Un vent de changement souffle sur la Bolivie. Le 17 août 2025, les élections générales ont redessiné le paysage politique du pays, mettant fin à deux décennies de domination de la gauche. Pour la première fois depuis 2002, le Mouvement vers le socialisme (MAS), autrefois intouchable, s’effondre, tandis que la droite s’impose comme une force incontournable. Que signifie ce bouleversement pour l’avenir d’un pays en proie à une crise économique sans précédent ?
Un Tournant Historique pour la Bolivie
Les résultats définitifs des élections, publiés par le Tribunal suprême électoral, confirment une victoire écrasante de la droite. Les partis menés par le sénateur de centre-droit Rodrigo Paz et l’ancien président Jorge Quiroga s’emparent de la majorité au Parlement, contrôlant à la fois le Sénat et la Chambre des députés. Ce basculement marque la fin d’une ère pour le MAS, qui a gouverné sans partage depuis l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales en 2006.
Le second tour de la présidentielle, prévu pour le 19 octobre, opposera Paz et Quiroga, deux figures de la droite bolivienne. Ce duel promet d’intensifier les débats dans un pays où les tensions économiques et sociales sont à leur comble. Mais comment en est-on arrivé là ?
La Droite S’impose au Parlement
Le nouveau Parlement bolivien est désormais dominé par quatre partis de droite, qui se partagent 119 des 130 sièges à la Chambre des députés et la totalité des 36 sièges au Sénat. Une redistribution spectaculaire qui relègue la gauche à une position marginale. Voici un aperçu des forces en présence :
- Parti démocrate-chrétien (PDC) : Dirigé par Rodrigo Paz, il s’impose comme la première force avec 49 députés et 16 sénateurs.
- Parti de Jorge Quiroga : Deuxième force politique, il obtient 39 sièges à la Chambre et 12 sénateurs.
- Alliance populaire : Formation de gauche modérée, elle décroche 8 sièges à la Chambre.
- Mouvement vers le socialisme (MAS) : Réduit à 2 sièges à la Chambre, contre 75 auparavant, et aucun sénateur.
Cette domination de la droite reflète un rejet massif du MAS, qui paye le prix d’une crise économique aggravée et d’une fracture interne entre Evo Morales et le président sortant, Luis Arce.
Une Crise Économique au Cœur du Vote
La Bolivie traverse une tempête économique sans précédent. Avec une inflation annuelle de 25 % en juillet 2025, la plus élevée depuis 2008, et une pénurie criante de devises et de carburant, le mécontentement populaire a joué un rôle clé dans ces élections. Le gouvernement de Luis Arce, qui a choisi de ne pas se représenter, a épuisé les réserves de devises pour maintenir des subventions sur les carburants, une stratégie qui n’a pas convaincu les électeurs.
« Les Boliviens ont voté avec leur portefeuille, exprimant leur frustration face à une économie en chute libre. »
Les files d’attente interminables aux stations-service et la hausse des prix des produits de première nécessité ont alimenté un sentiment d’urgence. Les partis de droite, en promettant des réformes économiques et une gestion plus rigoureuse, ont su capter ce désarroi.
Le Déclin du MAS et l’Ombre d’Evo Morales
Le Mouvement vers le socialisme, jadis pilier de la politique bolivienne, s’effondre de manière spectaculaire. Avec seulement 2 sièges à la Chambre et aucun au Sénat, le parti est relégué à une place symbolique. Cette déroute s’explique en partie par la rupture entre Evo Morales et Luis Arce, qui a fracturé la base électorale du MAS.
Evo Morales, figure emblématique de la gauche bolivienne, aspirait à un quatrième mandat. Mais, frappé d’inéligibilité et sous le coup d’un mandat d’arrêt, il n’a pas pu présenter de candidats. En signe de protestation, il a appelé au vote nul, une stratégie qui a eu un impact notable : 19,2 % des bulletins ont été invalidés, un record historique.
Parti | Sièges Chambre | Sièges Sénat |
---|---|---|
Parti démocrate-chrétien | 49 | 16 |
Parti de Jorge Quiroga | 39 | 12 |
Alliance populaire | 8 | 0 |
MAS | 2 | 0 |
Un Second Tour Décisif
Le second tour de la présidentielle, prévu pour le 19 octobre, mettra aux prises Rodrigo Paz et Jorge Quiroga. Si Paz, avec son Parti démocrate-chrétien, bénéficie d’une légère avance grâce à ses résultats au premier tour, Quiroga, ancien président, dispose d’une expérience et d’une notoriété qui pourraient faire pencher la balance. Ce face-à-face s’annonce comme un moment clé pour définir l’orientation future du pays.
Les électeurs attendent des réponses concrètes à la crise économique. Les deux candidats ont promis de s’attaquer à l’inflation, de rétablir les réserves de devises et de diversifier l’économie, trop dépendante des exportations de gaz. Mais leurs approches diffèrent : Paz mise sur une libéralisation progressive, tandis que Quiroga prône une réforme fiscale audacieuse.
Les Défis de la Nouvelle Majorité
Avec une majorité écrasante au Parlement, la droite a désormais les coudées franches pour mettre en œuvre son programme. Mais les défis sont immenses. Outre la crise économique, le pays doit faire face à des tensions sociales croissantes. Les partisans d’Evo Morales, bien que marginalisés politiquement, restent une force dans la rue et pourraient organiser des mouvements de contestation.
« La droite devra prouver qu’elle peut unir le pays tout en répondant à ses défis économiques. »
La gestion des ressources naturelles, un sujet brûlant en Bolivie, sera également au cœur des débats. Le lithium, dont le pays possède d’immenses réserves, pourrait devenir un levier économique, mais seulement si les investissements étrangers sont bien négociés.
Un Vote Nul Record : Symbole de la Fracture
Le taux de 19,2 % de votes nuls reflète une fracture profonde dans la société bolivienne. Encouragés par Evo Morales, de nombreux électeurs ont choisi de rejeter le système électoral, dénonçant l’exclusion de leur leader. Ce phénomène, inédit dans l’histoire récente du pays, souligne la méfiance d’une partie de la population envers les institutions.
Pour la droite, ce vote nul représente à la fois une opportunité et un défi. Une opportunité, car il montre un rejet du MAS ; un défi, car il révèle une polarisation qui pourrait compliquer la gouvernance.
Vers un Nouveau Chapitre
La Bolivie entre dans une nouvelle ère politique. La victoire de la droite, portée par Rodrigo Paz et Jorge Quiroga, marque un tournant après vingt ans de domination de la gauche. Mais le chemin vers la stabilité reste semé d’embûches. La crise économique, les tensions sociales et la nécessité de réformes structurelles mettront à l’épreuve la capacité de la nouvelle majorité à gouverner.
Le second tour de la présidentielle, dans moins de deux mois, sera déterminant. Les Boliviens, épuisés par les difficultés économiques, attendent un leadership fort et des solutions concrètes. Le pays peut-il se réinventer ? L’avenir nous le dira.