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Guayaquil : Quand le Crime Étouffe la Fête

À Guayaquil, la fête s’éteint sous la menace des gangs. Bars fermés, extorsions : la ville change. Où peut-on encore danser sans peur ? Découvrez la vérité derrière cette crise.

Imaginez une ville où les nuits vibrantes, remplies de musique et de rires, se transforment en un silence oppressant. À Guayaquil, capitale économique de l’Équateur, la fête a cédé la place à la peur. Les gangs, avec leur emprise croissante, ont imposé un climat de violence et d’extorsion, forçant les bars et discothèques à fermer ou à se réfugier dans des enclaves sécurisées pour une élite fortunée. Comment une ville portuaire, autrefois synonyme de joie de vivre, a-t-elle basculé dans une telle insécurité ?

Guayaquil : Une Ville Sous Pression

Guayaquil, avec ses 2,8 millions d’habitants, était autrefois un lieu où les nuits chaudes du Pacifique invitaient à la danse et à la convivialité. Aujourd’hui, la ville est devenue l’épicentre d’une crise sécuritaire sans précédent en Équateur. Avec plus de 5 200 homicides recensés depuis le début de l’année 2025, le pays affiche un taux de violence qui le place parmi les plus dangereux d’Amérique latine. Guayaquil concentre à elle seule 30 % de ces morts violentes, un chiffre alarmant qui reflète l’ampleur du problème.

Les gangs, profitant d’une montée en puissance fulgurante, ont instauré un règne de terreur. Les extorsions, devenues monnaie courante, touchent commerçants, restaurateurs et propriétaires de bars. Les plaintes officielles, bien que nombreuses – plus de 3 000 pour extorsion entre janvier et juillet 2025 – ne reflètent qu’une partie de la réalité, car la peur de représailles dissuade beaucoup de victimes de s’exprimer.

L’Extorsion : Une Spirale Infernale

Pour comprendre l’impact de cette crise, il suffit d’écouter les témoignages des victimes. Un propriétaire de discothèque, contraint de rester anonyme par crainte de représailles, raconte une expérience bouleversante :

Au début, ils me demandaient 50 dollars par semaine. Puis c’est passé à 100, et ça n’arrêtait pas d’augmenter. J’ai fini par perdre 10 000 dollars et j’ai dû fermer.

Anonyme, ancien propriétaire de discothèque

Ce témoignage illustre une réalité brutale : l’extorsion est devenue une taxe informelle imposée par les gangs. Les montants exigés peuvent atteindre des sommes astronomiques, jusqu’à 5 000 dollars par mois pour les établissements les plus importants. Incapables de suivre, beaucoup de commerçants abandonnent leur activité. Ce propriétaire, par exemple, s’est reconverti en chauffeur de taxi, laissant derrière lui un rêve entrepreneurial brisé.

Les représailles pour ceux qui refusent de payer sont terrifiantes. En juillet 2025, un restaurant du quartier d’Urdesa a découvert une valise remplie d’explosifs, un avertissement clair des gangs. Par chance, la police a pu désamorcer l’engin, mais l’incident a semé la panique. Ailleurs, des attaques armées ont fait des victimes : en mai, une fusillade dans une discothèque a coûté la vie à dix personnes, et trois mois plus tard, un bar a été le théâtre d’une attaque faisant un mort et trois blessés.

La Fin de la Vie Nocturne Populaire

Le centre-ville de Guayaquil, autrefois vibrant, est aujourd’hui méconnaissable. Les quartiers populaires comme Portete, où l’on comptait 38 bars il y a quelques années, n’en abritent plus que 12. La rue Panama, jadis un haut lieu de la vie nocturne surnommé coin magique par le ministère du Tourisme, se transforme en zone fantôme dès la tombée de la nuit. Les habitants évitent ces lieux, craignant les balles perdues et les violences imprévisibles.

Valeria Buendia, une habitante de 36 ans, incarne ce changement de comportement :

Avant, je sortais chaque semaine dans la rue Panama. Maintenant, c’est trop dangereux. J’ai peur des balles perdues.

Valeria Buendia, résidente de Guayaquil

Comme beaucoup, Valeria a modifié ses habitudes. Les sorties se font désormais dans des zones sécurisées, loin du centre-ville. Cette transformation reflète un phénomène plus large : la vie nocturne, autrefois accessible à tous, est devenue un privilège réservé à une élite capable de payer pour sa sécurité.

