Dans un Mali secoué par des années de crises multiples, une nouvelle page s’écrit avec l’arrestation de l’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga. Cette figure politique, autrefois alliée de la junte militaire au pouvoir, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une tempête judiciaire et politique. Comment en est-on arrivé là, dans un pays où la stabilité semble un mirage ? Cet événement, loin d’être isolé, reflète les tensions croissantes entre les autorités militaires et les voix dissidentes, sur fond de violences persistantes et de défis économiques.
Une Arrestation qui Secoue le Mali
L’annonce de la garde à vue de Choguel Kokalla Maïga, survenue en août 2025, a fait l’effet d’une bombe dans le paysage politique malien. Cet ancien Premier ministre, limogé en novembre 2024, était jusqu’alors une figure centrale du pouvoir post-coup d’État. Sa mise à l’écart, suivie de son placement en détention, marque un tournant dans la gestion autoritaire de la junte dirigée par le général Assimi Goïta. Mais que reproche-t-on précisément à Maïga ?
Selon des sources judiciaires, Maïga et plusieurs de ses anciens collaborateurs, dont son directeur de cabinet Issiaka Ahmadou Singaré, sont visés par une enquête sur des prétendues malversations financières. Un rapport du Vérificateur général de l’État aurait pointé des irrégularités dans leur gestion à la Primature. Cette accusation, bien que vague, s’inscrit dans un contexte où la junte cherche à consolider son pouvoir en éliminant toute opposition potentielle.
« Maïga et plusieurs de ses anciens collaborateurs sont en garde à vue dans le cadre des enquêtes sur leur gestion à la Primature. » – Source judiciaire
Un Contexte de Répression Accrue
Cette arrestation ne survient pas dans le vide. Ces derniers jours, une vague d’interpellations a visé une cinquantaine de militaires, dont deux généraux, accusés de comploter contre la junte. Ces événements traduisent une volonté claire des autorités de resserrer leur emprise sur le pouvoir, dans un climat de suspicion généralisée. La junte, au pouvoir depuis les coups d’État de 2020 et 2021, semble déterminée à écarter toute menace, qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur.
Choguel Maïga, figure du Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), avait pourtant joué un rôle clé dans la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta en 2020. Nommé Premier ministre en 2021, il incarnait alors une forme de légitimité civile pour une junte militaire en quête de soutien populaire. Cependant, ses critiques publiques contre les généraux, notamment sur leur refus de céder le pouvoir aux civils comme promis en mars 2024, ont précipité sa chute.
La Militarisation du Pouvoir
Le limogeage de Maïga en 2024, remplacé par le général Abdoulaye Maïga, a marqué un tournant décisif dans la militarisation de l’exécutif. Ce choix a envoyé un message clair : la junte n’entend pas partager le pouvoir. Dans un pays où les libertés sont de plus en plus restreintes, cette transition a exacerbé les tensions avec les forces politiques et sociales qui espéraient un retour rapide à un gouvernement civil.
Les restrictions imposées par la junte ne se limitent pas à la sphère politique. La liberté de la presse est sous pression, des organisations ont été dissoutes, et les voix dissidentes font l’objet de mesures coercitives. Ce climat de répression s’accompagne d’un discours officiel qui insiste sur la nécessité d’unité face aux nombreux défis du pays, notamment la crise sécuritaire.
Événement | Date | Impact |
---|---|---|
Coups d’État | 2020-2021 | Prise de pouvoir par la junte |
Limogeage de Maïga | Novembre 2024 | Militarisation accrue de l’exécutif |
Arrestation de Maïga | Août 2025 | Tensions politiques exacerbées |
Une Crise Sécuritaire Persistante
Depuis 2012, le Mali est plongé dans une crise sécuritaire d’une ampleur rare. Les violences perpétrées par des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique, combinées aux agissements de groupes criminels communautaires, continuent de déstabiliser le pays. Ces violences, qui touchent particulièrement les régions du nord et du centre, ont fait des milliers de victimes et déplacé des centaines de milliers de personnes.
Face à cette situation, la junte a fait le choix de rompre avec ses partenaires occidentaux, notamment la France, ancienne puissance coloniale. Ce virage, motivé par un discours de souverainisme, a conduit à un rapprochement politique et militaire avec la Russie. Des mercenaires russes, notamment du groupe Wagner, sont désormais présents sur le sol malien, une décision qui a suscité de vives controverses.
« La rupture est consommée entre notre coalition et la junte. » – Choguel Maïga, février 2025
Les Défis d’un Retour à la Démocratie
La promesse d’un retour à un pouvoir civil, initialement prévue pour mars 2024, n’a pas été tenue. Aucune nouvelle échéance électorale n’a été fixée, et les appels de Choguel Maïga à organiser des scrutins crédibles sont restés sans réponse. Cette situation alimente le mécontentement d’une partie de la population et des forces politiques, qui dénoncent une dérive autoritaire.
Pourtant, la junte justifie son maintien au pouvoir par la nécessité de stabiliser le pays face aux multiples crises. Cette rhétorique, bien que séduisante pour certains, peine à masquer les restrictions croissantes imposées à l’opposition et à la société civile. La dissolution d’organisations, les arrestations arbitraires et les pressions sur les médias témoignent d’un durcissement du régime.
Une Crise Économique Aggravante
À la crise sécuritaire s’ajoute une crise économique qui frappe durement le Mali. L’inflation, le chômage et l’insécurité alimentaire touchent des millions de Maliens, tandis que les sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) après les coups d’État ont aggravé la situation. Dans ce contexte, la junte mise sur son alliance avec la Russie pour relancer l’économie, mais les résultats se font attendre.
Pour de nombreux observateurs, l’arrestation de Maïga et de ses collaborateurs pourrait également servir à détourner l’attention de ces difficultés économiques. En pointant du doigt des supposées malversations, la junte cherche à se poser en garante de la probité, tout en éliminant des figures politiques influentes.
Quel Avenir pour le Mali ?
L’avenir du Mali reste incertain. Entre les violences jihadistes, la militarisation du pouvoir et les tensions politiques, le pays semble loin d’un retour à la stabilité. L’arrestation de Choguel Maïga, loin d’être un épiphénomène, symbolise les luttes de pouvoir qui déchirent le pays. Alors que la junte resserre son emprise, la question demeure : jusqu’où ira-t-elle pour conserver le contrôle ?
Pour les Maliens, l’espoir d’un retour à la démocratie et à la paix reste fragile. Les défis sont immenses, et la communauté internationale observe avec inquiétude l’évolution de la situation. Une chose est sûre : le Mali, à la croisée des chemins, devra trouver un équilibre entre sécurité, gouvernance et libertés pour sortir de l’impasse.
« Les militaires doivent créer les conditions pour des scrutins crédibles et apaisés. » – Choguel Maïga, février 2025
En attendant, les regards se tournent vers le procureur de la Cour suprême, qui devrait statuer prochainement sur le sort de Maïga et de ses collaborateurs. Cette affaire, loin d’être close, risque de continuer à alimenter les débats et les tensions dans un Mali en quête de stabilité.