Quelles traces laisse une guerre dont on parle peu ? Pendant des décennies, le rôle de la France dans les conflits qui ont secoué le Cameroun avant et après son indépendance en 1960 est resté dans l’ombre. Aujourd’hui, un tournant mémoriel se dessine : le président français a officiellement reconnu que son pays a mené une guerre coloniale au Cameroun, marquée par des violences répressives. Cette déclaration, adressée dans une lettre à son homologue camerounais, ouvre une nouvelle page dans l’histoire des relations entre les deux nations. Plongeons dans ce moment historique, ses implications et les vérités qu’il révèle.
Un Passé Colonial Mis en Lumière
Le 30 juillet 2025, une lettre d’Emmanuel Macron au président camerounais Paul Biya a marqué un jalon dans la reconnaissance des responsabilités historiques de la France. Ce courrier, rendu public récemment, admet explicitement que la France a engagé une guerre au Cameroun contre des mouvements insurrectionnels, avant et après l’indépendance de 1960. Ce terme, rarement utilisé jusqu’ici dans le discours officiel, porte une charge symbolique forte. Il rompt avec des décennies de silence ou d’euphémismes sur une période troublée de l’histoire coloniale.
Ce n’est pas une déclaration isolée. Elle s’appuie sur un rapport d’historiens remis en janvier 2025, qui détaille les violences répressives exercées par les autorités coloniales et l’armée française. Ces violences, multiples et souvent brutales, ont visé les mouvements indépendantistes et d’opposition qui cherchaient à façonner l’avenir du Cameroun. Ce rapport, fruit d’une commission mixte franco-camerounaise, s’inscrit dans une démarche plus large entreprise par le président français pour confronter les pages sombres de l’histoire coloniale.
Une Guerre aux Multiples Visages
Le conflit au Cameroun ne se limite pas à la période précédant l’indépendance. Selon le président français, la guerre s’est prolongée au-delà de 1960, avec le soutien de la France aux autorités camerounaises nouvellement indépendantes. Cette période, souvent méconnue, a vu des opérations de répression contre des mouvements d’opposition, notamment l’Union des populations du Cameroun (UPC), qui revendiquait une indépendance pleine et entière. Les méthodes employées, incluant des arrestations massives, des exécutions et des campagnes militaires, ont laissé des cicatrices profondes.
« Il me revient d’assumer aujourd’hui le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements. »
Emmanuel Macron, lettre du 30 juillet 2025
En reconnaissant officiellement ces faits, la France franchit un pas vers une vérité historique plus complète. Mais que signifie cette reconnaissance pour les Camerounais et pour les relations entre les deux pays ?
Une Commission pour Éclairer l’Histoire
La reconnaissance de Macron n’est pas un coup de théâtre isolé. Elle s’inscrit dans un travail de mémoire initié en juillet 2022, lors d’une visite au Cameroun. À cette occasion, le président français avait annoncé la création d’une commission mixte franco-camerounaise, chargée d’examiner le rôle de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes entre 1945 et 1971. Présidée par l’historienne Karine Ramondy, cette commission a produit un rapport détaillé, base de la déclaration actuelle.
Ce rapport met en lumière des faits longtemps occultés. Parmi eux :
- Des opérations militaires menées par l’armée française contre les insurgés.
- Des violences ciblées contre les populations civiles soupçonnées de soutenir l’UPC.
- Un soutien logistique et stratégique aux autorités camerounaises post-indépendance.
Ces révélations, bien que douloureuses, permettent de poser un regard plus lucide sur le passé. Elles s’inscrivent dans une série d’efforts similaires entrepris par la France pour revisiter son histoire coloniale, notamment au Rwanda et en Algérie.
Un Tournant Mémoriel pour l’Afrique
La démarche de Macron s’inscrit dans une politique mémorielle plus large, visant à réexaminer les relations entre la France et ses anciennes colonies. Après les rapports sur le génocide au Rwanda et la guerre d’Algérie, le Cameroun devient le troisième pilier de cette introspection historique. Cette initiative ne se limite pas à des excuses ou à des déclarations. Elle vise à ouvrir un dialogue entre les nations, à travers des travaux historiques rigoureux.
Pour le président français, ces efforts doivent permettre de « bâtir l’avenir ensemble ». Les liens entre la France et le Cameroun, marqués par une histoire complexe, reposent aussi sur des relations humaines fortes. Les sociétés civiles, les jeunes générations et les échanges culturels sont au cœur de cette volonté de rapprochement.
Pays | Contexte historique | Action mémorielle |
---|---|---|
Rwanda | Génocide de 1994 | Rapport sur le rôle de la France (2021) |
Algérie | Guerre d’indépendance (1954-1962) | Rapport Stora (2021) |
Cameroun | Guerre coloniale (1945-1971) | Rapport Ramondy (2025) |
Paul Biya et l’Avenir du Cameroun
Alors que cette reconnaissance historique fait écho, le contexte politique au Cameroun reste tendu. À 92 ans, Paul Biya, président depuis 1982, a annoncé sa candidature pour un huitième mandat lors de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025. Cette décision intervient dans un climat de contestation, notamment après le rejet de la candidature de son principal opposant, Maurice Kamto, par le Conseil constitutionnel. Ce contexte politique soulève des questions sur l’impact de la reconnaissance historique sur la scène intérieure camerounaise.
La reconnaissance de la guerre coloniale pourrait-elle ouvrir la voie à un dialogue plus large sur la mémoire et la réconciliation au Cameroun ? Pour beaucoup, cette déclaration est un premier pas, mais elle devra être accompagnée d’actions concrètes pour répondre aux attentes des populations.
Vers une Relation Renouvelée ?
La lettre de Macron ne se contente pas de reconnaître le passé. Elle appelle à renforcer les liens entre la France et le Cameroun, en s’appuyant sur les conclusions du rapport et les recherches futures. Cette volonté de construire un avenir commun passe par une meilleure compréhension mutuelle, mais aussi par des initiatives concrètes. Les échanges culturels, éducatifs et économiques pourraient jouer un rôle clé dans ce rapprochement.
Pourtant, des défis subsistent. La reconnaissance historique, bien qu’importante, ne résout pas les tensions actuelles, qu’elles soient politiques ou sociales. Au Cameroun, les jeunes générations, en particulier, attendent des gestes forts pour panser les blessures du passé tout en construisant un avenir équitable.
Et Maintenant ?
La reconnaissance par la France de la guerre coloniale au Cameroun est un moment charnière. Elle invite à une réflexion collective sur la mémoire, la responsabilité et la réconciliation. Mais au-delà des mots, ce sont les actions qui suivront qui détermineront si ce tournant mémoriel peut véritablement transformer les relations franco-camerounaises.
Pour les deux pays, l’enjeu est clair : transformer une histoire douloureuse en un dialogue constructif. Les travaux de la commission mixte, les échanges entre sociétés civiles et les initiatives pour les jeunes générations seront autant de leviers pour y parvenir. Reste à savoir si cette reconnaissance saura répondre aux attentes des Camerounais et ouvrir une nouvelle ère de coopération.
Points clés à retenir :
- La France reconnaît officiellement une guerre coloniale au Cameroun.
- Le rapport de la commission mixte met en lumière des violences répressives.
- Cette démarche s’inscrit dans une politique mémorielle plus large.
- Les relations franco-camerounaises pourraient en être renforcées.