Dans les rues de Nantes, une fronde citoyenne prend de l’ampleur. Son fer de lance : le collectif “Stop Incinérateur XXL”. Leur cible : le projet d’extension d’un incinérateur prévu dans l’est de l’agglomération. Porté par la métropole, ce chantier pharaonique de 366 millions d’euros cristallise toutes les inquiétudes des riverains. Pollution, dégradation du cadre de vie, devenir la “poubelle” de la région… Les griefs sont nombreux. Pour se faire entendre, ces Nantais ont décidé d’aller au contact direct des élus.
Une haie d’honneur pour interpeller la maire
Jeudi 27 juin, à l’aube d’un conseil métropolitain crucial, une quinzaine de membres du collectif ont formé une haie d’honneur surprise à l’entrée de la cité des congrès. Pancartes en main, slogans alertant sur les dangers du projet… Impossible pour les élus d’échapper à ce comité d’accueil engagé. Johanna Rolland, la maire socialiste de Nantes, a dû elle aussi se frayer un chemin. L’édile a échangé quelques mots avec les manifestants, sans pour autant infléchir sa position sur ce dossier sensible.
La plupart des gens s’en fichent, on a l’impression de les embêter. C’est difficile de toucher tout le monde. Malgré cela, nous avons quand même pu décrocher un entretien d’une heure, cet après-midi, avec la vice-présidente déléguée aux déchets.
Corinne Provost, une des organisatrices du collectif
366 millions d’euros et une taille doublée
Mais pourquoi tant d’inquiétudes autour de ce projet ? Baptisé “pôle d’écologie urbaine”, ce futur site industriel doit concentrer un centre de traitement et de valorisation des déchets (CTVD), une déchetterie, une plateforme de valorisation de biodéchets ainsi qu’une station d’épuration. Il sera implanté d’ici 2031 en périphérie de Nantes, sur le secteur de la Prairie de Mauves, en partie occupé actuellement par un grand bidonville rom promis à l’évacuation.
C’est surtout l’extension du CTVD qui focalise les craintes. Celui-ci devrait doubler de taille, avec une capacité de traitement des déchets ménagers portée à 220 000 tonnes par an. De quoi faire de ce site le plus grand incinérateur de la région Pays de la Loire. Un “monstre” industriel aux portes de la ville que rejettent les riverains.
Craintes pour l’environnement et la santé
Les habitants redoutent d’abord un impact environnemental délétère, avec des rejets de polluants et de poussières sur leur lieu de vie. Le bruit et les nuisances liées au transport des déchets, acheminés dans un rayon de 100km autour de Nantes, est un autre point d’inquiétude majeur. Sans parler de l’opprobre symbolique d’accueillir “la grande poubelle” du territoire.
C’est ahurissant. J’habite à 200 mètres du site, et je n’ai pas été prévenu du projet ni de la concertation, avant de finalement recevoir une lettre.
Denis Charrier, un habitant de Doulon mobilisé
Un dialogue de sourds avec la métropole ?
Face à cette bronca, les élus tentent de rassurer, sans convaincre à ce stade. La métropole promet des seuils de pollution très inférieurs aux normes en vigueur. Elle assure travailler sur les problèmes de transport. Mais sur l’épineuse question du gigantisme du projet, les langues restent muettes.
Plusieurs membres du collectif dénoncent aussi un manque de transparence sur ce dossier d’envergure, pointant une concertation insuffisante en amont. Un dialogue de sourds semble engagé avec la collectivité. Pour maintenir la pression, les opposants ont obtenu une rencontre ce jeudi après-midi avec Mahel Coppey, vice-présidente de Nantes Métropole déléguée aux déchets. L’élue écologiste saura-t-elle les rassurer et trouver un terrain d’entente ? Une chose est sûre, la contestation ne faiblit pas et de nouvelles actions coup de poing ne sont pas exclues.
Le feuilleton de l’incinérateur géant de Nantes est loin d’être terminé. Mais il illustre la volonté croissante des citoyens de peser sur les grands projets industriels qui affectent leur cadre de vie. Un désir de participation qui bouscule les élus et impose de repenser la fabrique de la ville. Concertation, transparence, prise en compte des enjeux sanitaires et environnementaux… Voici les maîtres mots pour tenter d’apaiser les relations souvent électriques entre les collectivités et les habitants concernés par ces chantiers d’envergure. Un sacré défi !