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Jean Pormanove : Mort Tragique d’un Streamer en Direct

Jean Pormanove, streamer star, est mort en direct sur Kick. Des violences choquantes filmées pendant des mois. L’Arcom réagit enfin, mais trop tard ? Une enquête est en cours...

Imaginez-vous scotché à votre écran, suivant un live stream où l’ambiance festive bascule soudain dans l’horreur. C’est ce qu’ont vécu des milliers de spectateurs dans la nuit du 17 au 18 août 2025, lorsque Raphaël Graven, connu sous le pseudonyme de Jean Pormanove, s’est éteint en direct sur la plateforme Kick. Ce drame, survenu à Contes, dans les Alpes-Maritimes, a secoué la France et relancé un débat brûlant : comment des violences répétées ont-elles pu être diffusées pendant des mois sans intervention ?

Une tragédie qui révèle les failles du numérique

La mort de Jean Pormanove, streamer suivi par plus de 500 000 abonnés, n’est pas un simple fait divers. Elle met en lumière les dérives d’un monde numérique où la quête d’audience peut mener au pire. Ce quadragénaire, ancien militaire, s’est fait connaître pour ses vidéos de gaming avant de plonger dans des contenus extrêmes, marqués par des violences physiques et psychologiques. Mais comment en est-on arrivé là, et pourquoi personne n’a-t-il agi plus tôt ?

Qui était Jean Pormanove ?

Raphaël Graven, alias Jean Pormanove, était une figure incontournable du streaming français. Avec des centaines de milliers d’abonnés sur des plateformes comme TikTok, Twitch, et surtout Kick, il captivait son audience par son charisme et son humour. Initialement centré sur les jeux vidéo, son contenu a évolué vers des défis extrêmes, souvent orchestrés avec d’autres streamers comme Narutovie et Safine. Ces lives, diffusés sur la chaîne Le Lokal, attiraient des dizaines de milliers de spectateurs chaque soir, certains payant pour voir des scènes toujours plus choquantes.

« J’ai toujours redouté le jour où je devrais écrire ces mots. Malheureusement, cette nuit, JP nous a quittés. »

Narutovie, streamer et partenaire de Jean Pormanove, sur Instagram

Malgré son succès, Jean Pormanove était souvent présenté comme un « souffre-douleur » dans ces vidéos. Les spectateurs pouvaient assister à des actes de violence : coups, tirs de paintball, strangulations, et humiliations verbales. Ces scènes, bien que parfois perçues comme consenties, ont soulevé des questions sur l’emprise psychologique et financière exercée sur lui.

Un drame filmé en direct

Dans la nuit du 17 au 18 août 2025, Jean Pormanove participait à un live marathon de plus de 298 heures sur Kick. Allongé sur un matelas, recouvert d’une couette, il semblait endormi. Mais lorsque ses partenaires, dont Narutovie, ont tenté de le réveiller, il était déjà trop tard. La vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux, montre un moment glaçant : un streamer jette une bouteille d’eau sur Raphaël Graven, inanimé, avant que le live ne soit coupé. Cette séquence a choqué des milliers de spectateurs et a déclenché une vague d’indignation.

Le parquet de Nice a immédiatement ouvert une enquête pour déterminer les causes de la mort, confiée à la police judiciaire. Une autopsie a été ordonnée, mais à ce stade, rien n’indique un lien direct entre les violences subies et le décès. Pourtant, les images des derniers jours de Jean Pormanove, marquées par des privations de sommeil, des agressions physiques et des humiliations, ont amplifié l’émotion.

Des violences sous les yeux de tous

Ce qui rend ce drame particulièrement troublant, c’est sa visibilité. Pendant des mois, voire des années, Jean Pormanove a été victime de violences diffusées en direct. Les spectateurs ont pu voir :

  • Des privations de sommeil extrêmes, avec des lives ininterrompus pendant des jours.
  • Des agressions physiques, comme des tirs de paintball sans protection ou des coups de chaise.
  • Des humiliations verbales et des mises en scène dégradantes, souvent accompagnées de rires.
  • Des ingestions forcées de substances, parfois toxiques, sous la pression de ses partenaires.

Ces actes, orchestrés par Narutovie et Safine, étaient non seulement tolérés, mais encouragés par une partie du public. Les spectateurs payaient via des abonnements ou des dons pour voir ces « concepts » macabres, comme le « jeu de la claque » ou « Questions pour un golmon ». Ce système, où l’audience finance la violence, pose une question cruciale : où s’arrête la liberté d’expression et où commence la complicité ?

L’Arcom sous le feu des critiques

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) est au cœur de la tourmente. Accusée de négligence, elle a été alertée dès décembre 2024 sur les contenus violents diffusés sur Kick, notamment après une enquête journalistique dénonçant un « business de la maltraitance en ligne ». Pourtant, aucune mesure concrète n’avait été prise avant le drame.

