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Guyana : Élections et Pétrole, un Avenir en Jeu

Le Guyana vote pour son avenir pétrolier ! Irfaan Ali, Aubrey Norton ou Azruddin Mohamed : qui l’emportera face aux pressions du Venezuela ? Lisez pour découvrir...

Un petit pays d’Amérique du Sud, longtemps éclipsé par ses voisins, se trouve aujourd’hui à un tournant historique. Le Guyana, avec ses 850 000 habitants, dont une majorité vit dans la pauvreté, s’apprête à élire son prochain président lors d’un scrutin décisif ce lundi. Ce vote, loin d’être anodin, intervient dans un contexte où le pays, grâce à ses immenses réserves pétrolières, aspire à un avenir plus prospère. Mais la manne pétrolière, qui a quadruplé le budget national, s’accompagne de défis majeurs : inégalités croissantes, tensions géopolitiques avec le Venezuela, et une société divisée par des lignes ethniques. Qui, parmi les trois favoris, saura transformer cette richesse en développement durable ?

Un scrutin sous haute tension

Ce lundi, environ 750 000 électeurs, y compris la diaspora, se rendront aux urnes pour un scrutin législatif à un tour. Le système électoral guyanien est clair : le parti qui arrive en tête voit son leader devenir président. Avec une population aussi diverse, composée principalement de descendants indiens et afro-guyaniens, les votes se polarisent souvent autour des appartenances ethniques. Cette année, cependant, un troisième acteur, un milliardaire controversé, pourrait bouleverser cet équilibre bipartisan traditionnel.

Le Guyana, autrefois l’un des pays les plus pauvres de la région, connaît une transformation fulgurante depuis la découverte de gisements pétroliers en 2019. Avec une production actuelle de 650 000 barils par jour, le pays ambitionne de dépasser le million d’ici 2030. Cette richesse a propulsé le Guyana au sommet de la croissance économique en Amérique latine, avec un taux impressionnant de 43,6 % en 2024. Mais cette prospérité soulève une question cruciale : comment faire en sorte que cette manne profite à tous ?

Une richesse pétrolière à double tranchant

Le pétrole a transformé l’économie guyanaise. En 2025, le budget national atteint 6,7 milliards de dollars, soit quatre fois plus qu’il y a quelques années. Cette abondance a permis des investissements massifs dans les infrastructures : routes modernes, nouveaux hôpitaux, et projets d’électrification. Pourtant, comme le souligne Neville Bissember, maître de conférences en droit à l’Université du Guyana :

Il faut discerner entre croissance et développement. La richesse doit se traduire par du logement, de l’électricité, des hôpitaux, et non seulement des routes.

Neville Bissember

Pour Bissember, des pays comme le Botswana, Singapour ou la Malaisie offrent des modèles à suivre. Ces nations ont su transformer leurs ressources naturelles en progrès social. Mais au Guyana, les inégalités s’accentuent. À Georgetown, la capitale, les témoignages divergent. Ani Charles, une commerçante de 63 ans au marché de Stabroek, exprime son désarroi :

Nous vivions mieux avant le pétrole. Les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent.

Ani Charles, commerçante

Elle illustre son propos par l’augmentation du coût de la vie : un sac de riz, qui coûtait 1 300 dollars guyaniens (environ 5,34 euros) il y a deux ans, vaut aujourd’hui 2 800 dollars (11,50 euros). Cette inflation touche durement les plus démunis, qui peinent à bénéficier des retombées pétrolières.

Les trois visages de l’élection

Le scrutin se joue entre trois figures marquantes, chacune porteuse d’une vision différente pour le Guyana. Voici un aperçu des principaux candidats :

  • Irfaan Ali (Parti Populaire Progressiste) : Le président sortant, soutenu par la communauté indo-guyanaise, mise sur son bilan. Sous son mandat, le Guyana a vu ses infrastructures se moderniser grâce aux revenus pétroliers. Il défend également une position ferme face aux revendications du Venezuela sur l’Essequibo.
  • Aubrey Norton (APNU) : Leader de l’opposition, il représente les Afro-Guyaniens et promet des emplois tout en dénonçant la corruption et la hausse des prix. Son slogan : « Son temps est passé ! » vise directement Ali.
  • Azruddin Mohamed (WIN) : Ce milliardaire, enrichi dans l’extraction aurifère, veut secouer le système bipartisan. Malgré des accusations d’évasion fiscale par les États-Unis, il séduit par son image d’homme d’affaires prospère, promettant des réformes audacieuses.

