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Turkménistan : La Croisade Anti-Tabac S’Intensifie

Au Turkménistan, fumer devient un défi : amendes, interdictions et surveillance traquent les fumeurs. Réussiront-ils à éradiquer le tabac d'ici 2025 ? Lisez pour découvrir...

Dans une ruelle sombre d’Achkhabad, capitale du Turkménistan, un homme jette des regards furtifs avant d’allumer une cigarette. Cette scène, digne d’un roman d’espionnage, est devenue le quotidien des fumeurs dans ce pays d’Asie centrale. Sous l’impulsion de ses dirigeants, le Turkménistan s’est lancé dans une croisade sans précédent pour devenir le premier pays au monde débarrassé du tabac d’ici fin 2025. Mais à quel prix ? Entre amendes salées, surveillance accrue et un marché noir florissant, cette lutte révèle des tensions entre santé publique et libertés individuelles.

Une Ambition Nationale : Un Turkménistan Sans Tabac

Le projet est audacieux : faire du Turkménistan, une ancienne république soviétique de sept millions d’habitants, un modèle mondial de santé publique. Selon l’Organisation mondiale de la santé, seulement 4 % de la population fume, un chiffre remarquablement bas. Cette statistique est le fruit d’une politique rigoureuse initiée par l’ancien président, un ex-dentiste fervent défenseur d’un mode de vie sain, et poursuivie par son successeur. Leur objectif ? Éradiquer totalement le tabagisme d’ici fin 2025.

Cette ambition s’inscrit dans une vision plus large de transformation nationale, où le pays se présente comme une « renaissance d’un État puissant ». Mais derrière les discours officiels, les fumeurs vivent une réalité bien différente, marquée par la peur des amendes et une surveillance omniprésente.

La Vie Secrète des Fumeurs Turkmènes

Pour les fumeurs, fumer est devenu un acte de dissimulation. Un retraité de 64 ans, maçon de profession, raconte qu’il se cache dans des ruelles désertes ou derrière des buissons pour éviter les regards indiscrets des caméras de surveillance. « J’ai déjà été pris en bas de chez moi, confie-t-il. Depuis, je fais attention à ne pas me faire repérer. » Cette prudence est devenue une nécessité dans un pays où les autorités traquent sans relâche les contrevenants.

« Je fume dans mon appartement, mais en ville, je cherche un coin sans caméras : une impasse, des arbres, un endroit isolé. »

Un fumeur turkmène

Les sanctions sont lourdes. Les amendes, pouvant atteindre 200 manats, représentent une somme conséquente dans un pays où le salaire moyen avoisine les 1 500 manats, selon des données de 2018. Avec un double taux de change – un officiel manipulé par l’État et un autre, bien plus faible, sur le marché noir – les comparaisons économiques restent complexes. Mais une chose est claire : fumer coûte cher, et pas seulement financièrement.

Une Stratégie Basée sur la Coercition

Pour atteindre cet objectif ambitieux, le gouvernement turkmène mise sur des mesures draconiennes. Parmi elles :

  • Hausse des taxes douanières sur les produits du tabac, rendant les cigarettes importées hors de prix.
  • Interdiction de fumer dans presque tous les lieux publics, y compris les parkings municipaux.
  • Limitation des importations : seulement deux paquets de cigarettes peuvent être rapportés de l’étranger.
  • Augmentation de l’âge légal pour acheter du tabac, renforçant les restrictions d’accès.
  • Amendes fréquentes, parfois infligées dans des situations absurdes, comme fumer dans sa propre voiture.

Un jeune entrepreneur de 24 ans raconte une anecdote révélatrice : « J’ai été verbalisé pour avoir fumé dans ma voiture, garée sur un parking public. J’ai protesté, mais le policier m’a répondu que le parking était un lieu public. » Cet épisode l’a poussé à arrêter, non par conviction, mais par crainte des sanctions.

