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Deepfakes à Hong Kong : Un Vide Juridique Alarmant

À Hong Kong, les deepfakes pornographiques ciblent les femmes, mais la loi ne suit pas. Victimes trahies, justice impuissante : que faire face à cette nouvelle violence ?

Imaginez ouvrir votre téléphone et découvrir que votre visage a été utilisé pour créer des images obscènes, diffusées sans votre consentement. À Hong Kong, ce cauchemar devient réalité pour de nombreuses femmes, victimes de deepfakes pornographiques, une pratique en pleine expansion qui exploite l’intelligence artificielle pour des actes malveillants. Alors que les cas se multiplient, un vide juridique laisse ces victimes sans recours, confrontées à une violation de leur intimité et à une société qui peine à réagir.

Deepfakes : Une Menace Croissante à Hong Kong

Les deepfakes, ces contenus falsifiés générés par IA, ne sont plus une simple curiosité technologique. À Hong Kong, ils prennent une tournure alarmante, notamment dans la création d’images à caractère sexuel. Une étudiante en droit, que nous appellerons Camille, a vécu un choc en apprenant qu’un camarade avait utilisé des photos de son compte Instagram pour produire des images pornographiques. Comme elle, une vingtaine d’autres étudiantes ont été ciblées, leurs visages insérés dans des scènes explicites sans leur consentement.

Ce scandale, survenu dans l’une des plus prestigieuses universités de la ville, a révélé une réalité troublante : la législation actuelle ne punit pas la création ni la possession de ces images. Seule leur diffusion est criminalisée, laissant les victimes dans une zone grise où la justice semble impuissante. Camille décrit un sentiment d’horreur et de panique, une blessure qui, selon elle, laissera une « cicatrice permanente ».

Une Trahison Intime et ses Conséquences

Pour beaucoup de victimes, l’impact des deepfakes va bien au-delà de l’image elle-même. Une autre étudiante, que nous nommerons Béatrice, raconte avoir considéré l’auteur des images comme un ami proche. « Ma vie privée a été violée. Je ne peux plus faire confiance à mon entourage », confie-t-elle. Cette trahison personnelle s’ajoute à la douleur d’une atteinte à leur dignité, amplifiant le sentiment d’insécurité.

« Ma vie privée a été violée… je ne peux plus faire confiance à mon entourage. »

Béatrice, victime de deepfakes

Dans le cas de l’université, la réponse institutionnelle a été jugée insuffisante. L’étudiant responsable a reçu une simple lettre d’avertissement, avec une demande d’excuses. Pour les victimes, cette mesure symbolique est une insulte. Une troisième étudiante, Anna, déplore l’inaction de l’établissement : « Ils étaient préoccupés, mais ils ne savaient pas quoi faire. C’est ridicule ! »

Un Vide Juridique Criant

À Hong Kong, la loi actuelle criminalise uniquement la diffusion d’images intimes, y compris celles générées par IA. Cependant, la création et la possession de ces contenus ne sont pas punissables, créant un vide juridique qui laisse les victimes sans recours. Dans le cas des étudiantes, l’absence de preuve de diffusion a empêché toute action légale concrète, révélant les limites du système.

Ce problème n’est pas isolé. Une femme d’une trentaine d’années, Janice, a vu sa vie bouleversée après la diffusion de fausses images obscènes auprès de ses proches. Incapable d’identifier le coupable, elle a sombré dans l’isolement, évitant le travail et les sorties. « J’avais peur que ces images inondent Internet », confie-t-elle, évoquant des crises de larmes et des pensées suicidaires.

Les deepfakes ne sont pas seulement une atteinte à la vie privée, ils sont une arme qui détruit la confiance et l’estime de soi.

Une Forme de Violence Genrée

Les deepfakes pornographiques touchent majoritairement les femmes, avec 90 % des victimes recensées. Pour Susanne Choi, experte à l’Université chinoise de Hong Kong, il s’agit d’une « forme de violence sexuelle fondée sur le genre ». Cette réalité met en lumière un problème systémique : les femmes sont disproportionnellement ciblées par ces abus technologiques, souvent sans recours.

Les ONG locales, comme l’Association Concernant la Violence Sexuelle contre les Femmes, signalent une augmentation des cas. En 2024-2025, l’organisation a reçu 11 demandes d’aide, un chiffre probablement sous-estimé. Doris Chong, une responsable, souligne que « les victimes ne savent souvent pas comment demander de l’aide », ce qui complique leur accès à un soutien.

