pourraient redéfinir la stratégie du pays face au Venezuela et aux États-Unis. Une victoire d’Irfaan Ali renforcerait probablement l’alignement avec Washington, tandis qu’une opposition plus critique envers ExxonMobil pourrait émerger. Quoi qu’il en soit, le pétrole et l’Essequibo resteront au cœur des préoccupations.
Pour les habitants, comme Ocendy Knights, 33 ans, la question est claire : “Le Venezuela veut l’Essequibo à cause du pétrole.” Cette conviction, partagée par beaucoup, illustre la centralité des ressources dans ce conflit. Mais au-delà des richesses, c’est la souveraineté et l’identité du Guyana qui sont en jeu.
En attendant une résolution définitive à la CIJ ou une détente diplomatique, le Guyana navigue dans des eaux troubles. Entre la menace vénézuélienne et l’influence américaine, ce petit pays doit jouer ses cartes avec prudence pour préserver ses intérêts et son indépendance.
Les défis du Guyana :
- Maintenir sa souveraineté face aux revendications vénézuéliennes.
- Maximiser les revenus pétroliers tout en réduisant la dépendance envers ExxonMobil.
- Éviter l’escalade militaire dans une région déjà tendue.
Le Guyana, bien que petit, est devenu un acteur incontournable dans la géopolitique des Caraïbes. Ses choix d’aujourd’hui façonneront non seulement son avenir, mais aussi l’équilibre des forces dans la région. Alors que les tensions persistent, une question demeure : ce pays saura-t-il transformer ses richesses pétrolières en prospérité durable, ou deviendra-t-il un pion dans le grand jeu des puissances internationales ?
