Dans l’archipel paradisiaque des Seychelles, où les plages de sable blanc et les eaux turquoise attirent des touristes du monde entier, une bataille électorale d’une rare intensité s’engage. À partir de ce jeudi soir, la campagne pour l’élection présidentielle de septembre bat son plein, révélant des enjeux bien plus sombres que les paysages de carte postale. Entre la lutte contre un trafic de drogue qui ronge l’archipel, une crise du coût de la vie et des décisions controversées du président sortant, cette élection promet d’être un tournant pour les Seychellois. Qui de Wavel Ramkalawan, président en quête d’un second mandat, ou de Patrick Herminie, son principal adversaire, saura convaincre une population en quête de changement ?
Une Élection Sous Haute Tension
Du 25 au 27 septembre, les Seychellois se rendront aux urnes pour choisir leur prochain président. Avec huit candidats validés par la Commission électorale, le scrutin s’annonce disputé. Au cœur de cette bataille, deux figures dominent : Wavel Ramkalawan, président sortant et leader de l’Union démocratique seychelloise (LDS), et Patrick Herminie, médecin et candidat d’United Seychelles, l’ancien parti unique. Cette élection, marquée par des défis sociaux et économiques, pourrait redessiner l’avenir de cet archipel de l’océan Indien.
Wavel Ramkalawan : Un Bilan Contesté
À la tête du pays depuis 2020, Wavel Ramkalawan, ancien prêtre anglican, avait suscité l’espoir en promettant de s’attaquer à la corruption et au trafic de drogue. Pourtant, cinq ans plus tard, son bilan est loin de faire l’unanimité. Malgré des opérations spectaculaires menées par les autorités, le fléau de la drogue persiste, tandis que le coût de la vie, dans un pays dépendant des importations, continue d’asphyxier les habitants. La cession controversée de l’île d’Assomption à des investisseurs qataris pour un projet hôtelier de luxe a également alimenté les critiques, perçue par beaucoup comme une atteinte à la souveraineté nationale.
Il y a beaucoup de mécontentement dans le pays contre la politique du gouvernement, et c’est pour cela que l’on voit autant de candidats à une élection présidentielle.
Georges Bibi, ancien député
Ce mécontentement, couplé à une campagne électorale intense, place Ramkalawan dans une position fragile. Son passé de leader de l’opposition, où il s’était imposé comme une figure tenace, pourrait-il encore convaincre les électeurs ?
Patrick Herminie : L’Héritage d’United Seychelles
Face à lui, Patrick Herminie, représentant d’United Seychelles, porte les couleurs d’un parti qui a dominé la vie politique seychelloise pendant des décennies. Médecin de profession, Herminie mise sur son expérience et sur le mécontentement populaire pour séduire les électeurs. Son programme, bien que moins médiatisé pour l’instant, semble vouloir capitaliser sur les failles du gouvernement actuel, notamment en matière de gestion économique et de lutte contre la criminalité.
Le retour en force d’United Seychelles pourrait-il marquer un tournant ? Pour beaucoup, ce parti évoque à la fois une stabilité passée et un système critiqué pour son autoritarisme. Herminie devra donc naviguer entre l’héritage de son parti et la nécessité de proposer une vision nouvelle.
Le Fléau de la Drogue : Un Enjeu Central
Si les Seychelles sont souvent perçues comme un havre de paix, la réalité est bien plus complexe. Le trafic de drogue, en particulier l’héroïne et les drogues de synthèse, gangrène l’archipel. Selon l’Agence pour la prévention de l’abus de drogues et la réadaptation, entre 5 000 et 6 000 personnes consomment de l’héroïne, un chiffre basé sur les inscrits au programme de méthadone. Mais d’autres estimations, plus alarmantes, évoquent jusqu’à 10 000 usagers, soit environ 10 % de la population.
La situation est plus alarmante qu’on ne le pense.
Michel Bristol, ancien héroïnomane et membre de l’association Emprit
Les drogues de synthèse, en particulier, aggravent la crise. Faciles à produire et à distribuer, elles envahissent les foyers, parfois au vu et au su de tous. « Les gens meurent sans que l’on sache pourquoi », déplore Michel Bristol, qui pointe l’omniprésence de la drogue dans les communautés. Malgré les efforts du gouvernement, les opérations antidrogue peinent à produire des résultats durables, alimentant la frustration des Seychellois.
