Dans une synagogue du quartier de Glenhazel à Johannesburg, l’émotion est palpable. Cinq cents visages, réunis dans un silence respectueux, écoutent un homme brisé mais debout. Or Levy, survivant des 491 jours de captivité aux mains du Hamas, partage son histoire. Son témoignage, livré avec une intensité rare, transporte l’auditoire dans les méandres de son calvaire. Ce récit, c’est celui d’un homme qui a vu la lumière après des mois d’obscurité, mais aussi celui d’une tragédie personnelle qui résonne bien au-delà des frontières.
Un Survivant Face à Son Passé
Or Levy, trentenaire au visage marqué par la souffrance, s’est adressé à une foule émue lors d’une visite d’une semaine en Afrique du Sud. Ce voyage, organisé par des associations locales, s’inscrit dans une série d’initiatives visant à sensibiliser sur les événements tragiques du 7 octobre 2023. Ce jour-là, une attaque d’une ampleur sans précédent a bouleversé sa vie, celle de sa famille, et celle de milliers d’autres. Festivalier au Tribe of Nova, un événement musical qui a viré au cauchemar, il a été enlevé sous les yeux de sa femme, assassinée dans l’abri où ils s’étaient réfugiés.
Son témoignage, livré avec une sincérité désarmante, ne laisse personne indifférent. Les sanglots étouffés dans l’assemblée témoignent de la puissance de ses mots. Mais pourquoi choisir l’Afrique du Sud, un pays où les tensions autour du conflit israélo-palestinien sont particulièrement vives ? La réponse réside dans la mission d’Or Levy : faire entendre la douleur des victimes et plaider pour la libération des otages encore retenus.
Un Contexte Sensible en Afrique du Sud
L’Afrique du Sud, dirigée par l’ANC, un parti historiquement proche de la cause palestinienne, est un terrain complexe pour un tel témoignage. Le pays a déposé une plainte pour génocide contre Israël devant la Cour internationale de justice, une démarche qui a accentué les divisions au sein de la communauté juive locale. Composée d’environ 50 000 personnes, cette communauté, la plus importante du continent africain, est profondément marquée par le débat sur la guerre à Gaza.
Depuis mai 2024, des organisations locales, dont certaines liées au gouvernement israélien, ont organisé pas moins de 16 visites de survivants ou de proches de victimes du 7 octobre. Ces initiatives visent à maintenir un dialogue avec une communauté parfois divisée sur la question. Pour beaucoup, entendre Or Levy, c’est confronter une réalité brute, loin des débats politiques abstraits.
« Tout le monde doit entendre ce que j’ai traversé et ce que d’autres continuent d’endurer », déclare Or Levy, la voix tremblante mais déterminée.
491 Jours d’Enfer
Or Levy ne mâche pas ses mots lorsqu’il décrit les conditions de sa captivité. Enfermé dans des tunnels sombres, il n’a vu la lumière du jour qu’une seule fois en 2024, lors d’un transfert entre deux lieux de détention. Enchaîné en permanence, il recevait un repas par jour, souvent un simple pita accompagné de quelques conserves à partager entre plusieurs prisonniers. Les douches, rares, n’avaient lieu qu’une fois tous les deux mois.
Ce régime de privation a laissé des traces. « J’ai perdu au moins 20 kg », confie-t-il, le regard lointain. Pourtant, ce n’est pas seulement le corps qui souffre dans de telles conditions. L’isolement, la peur constante, et l’incertitude sur le sort de ses proches ont marqué son esprit. Son témoignage, bien que douloureux à partager, agit comme une forme de thérapie. « C’est dur, mais ça aide », explique-t-il, soulignant l’importance de parler pour surmonter le traumatisme.
Les conditions de détention décrites par Or Levy :
- Un seul repas par jour, souvent un pita et des conserves.
- Enchaîné en permanence, sauf pour de rares douches.
- Confinement dans des tunnels sans lumière naturelle.