Chaque candidat incarne une approche distincte. Ali mise sur la continuité, Norton sur un changement systémique, et Mohamed sur une rupture radicale. Mais au-delà des promesses électorales, le futur président devra répondre à une question centrale : comment redistribuer équitablement la richesse pétrolière ?

Le spectre du Venezuela et l’Essequibo

Au-delà des enjeux économiques, ce scrutin se déroule sous l’ombre menaçante du Venezuela. Ce voisin revendique les deux tiers du territoire guyanien, la région de l’Essequibo, riche en ressources naturelles. Ce différend, qui remonte à l’époque coloniale, s’est intensifié depuis la découverte de pétrole en 2019. Le Venezuela, sous la présidence de Nicolás Maduro, a ravivé ses prétentions, allant jusqu’à nommer un gouverneur pour une région qu’il ne contrôle pas.

Le Guyana s’appuie sur un arbitrage international de 1899 pour défendre ses frontières, tandis que Caracas revendique une frontière naturelle basée sur le fleuve Essequibo, établie en 1777 sous la colonisation espagnole. La question est aujourd’hui devant la Cour internationale de justice (CIJ), mais les tensions restent vives. Irfaan Ali, soutenu par Washington, a adopté une posture ferme, insistant sur la souveraineté nationale lors de ses meetings :

Vous votez pour notre souveraineté, notre sécurité nationale, pour protéger qui nous sommes.

Irfaan Ali, président sortant

Ce conflit géopolitique ajoute une dimension cruciale au scrutin. Le prochain président devra naviguer entre la gestion de la richesse pétrolière et la défense des intérêts nationaux face à un voisin puissant.

Une société divisée face à la prospérité

Si le pétrole a transformé le Guyana, il a également exacerbé les clivages sociaux. À Georgetown, les avis divergent. Halim Khan, un homme d’affaires indo-guyanien, loue les réalisations d’Irfaan Ali :

La richesse pétrolière est bien dépensée : nouvelles routes, hôpitaux, leadership face au Venezuela.

Halim Khan, homme d’affaires

Pourtant, à quelques mètres de là, Ani Charles incarne le sentiment d’abandon des classes populaires. Cette fracture sociale, aggravée par les tensions ethniques, constitue un défi majeur pour le futur gouvernement. Les promesses d’emploi d’Aubrey Norton et les réformes audacieuses d’Azruddin Mohamed trouvent un écho auprès de ceux qui se sentent exclus de la croissance.

Quel modèle pour le Guyana ?

Le Guyana se trouve à un carrefour. La manne pétrolière offre une opportunité unique, mais aussi des risques. Une mauvaise gestion pourrait reproduire le « paradoxe de l’abondance », où la richesse des ressources creuse les inégalités. Pour éviter cela, le pays pourrait s’inspirer de modèles comme :

  • Botswana : Une gestion prudente des diamants a permis un développement économique stable.
  • Singapour : Une gouvernance transparente a transformé une petite nation en hub économique.
  • Malaisie : Les revenus pétroliers ont financé des infrastructures tout en réduisant la pauvreté.

Le futur président devra équilibrer croissance économique et justice sociale, tout en gérant les pressions internationales. Le vote de ce lundi déterminera non seulement qui dirigera le Guyana, mais aussi comment ce pays façonnera son avenir.

Un vote pour l’avenir

Ce scrutin est bien plus qu’une simple élection. Il s’agit de choisir un chemin pour un pays en pleine transformation. La richesse pétrolière, les tensions avec le Venezuela, et les divisions internes placent le Guyana face à des enjeux colossaux. Irfaan Ali, Aubrey Norton ou Azruddin Mohamed : chacun propose une vision différente, mais tous devront répondre à une question essentielle : comment faire du Guyana un modèle de développement, et non une nouvelle victime de la « malédiction du pétrole » ?

Alors que les électeurs se rendent aux urnes, l’avenir du Guyana est en jeu. Ce vote, sous le regard attentif du Venezuela et de la communauté internationale, pourrait redéfinir la trajectoire d’un pays à la croisée des chemins.

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