Une Fête Réservée aux Privilégiés

Face à l’insécurité, la vie nocturne s’est déplacée vers des quartiers ultra-sécurisés comme La Puntilla, dans la localité huppée de Samborondon. Ces zones, véritables îlots fortifiés, sont protégées par des gardes armés et des détecteurs de métaux. Mais cette sécurité a un prix. Les propriétaires d’établissements paient des sommes exorbitantes pour opérer en paix, jusqu’à 300 dollars par mois pour les plus petits bars, et bien plus pour les grandes discothèques.

Ces coûts élevés se répercutent sur les clients, rendant la vie nocturne inaccessible à une grande partie de la population. Seule une élite financièrement aisée peut encore profiter des soirées dans ces enclaves protégées, où la musique continue de résonner sous haute surveillance. Pour les autres, sortir devient un luxe, voire un risque.

À Guayaquil, la fête n’est plus un droit, mais un privilège. Les gangs ont redessiné la carte de la ville, reléguant la joie dans des forteresses réservées à quelques-uns.

Une Ville qui Fuit la Peur

Pour beaucoup d’habitants, la solution n’est pas de s’adapter, mais de fuir. Valeria, par exemple, préfère désormais organiser ses sorties à Samborondon, où elle se sent en sécurité. Cette migration vers des zones protégées illustre une fracture sociale croissante. Les quartiers populaires, autrefois animés, se vident, tandis que les enclaves sécurisées prospèrent.

Un propriétaire de discothèque, récemment installé à La Puntilla, résume la situation avec amertume :

Investir à Guayaquil aujourd’hui, ce serait suicidaire.

Anonyme, propriétaire de discothèque

Ce sentiment de désespoir est partagé par de nombreux entrepreneurs. La moitié des bars du centre et du sud de la ville ont fermé, selon Ernesto Vasquez, vice-président de l’association des discothèques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la violence a non seulement transformé la géographie de la fête, mais aussi brisé les rêves de ceux qui faisaient vivre la ville.

Un Phénomène National

Guayaquil n’est que le reflet d’une crise plus large qui touche l’ensemble de l’Équateur. Avec un taux de 39 homicides pour 100 000 habitants en 2024, le pays est devenu le plus dangereux d’Amérique latine, selon les données d’Insight Crime. Cette montée de la violence est alimentée par l’expansion des gangs, qui profitent du trafic de drogue et de la faiblesse des institutions pour imposer leur loi.

Les statistiques, bien que choquantes, ne racontent qu’une partie de l’histoire. Derrière chaque chiffre se cache une vie bouleversée, un commerce fermé, une famille menacée. Les habitants de Guayaquil, comme ceux du reste du pays, vivent dans un climat de peur constante, où même les plaisirs simples, comme une soirée entre amis, sont devenus risqués.

Quelles Solutions pour l’Avenir ?

Face à cette situation, les autorités semblent dépassées. Les plaintes pour extorsion, bien que nombreuses, ne suffisent pas à endiguer le problème, car beaucoup de victimes préfèrent se taire plutôt que de s’exposer à des représailles. Les opérations de police, comme le désamorçage d’explosifs à Urdesa, montrent une certaine réactivité, mais elles restent insuffisantes face à l’ampleur de la crise.

Pour redonner vie à Guayaquil, des mesures drastiques s’imposent. Voici quelques pistes possibles :

  • Renforcer la sécurité publique : Augmenter la présence policière dans les quartiers les plus touchés et investir dans des technologies de surveillance.
  • Soutenir les commerçants : Mettre en place des programmes d’aide pour les victimes d’extorsion, afin de préserver l’économie locale.
  • Lutter contre les gangs : Renforcer les opérations contre les organisations criminelles, en ciblant leurs sources de financement.
  • Restaurer la confiance : Encourager les habitants à signaler les extorsions en garantissant leur protection.

Ces solutions, bien que complexes à mettre en œuvre, pourraient permettre à Guayaquil de retrouver son éclat. En attendant, la ville reste divisée entre ceux qui peuvent s’offrir une sécurité privée et ceux qui vivent dans la peur.

Un Symbole de Résilience

Malgré ce tableau sombre, certains habitants refusent de baisser les bras. Dans les quartiers sécurisés, la musique continue de résonner, portée par des entrepreneurs qui, malgré les menaces, persistent à faire vivre l’esprit de Guayaquil. Ces îlots de résistance, bien que réservés à une minorité, témoignent d’une volonté de ne pas laisser la ville sombrer complètement.

Pourtant, la question demeure : combien de temps Guayaquil pourra-t-elle tenir sous cette pression ? La réponse dépendra de la capacité des autorités et des habitants à s’unir face à cette crise. En attendant, la ville, autrefois symbole de fête et de liberté, lutte pour ne pas devenir une ombre d’elle-même.

Guayaquil peut-elle retrouver ses nuits vibrantes ? L’espoir persiste, mais le chemin sera long.

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