Un Jour de Joie et de Douleur
La libération d’Or Levy, en février 2025, reste un moment à double tranchant. « Le meilleur jour de ma vie, mais aussi le pire », confie-t-il. Ce jour-là, il a retrouvé la liberté, mais aussi la confirmation de la mort de sa femme, tuée lors de l’attaque initiale. Pire encore, il a dû faire face à son fils, aujourd’hui âgé de quatre ans, qui lui a dit : « Maman est morte. » Ces mots, prononcés par un enfant, résonnent comme une blessure impossible à refermer.
Ce drame personnel illustre l’ampleur de la tragédie du 7 octobre. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 47 restent captives à Gaza, dont 25 ont été déclarées mortes par l’armée israélienne. L’attaque a coûté la vie à 1 219 personnes côté israélien, tandis que les représailles ont fait 63 557 victimes à Gaza, majoritairement des civils, selon les autorités locales.
Une Communauté Juive Divisée
La communauté juive sud-africaine, riche d’une histoire marquée par son engagement contre l’apartheid, se trouve aujourd’hui à un carrefour. Des figures comme Joe Slovo ou Albie Sachs, héros de la lutte pour l’égalité, sont issues de ses rangs. Pourtant, le conflit israélo-palestinien divise profondément. Pour certains, comme Diane, une auditrice venue de Pretoria, le récit d’Or Levy est « le plus émouvant » qu’elle ait entendu. Pour d’autres, comme Rina King, membre d’une organisation pro-palestinienne, ces témoignages sont perçus comme une tentative de détourner l’attention des souffrances à Gaza.
« Ils demandent à une personne traumatisée de revivre son traumatisme pour diaboliser l’autre camp », critique un professeur de sciences politiques local.
Cette fracture reflète une tension plus large. Les organisateurs des visites, quant à eux, insistent sur la nécessité d’unité. Lors de l’événement, un représentant israélien a appelé à un « front commun » face aux défis actuels. Mais dans un pays où les sensibilités politiques sont exacerbées, la tâche est loin d’être simple.
Une Mission pour la Liberté
Pour Or Levy, témoigner n’est pas seulement un acte de résilience, c’est une mission. « Je veux que tout le monde puisse rentrer à la maison », déclare-t-il, évoquant les otages encore retenus. Sa tournée, qui l’a conduit des États-Unis à l’Afrique du Sud, est un cri du cœur pour ne pas oublier ceux qui restent prisonniers. Chaque mot qu’il prononce est un pas vers la guérison, mais aussi un plaidoyer pour l’humanité dans un conflit où les récits personnels se perdent souvent dans le bruit des chiffres.
Dans la synagogue de Glenhazel, l’auditoire reste suspendu à ses lèvres. Les regards, lourds de compassion, traduisent une vérité universelle : la souffrance d’un homme peut toucher des cœurs à des milliers de kilomètres. Mais au-delà de l’émotion, une question persiste : comment construire un dialogue dans un monde où chaque camp revendique sa douleur ?
Chiffres Clés | Détails |
---|---|
Otages enlevés le 7 octobre | 251 |
Otages encore retenus | 47 |
Victimes israéliennes | 1 219 |
Victimes à Gaza | 63 557 |
Ce tableau, bien que froid, rappelle l’ampleur des pertes humaines des deux côtés. Pourtant, derrière chaque chiffre, il y a des histoires comme celle d’Or Levy, des familles brisées, et des espoirs qui s’accrochent malgré tout.
Un Appel à l’Humanité
En parcourant le monde, Or Levy ne cherche pas seulement à raconter son histoire. Il veut rappeler que la souffrance ne choisit pas de camp. Son témoignage, bien que centré sur son expérience, ouvre une fenêtre sur les complexités d’un conflit où les récits humains sont souvent éclipsés par les statistiques. En Afrique du Sud, où les sensibilités sont à vif, son message résonne comme un appel à l’écoute et à la compréhension mutuelle.
Alors que la synagogue se vide, les murmures de l’auditoire trahissent une réflexion profonde. Pour certains, c’est une prise de conscience brutale. Pour d’autres, c’est une confirmation de la nécessité de dialoguer. Une chose est sûre : l’histoire d’Or Levy ne laisse personne indifférent. Et peut-être, dans ce silence chargé d’émotion, germe l’espoir d’un avenir où les voix des victimes seront enfin entendues.