Les Obstacles à la Justice

Même lorsque les victimes osent se manifester, elles se heurtent à des obstacles. Janice, par exemple, a consulté un avocat qui lui a expliqué que, sans preuves solides, la police ne pourrait rien faire. Ce manque de ressources et de clarté législative décourage les plaintes, laissant les victimes dans une impasse.

Face à l’ampleur du problème, l’autorité de protection des données personnelles de Hong Kong a ouvert une enquête pénale, et une plainte est en cours d’examen par la Commission pour l’égalité des chances. Cependant, ces démarches restent insuffisantes pour répondre à l’urgence de la situation.

Un Phénomène Mondial, des Réponses Inégales

Le problème des deepfakes n’est pas propre à Hong Kong. À l’échelle mondiale, certains pays ont commencé à légiférer. Aux États-Unis, une loi adoptée en mai 2025 cible la diffusion de deepfakes et le revenge porn. Au Royaume-Uni et à Singapour, des discussions visent à pénaliser la création de ces contenus, bien que la possession reste souvent un point aveugle.

Stephen Keung, avocat spécialisé, note que la volonté de légiférer progresse, mais les approches varient. À Hong Kong, la lenteur des réformes contraste avec l’urgence ressentie par les victimes. Pour Susanne Choi, il est impératif que les législateurs et les universités « élargissent et révisent les lois et procédures existantes » pour protéger les victimes.

Pays Mesures contre les deepfakes
États-Unis Loi de mai 2025 contre la diffusion de deepfakes et revenge porn.
Royaume-Uni Débats pour pénaliser la création de deepfakes.
Hong Kong Criminalisation uniquement de la diffusion, enquête en cours.

Les Victimes Face aux Critiques

Pour ajouter à leur souffrance, les victimes font face à des jugements sociaux. Camille raconte avoir été critiquée pour avoir dénoncé l’étudiant responsable : « Beaucoup ont dit que je ruinais son avenir et que je devrais m’excuser. » Ce type de réaction illustre un problème plus large : une société qui minimise la gravité des deepfakes et blâme les victimes plutôt que les responsables.

Pour Béatrice, la simple création de ces images est un acte répréhensible. « Mon intimité, ma dignité ont été affectées », insiste-t-elle. Cette perspective met en lumière un débat crucial : faut-il punir la création de deepfakes, même sans diffusion ? Pour beaucoup, la réponse est claire : la violation commence dès l’acte de création.

Vers une Réforme Urgente

Le scandale des deepfakes à Hong Kong met en évidence la nécessité d’une réforme juridique. Les experts appellent à une législation qui inclut la création et la possession de contenus falsifiés à des fins malveillantes. Une telle réforme protégerait mieux les victimes et enverrait un message clair sur la gravité de ces actes.

En attendant, les victimes comme Camille adoptent des mesures drastiques pour se protéger. « Je ne publie plus rien sur les réseaux sociaux. J’ai peur que mes photos soient utilisées à nouveau », explique-t-elle. Cette méfiance envers la technologie et les relations sociales reflète l’impact profond des deepfakes sur la vie des victimes.

Une réforme juridique est essentielle pour restaurer la confiance et protéger les victimes de cette nouvelle forme de violence.

Que Faire Face aux Deepfakes ?

Pour lutter contre ce fléau, plusieurs pistes émergent :

  • Réformer la législation : Inclure la création et la possession de deepfakes dans les actes punissables.
  • Sensibiliser le public : Informer sur les dangers des deepfakes et leurs impacts psychologiques.
  • Renforcer les institutions : Former les universités et les autorités à gérer ces cas avec sérieux.
  • Soutenir les victimes : Mettre en place des structures d’aide psychologique et juridique.

Les deepfakes ne sont pas qu’un problème technologique ; ils sont une menace pour la dignité humaine et l’égalité des genres. À Hong Kong, comme ailleurs, la société doit se mobiliser pour protéger les victimes et combler les failles juridiques. Sans action rapide, cette forme de violence continuera de prospérer dans l’ombre.

En conclusion, les deepfakes pornographiques révèlent une face sombre de l’intelligence artificielle. À Hong Kong, les victimes, majoritairement des femmes, souffrent en silence face à un système juridique inadapté. Leur combat pour la justice et la dignité mérite une attention urgente. La question demeure : la société saura-t-elle évoluer pour protéger ceux qu’elle a laissés vulnérables ?

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