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Excuses Danoises pour Contraception Forcée au Groenland

Le Danemark présente ses excuses pour la contraception forcée au Groenland, un drame touchant des milliers de femmes inuites. Quelles seront les prochaines étapes pour les victimes ?

Imaginez être une adolescente de 13 ans, convoquée sans explication chez un médecin, où un acte médical invasif vous est imposé, sans votre consentement ni celui de vos parents. C’est la réalité qu’ont vécue des milliers de femmes inuites au Groenland sous l’égide des autorités danoises, jusqu’en 1992. Cette page sombre de l’histoire, marquée par une campagne de contraception forcée, a enfin reçu des excuses officielles de la Première ministre danoise, Mette Frederiksen, en 2025. Ce geste, attendu depuis des décennies, ouvre un nouveau chapitre dans les relations entre le Danemark et ce territoire autonome, mais soulève aussi des questions sur la réparation et la justice. Cet article explore les ramifications de cet événement, les traumas des victimes et les enjeux pour l’avenir.

Une reconnaissance historique pour un traumatisme colonial

Mercredi, la Première ministre danoise a brisé un silence de plusieurs décennies en présentant des excuses officielles aux victimes de la contraception forcée au Groenland. Ce geste, loin d’être anodin, répond à une demande persistante des survivantes et de leurs avocats. Entre la fin des années 1960 et 1992, plus de 4 500 femmes inuites, souvent très jeunes, ont subi la pose de stérilets sans leur consentement, dans le cadre d’une politique visant à limiter la natalité dans ce territoire arctique alors sous influence danoise.

Cette campagne, décidée à Copenhague, reflétait une logique coloniale, où les autorités percevaient le fort taux de natalité groenlandais comme une menace. Les conséquences ont été dévastatrices : stérilité pour certaines, séquelles physiques et psychologiques pour beaucoup, et un sentiment profond de violation. Ce n’est qu’en 2019, avec le témoignage courageux de Naja Lyberth, que cette histoire a commencé à émerger publiquement.

Un traumatisme intime et collectif

Pour les femmes concernées, l’expérience de la contraception forcée a été vécue comme une intrusion brutale dans leur intimité. Naja Lyberth, l’une des premières à briser le silence, a décrit l’intervention médicale comme une torture, comparant la douleur physique et psychologique à un viol. Convoquée à l’âge de 13 ou 14 ans avec ses camarades de classe, elle se souvient d’un instrument froid et de sensations insupportables, sans aucune explication préalable.

Son outil m’a pénétrée pour insérer le stérilet. C’était très froid et comme des coups de couteau à l’intérieur de moi. C’était très très violent.

Naja Lyberth, survivante

Henriette Berthelsen, une autre survivante, avait 13 ans lors de sa première pose de stérilet. Elle exprime un mélange de soulagement et d’amertume face aux excuses danoises : “Je suis heureuse, mais cela intervient peut-être tard”. Ces témoignages, parmi tant d’autres, révèlent l’ampleur du traumatisme, tant sur le plan personnel que collectif, dans une communauté déjà marquée par des décennies de politiques coloniales.

Une politique coloniale aux conséquences durables

La campagne de contraception forcée s’inscrit dans un contexte plus large de discrimination systémique envers les Groenlandais. À l’époque, le Groenland, bien que n’étant plus officiellement une colonie, restait sous la tutelle de Copenhague. Les autorités danoises, préoccupées par la démographie locale, ont imposé des mesures visant à contrôler la population inuite, perçue comme un frein au développement.

Sur environ 9 000 femmes en âge de procréer, plus de la moitié ont été ciblées par cette politique. Les stérilets, souvent posés sans anesthésie ni consentement, ont entraîné des complications graves : infections, douleurs chroniques, et, dans de nombreux cas, une stérilité irréversible. Ces actes ont non seulement violé les droits humains fondamentaux, mais ont aussi renforcé un sentiment d’infériorité imposé aux Groenlandais.

Cette politique reflète une époque où les corps des femmes inuites étaient considérés comme des outils au service d’une vision coloniale, privant des générations de leur autonomie et de leur dignité.

Les excuses : un premier pas vers la justice ?

Les excuses de Mette Frederiksen marquent une étape significative, mais elles ne mettent pas fin au combat des victimes. Environ 150 d’entre elles, représentées par l’avocat Mads Pramming, ont engagé des poursuites contre l’État danois pour violation de leurs droits humains. Elles exigent non seulement une reconnaissance officielle, mais aussi des compensations financières pour les préjudices subis.