Les chiffres clés de la crise de la drogue
- 5 000 à 6 000 : Nombre de consommateurs d’héroïne selon l’APDAR.
- 10 % : Proportion estimée de la population touchée par la drogue.
- Méthadone : Programme de substitution pour les héroïnomanes.
- Drogues de synthèse : Nouvelle menace pour l’archipel.
Coût de la Vie : Une Pression Quotidienne
Dans un pays où presque tout est importé, le coût de la vie est un fardeau constant pour les Seychellois. Les produits de première nécessité, des denrées alimentaires aux carburants, pèsent lourd sur le budget des ménages. Cette situation, exacerbée par l’inflation mondiale, touche particulièrement les classes moyennes et populaires, qui peinent à joindre les deux bouts dans un archipel où le tourisme de luxe domine l’économie.
Le contraste est saisissant : d’un côté, des hôtels cinq étoiles accueillent une clientèle internationale fortunée ; de l’autre, les habitants luttent pour subvenir à leurs besoins. Cette fracture économique alimente un sentiment d’injustice, qui pourrait jouer un rôle déterminant dans le choix des électeurs.
La Polémique d’Assomption : Une Souveraineté en Question
L’une des décisions les plus controversées du mandat de Ramkalawan concerne la cession de l’île d’Assomption à des investisseurs qataris pour une durée de 70 ans. Ce projet, qui vise à construire un complexe hôtelier de luxe, a suscité une vague d’indignation. Pour beaucoup, cette décision équivaut à une perte de souveraineté sur une partie du territoire national, un symbole fort dans un pays composé de 115 îles.
Ce choix, perçu comme favorisant les intérêts étrangers au détriment des Seychellois, a renforcé le mécontentement envers le gouvernement. Les opposants y voient une preuve de l’incapacité de Ramkalawan à défendre les intérêts nationaux, un argument que Patrick Herminie ne manquera pas d’exploiter.
Une Élection à Huit Candidats : Un Record
Avec huit candidats en lice, cette présidentielle est l’une des plus ouvertes de l’histoire des Seychelles. Ce nombre record reflète, selon les observateurs, un profond désir de changement. « L’élection sera extrêmement serrée », prédit Georges Bibi, ancien député, soulignant l’ampleur du mécontentement populaire. Chaque candidat, des figures établies aux outsiders, tente de capter l’attention d’une population lassée par les promesses non tenues.
| Candidat | Parti | Profil |
|---|---|---|
| Wavel Ramkalawan | LDS | Président sortant, ancien prêtre |
| Patrick Herminie | United Seychelles | Médecin, leader de l’opposition |
Les Défis d’un Archipel en Mutation
Les Seychelles, souvent idéalisées comme un paradis tropical, sont à un carrefour. Entre la lutte contre la drogue, la gestion d’une économie dépendante du tourisme et les tensions autour de la souveraineté, les défis sont immenses. Les électeurs, confrontés à des réalités quotidiennes difficiles, attendent des solutions concrètes. La campagne électorale, qui s’ouvre ce jeudi, sera l’occasion pour les candidats de présenter leur vision pour l’avenir.
Pour Wavel Ramkalawan, il s’agira de défendre son bilan tout en convainquant de sa capacité à redresser la barre. Pour Patrick Herminie, l’enjeu sera de proposer une alternative crédible, capable de rallier une population divisée. Quant aux six autres candidats, leur présence même témoigne d’une volonté de renouveau, dans un pays où les attentes sont élevées.
Quel Avenir pour les Seychelles ?
À l’approche du scrutin, une question demeure : les Seychellois opteront-ils pour la continuité ou pour un changement radical ? Les enjeux de cette élection – drogue, coût de la vie, souveraineté – transcendent les clivages politiques traditionnels. Dans un archipel où la beauté des paysages cache des réalités complexes, le choix des électeurs pourrait redéfinir l’identité même des Seychelles.
Alors que la campagne bat son plein, une chose est sûre : les prochaines semaines seront décisives. Les débats, les promesses et les visions des candidats seront scrutés de près. Dans ce contexte, l’élection de septembre ne sera pas seulement un choix de président, mais un référendum sur l’avenir d’un pays confronté à des défis sans précédent.