Un Marché Noir en Pleine Expansion

Face à ces restrictions, le tabac devient une denrée rare. Les cigarettes ne sont plus vendues dans les magasins d’État, propriétés du ministère du Commerce. Les fumeurs se tournent vers des kiosques privés, où les paquets, importés d’Ouzbékistan, du Kazakhstan ou d’Iran, coûtent entre 50 et 170 manats. Pour beaucoup, acheter à l’unité est la seule option abordable.

Un vendeur de 21 ans dans un kiosque d’Achkhabad confie : « La plupart des clients achètent une ou deux cigarettes, car un paquet entier est trop cher. » Cette situation alimente un marché noir florissant, où les prix grimpent en flèche. Certains prédisent que l’interdiction totale, prévue pour fin 2025, ne fera qu’aggraver ce phénomène.

« Les cigarettes ne disparaîtront pas, elles seront juste plus chères. Un marché noir va se développer. »

Un ouvrier turkmène

Santé Publique : Entre Prévention et Contrôle

Le gouvernement ne se contente pas de punir. Des centres gratuits ont été créés pour aider les fumeurs à arrêter. Une médecin d’Achkhabad se félicite de ces initiatives : « Nous offrons des conseils pour surmonter la dépendance au tabac. C’est une lutte active pour la santé de la population. » Pourtant, ces efforts restent éclipsés par la répression.

Les autorités organisent aussi des mises en scène spectaculaires pour marquer les esprits. Des autodafés de cigarettes de contrebande, accompagnés de danses et musiques traditionnelles, sont diffusés à la télévision. En 2023, une vingtaine de personnes ont été forcées de s’excuser publiquement à la télévision pour avoir fumé de la chicha ou importé du tabac illégalement.

Mesure Anti-Tabac Impact
Hausse des taxes Prix des cigarettes multiplié, alimentant le marché noir
Interdiction dans les lieux publics Fumeurs contraints de se cacher, amendes fréquentes
Centres d’aide gratuits Efforts de prévention, mais impact limité face à la coercition
Limitation des importations Raréfaction des cigarettes légales, essor de la contrebande

Vers un Avenir Sans Tabac… ou Sans Liberté ?

À l’approche de l’échéance de 2025, les doutes persistent. Les fumeurs, comme cet ouvrier de 60 ans, estiment que le tabac ne disparaîtra pas, mais deviendra un produit de luxe accessible uniquement via le marché noir. Une vendeuse d’une quarantaine d’années renchérit : « Les cigarettes seront toujours là, mais à des prix exorbitants. À ce rythme, personne n’aura les moyens de fumer. »

Cette politique, bien que motivée par des préoccupations de santé publique, soulève des questions éthiques. La surveillance constante, les amendes arbitraires et les mises en scène publiques rappellent le contrôle strict exercé par un régime autoritaire. Dans un pays où obtenir des informations fiables est un défi, il est difficile de mesurer l’efficacité réelle de ces mesures.

Un Nouveau Défi : L’Alcool dans le Viseur

Le Turkménistan ne s’arrête pas au tabac. En juillet, les autorités ont annoncé un plan pour s’attaquer à l’alcool d’ici 2028. Cette nouvelle croisade laisse présager une intensification des mesures coercitives, avec des implications encore plus larges pour la société turkmène. Les citoyens s’adapteront-ils, ou le mécontentement grandira-t-il face à ces restrictions croissantes ?

En attendant, les fumeurs continuent de se cacher, les vendeurs opèrent dans l’ombre, et le marché noir prospère. Le Turkménistan parviendra-t-il à devenir le premier pays sans tabac, ou cette quête utopique donnera-t-elle naissance à de nouveaux problèmes ? L’avenir le dira, mais pour l’instant, chaque bouffée est un acte de résistance.

Récapitulatif des enjeux :

  • Une politique anti-tabac parmi les plus strictes au monde.
  • Des fumeurs contraints à la clandestinité.
  • Un marché noir en pleine expansion.
  • Une tension croissante entre santé publique et libertés personnelles.
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