Pramming, tout en saluant les excuses, reste prudent : “Mes clientes sont contentes, c’est un grand pas, mais tant que l’État ne reconnaît pas sa responsabilité légale, je ne sabre pas le champagne.” Les survivantes attendent désormais les conclusions d’une commission d’enquête indépendante, qui pourraient ouvrir la voie à des réparations concrètes.

Un passé colonial aux multiples facettes

La contraception forcée n’est pas un cas isolé dans l’histoire des relations entre le Danemark et le Groenland. D’autres pratiques, comme les adoptions forcées ou le placement d’enfants groenlandais dans des familles danoises, ont également laissé des cicatrices profondes. En 1951, par exemple, six enfants inuits ont été séparés de leurs familles pour être envoyés au Danemark dans le but de former une élite danophone. Ces enfants, devenus adultes, ont obtenu des indemnisations en 2022, pour un total de plus de 200 000 euros.

Mette Frederiksen a élargi ses excuses à ces autres “chapitres sombres” de l’histoire, reconnaissant que les Groenlandais ont été “traités différemment et de manière inférieure” au sein du royaume danois. Cette déclaration vise à apaiser les tensions, mais elle met également en lumière la nécessité d’une réflexion plus large sur le passé colonial.

Un enjeu géopolitique contemporain

Les excuses danoises interviennent dans un contexte géopolitique complexe. Selon certaines sources, les États-Unis chercheraient à exploiter les tensions historiques entre le Danemark et le Groenland pour renforcer leur influence dans l’Arctique, une région stratégique en raison de ses ressources naturelles et de sa position géographique. Ce facteur ajoute une dimension supplémentaire à la reconnaissance des torts passés.

Le Premier ministre groenlandais, Jens-Frederik Nielsen, a également présenté des excuses, reconnaissant que la pratique de la contraception forcée s’est partiellement prolongée après que le Groenland a pris en charge son système de santé. Cette admission souligne la complexité des responsabilités dans cette affaire, impliquant à la fois les autorités danoises et locales.

Vers une réparation et une réconciliation

Les excuses constituent un premier pas, mais les survivantes attendent des actions concrètes. Une commission d’enquête indépendante est en cours pour évaluer l’ampleur des préjudices et proposer des solutions, notamment des compensations financières. Les attentes sont élevées, car les victimes espèrent non seulement une reconnaissance, mais aussi une forme de justice réparatrice.

Pour mieux comprendre les impacts de cette politique, voici un résumé des conséquences majeures :

  • Traumatismes physiques : Stérilité, infections, douleurs chroniques.
  • Traumatismes psychologiques : Sentiment de violation, perte de confiance envers les autorités.
  • Impact communautaire : Rupture des dynamiques familiales et culturelles.
  • Héritage colonial : Renforcement du sentiment d’oppression chez les Inuits.

Ces éléments montrent l’ampleur du défi auquel font face le Danemark et le Groenland pour panser ces blessures historiques.

Un avenir incertain mais porteur d’espoir

Les excuses de Mette Frederiksen ouvrent la voie à une possible réconciliation, mais le chemin reste long. Les survivantes, soutenues par leurs avocats et la société civile, continuent de réclamer justice. Leur combat met en lumière la nécessité de confronter les héritages coloniaux, non seulement au Groenland, mais dans toutes les régions marquées par de telles pratiques.

En parallèle, cette affaire pose des questions universelles : comment réparer les injustices du passé ? Comment garantir que de telles violations ne se reproduisent plus ? Pour les Inuits du Groenland, ces excuses sont un symbole, mais aussi un appel à l’action pour un avenir plus équitable.

Le combat des femmes inuites pour la justice est loin d’être terminé. Leur résilience inspire et rappelle l’importance de reconnaître les erreurs du passé pour bâtir un avenir meilleur.

En conclusion, les excuses danoises pour la contraception forcée au Groenland marquent un tournant historique. Elles offrent une lueur d’espoir pour les victimes, tout en soulignant l’urgence d’une justice réparatrice. Alors que le Danemark et le Groenland continuent de naviguer dans les complexités de leur passé commun, une question demeure : quelles seront les prochaines étapes pour guérir ces blessures profondes ?

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