Pourquoi la reconnaissance d’une guerre oubliée peut-elle changer le regard sur l’histoire ? En 2025, un pas décisif est franchi dans la réconciliation mémorielle entre la France et le Cameroun. La voix d’un président, assumant un passé douloureux, résonne comme un écho dans les archives coloniales. Cette reconnaissance, loin d’être anodine, ouvre un nouveau chapitre dans les relations entre les deux nations.
Un Tournant Mémoriel pour la France et le Cameroun
Le président français a récemment pris une décision historique en qualifiant officiellement de guerre les opérations menées par la France au Cameroun avant et après son indépendance en 1960. Ce terme, jusqu’alors évité dans les discours officiels, marque une volonté de transparence sur une période trouble de l’histoire coloniale. Dans une lettre adressée à son homologue camerounais, le chef de l’État français assume pleinement le rôle de son pays dans ces événements, ouvrant la voie à une réflexion collective.
Cette déclaration s’appuie sur un rapport d’historiens, remis en janvier 2025, qui détaille les violences exercées par les autorités coloniales et l’armée française. Ce document, fruit d’une commission mixte franco-camerounaise, met en lumière une répression brutale contre les mouvements indépendantistes. Mais pourquoi cette reconnaissance intervient-elle maintenant, et quelles en sont les implications ?
Une Guerre Longtemps Tue
Entre 1956 et 1961, le sud et l’ouest du Cameroun ont été le théâtre d’une répression coloniale d’une intensité rarement évoquée. Les historiens estiment que cette guerre a causé des dizaines de milliers de victimes, un chiffre qui témoigne de l’ampleur des violences. Les autorités françaises, en collaboration avec le gouvernement camerounais post-indépendance, ont déployé des stratégies répressives contre les mouvements d’opposition, notamment l’Union des populations du Cameroun (UPC).
Une guerre a eu lieu au Cameroun, au cours de laquelle les autorités coloniales et l’armée française ont exercé des violences répressives de nature multiple.
Rapport de la commission mixte, 2025
Ce conflit ne s’est pas arrêté avec l’indépendance formelle du Cameroun en janvier 1960. Contrairement à l’idée d’une rupture nette, les autorités françaises ont continué à soutenir le régime autocratique d’Ahmadou Ahidjo, premier président du Cameroun indépendant. Des conseillers français, présents sur le terrain, ont validé des mesures répressives contre les opposants, prolongeant ainsi l’influence coloniale.
Les Figures de la Résistance
Le rapport met en avant des épisodes tragiques, comme celui d’Ekité, le 31 décembre 1956, où de nombreuses victimes ont péri lors d’opérations sous commandement français. Quatre leaders indépendantistes ont également perdu la vie dans des circonstances violentes : Isaac Nyobè Pandjock (17 juin 1958), Ruben Um Nyobè (13 septembre 1958), Paul Momo (17 novembre 1960) et Jérémie Ndéléné (24 novembre 1960). Ces noms, symboles de la lutte pour l’indépendance, restent gravés dans la mémoire collective camerounaise.
En revanche, l’assassinat de Félix-Roland Moumié, empoisonné à Genève en 1960, reste entouré de mystère. Les archives françaises et la justice suisse n’ont pas permis d’établir clairement les responsabilités, laissant cette affaire irrésolue. Ce flou illustre les limites de l’accès aux documents d’époque, un défi pour les historiens.
Une Politique Mémorielle Engagée
Cette reconnaissance s’inscrit dans une démarche plus large entreprise par le président français depuis plusieurs années. Après des rapports similaires sur le Rwanda et l’Algérie, cette initiative vise à confronter les pages sombres de l’histoire coloniale française. En lançant la commission mixte franco-camerounaise en juillet 2022, le chef de l’État a souhaité poser les bases d’une vérité historique partagée.
Le rapport, dirigé par l’historienne Karine Ramondy, s’étend sur plus de mille pages et explore le glissement progressif d’une répression coloniale vers une guerre ouverte. Il insiste sur le rôle des conseillers français dans le soutien au régime d’Ahidjo, marquant une continuité entre la période coloniale et les premières années de l’indépendance.
Points clés du rapport :
- Répression coloniale entre 1956 et 1961 dans le sud et l’ouest du Cameroun.
- Des dizaines de milliers de victimes estimées.
- Soutien français au régime autocratique d’Ahmadou Ahidjo post-1960.
- Accès facilité aux archives françaises pour de futures recherches.
Vers une Réconciliation Franco-Camerounaise ?
La reconnaissance de cette guerre ne se limite pas à un exercice de mémoire. Elle vise à renforcer les liens entre la France et le Cameroun, en s’appuyant sur des relations humaines et des échanges entre les sociétés civiles. Le président français propose la création d’un groupe de travail dédié pour poursuivre les recherches historiques et garantir un accès facilité aux archives.
Cette démarche intervient dans un contexte politique particulier au Cameroun. Le président Paul Biya, âgé de 92 ans, a annoncé sa candidature pour un huitième mandat en octobre 2025, malgré le rejet de la candidature de son principal opposant, Maurice Kamto. Ce climat tendu pourrait influencer la réception de cette reconnaissance historique.
Les Défis de la Transparence
L’ouverture des archives françaises est un enjeu majeur. Si le président français s’engage à faciliter l’accès aux documents, certaines zones d’ombre persistent, comme dans l’affaire Moumié. Les historiens appellent à une collaboration accrue entre les deux pays pour approfondir les recherches et éclaircir les responsabilités.
Pour les Camerounais, cette reconnaissance pourrait raviver des blessures encore vives. Les familles des victimes, ainsi que les descendants des leaders indépendantistes, attendent des gestes concrets, au-delà des mots. La création d’un groupe de travail mixte pourrait être un premier pas vers une mémoire partagée.
Un Passé Qui Résonne Aujourd’hui
La reconnaissance de cette guerre coloniale dépasse le cadre historique. Elle interroge les relations entre la France et l’Afrique à l’heure où les appels à la décolonisation des esprits se multiplient. En assumant ce passé, la France cherche à construire un avenir basé sur la vérité et le respect mutuel.
Pour le Cameroun, cette démarche pourrait ouvrir la voie à une réappropriation de son histoire. Les jeunes générations, souvent éloignées des récits coloniaux, pourraient trouver dans ces travaux un moyen de mieux comprendre leur passé. Mais le chemin vers une réconciliation véritable reste long et semé d’embûches.
Événement | Date | Détails |
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Massacre d’Ekité | 31 décembre 1956 | Opération répressive causant de nombreuses victimes. |
Mort de Ruben Um Nyobè | 13 septembre 1958 | Leader indépendantiste tué lors d’une opération militaire. |
Indépendance du Cameroun | 1er janvier 1960 | Indépendance formelle, mais continuité de l’influence française. |
En conclusion, la reconnaissance de la guerre coloniale au Cameroun par la France est un acte fort, mais il ne constitue qu’une étape. Les travaux à venir, l’ouverture des archives et la collaboration entre les deux nations seront déterminants pour transformer cette déclaration en un véritable levier de réconciliation. L’histoire, lorsqu’elle est assumée, peut devenir un pont vers un avenir apaisé.