« Il semble que faire en sorte qu’un homme ne soit pas torturé pendant des mois en direct fasse partie des missions de l’Arcom. Il va falloir de sérieuses explications. »

Une journaliste, sur les réseaux sociaux

Les critiques pointent un manque de moyens et une priorisation douteuse. Avec seulement 23 agents dédiés à la régulation des contenus numériques en France, contre 60 en Allemagne, l’Arcom semble dépassée. Certains accusent l’autorité de se focaliser sur des enjeux politiques, comme la surveillance de certaines chaînes de télévision, au détriment de la lutte contre la cyberviolence.

Chiffres clés :

  • 298 heures : durée du live marathon avant le décès.
  • 36 411 euros : montant des dons récoltés pendant le live.
  • 23 agents : effectif de l’Arcom pour la régulation numérique en France.

La réponse tardive de l’Arcom

Face à la polémique, l’Arcom a publié un communiqué le 20 août 2025, promettant de « prendre le taureau par les cornes ». L’autorité a contacté le représentant légal de Kick à Malte pour exiger des explications sur la modération des contenus francophones. Elle s’est également rapprochée de l’Office anti-cybercriminalité et de son homologue allemand pour vérifier si des demandes de retrait de contenus avaient été ignorées.

L’Arcom insiste sur son engagement pour un « internet plus sûr » et promet de renforcer ses actions. Mais pour beaucoup, cette réaction arrive trop tard. La Ligue des Droits de l’Homme avait déjà alerté l’autorité en février 2025, sans résultat. La plateforme Kick, connue pour ses règles de modération laxistes, n’avait pas de représentant légal en Europe jusqu’à récemment, compliquant toute intervention.

La responsabilité des plateformes

La ministre déléguée au Numérique, Clara Chappaz, a qualifié les violences subies par Jean Pormanove d’horreur absolue. Dans un message publié sur les réseaux sociaux, elle a rappelé que « la responsabilité des plateformes en ligne sur la diffusion de contenus illicites n’est pas une option : c’est la loi ». Elle a saisi l’Arcom et effectué un signalement via Pharos, le service de lutte contre la violence en ligne.

« Jean Pormanove a été humilié et maltraité pendant des mois en direct sur la plateforme Kick. Ce type de défaillance n’a pas sa place en France, en Europe ni ailleurs. »

Clara Chappaz, ministre déléguée au Numérique

Kick, créée en 2022, se distingue par une politique de rémunération avantageuse, reversant 95 % des revenus aux créateurs contre 50 % pour la plupart des autres plateformes. Ce modèle attire des streamers en quête de gains rapides, mais il favorise aussi les dérives. La plateforme a réagi au drame en suspendant les comptes impliqués et en annonçant une « révision complète » de ses contenus francophones. Mais ces mesures suffiront-elles à prévenir de nouveaux drames ?

Un système qui encourage la violence

Le cas de Jean Pormanove soulève une question fondamentale : pourquoi un tel contenu trouve-t-il un public ? Les spectateurs, en payant pour voir des actes de violence, deviennent-ils complices ? Les plateformes, en monétisant ces dérives, portent-elles une responsabilité morale ?

Facteur Impact
Modération laxiste Permet la diffusion de contenus violents sans contrôle.
Monétisation des lives Incite les streamers à produire des contenus choquants pour attirer des dons.
Manque de régulation Retarde les interventions des autorités comme l’Arcom.

Ce système, où l’audience récompense la surenchère, rappelle les dérives des réseaux sociaux, où la viralité prime sur l’éthique. Les spectateurs, souvent jeunes, sont exposés à des contenus qui banalisent la violence, avec des conséquences potentiellement désastreuses sur leur perception du monde.

Vers une régulation plus stricte ?

Le drame de Jean Pormanove pourrait marquer un tournant dans la régulation des plateformes numériques. En Europe, le Règlement sur les services numériques (DSA) impose aux plateformes de désigner un représentant légal et de modérer activement les contenus illicites. Mais son application reste inégale, notamment pour des plateformes comme Kick, basées hors de l’Union européenne.

Des voix s’élèvent pour demander des sanctions plus lourdes contre les plateformes défaillantes. Certains proposent d’interdire les services récalcitrants ou de poursuivre leurs dirigeants. D’autres appellent à une refonte de l’Arcom, pour lui donner plus de moyens et une véritable indépendance.

Un appel à la responsabilité collective

Ce drame dépasse le cadre d’un simple accident. Il interroge notre rapport aux réseaux sociaux et à la consommation de contenus en ligne. Les spectateurs, les plateformes, les autorités : chacun a un rôle à jouer pour éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise.

Pour l’heure, l’enquête judiciaire suit son cours, et les regards se tournent vers l’Arcom et Kick. La mémoire de Jean Pormanove mérite des réponses claires et des actions concrètes. Car derrière l’écran, il y avait un homme, un ancien militaire, un frère, un ami. Et son histoire ne doit pas être oubliée.

Que peut-on faire pour que le numérique redevienne un espace de création, et non de destruction ? La réponse, peut-être, commence par nous tous.

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