Imaginez un champ verdoyant dans l’Orne, où des milliers de voix s’élèvent pour défendre la planète, l’égalité et la justice. Le festival Les Résistantes, qui s’est tenu du 7 au 10 août 2025 à Saint-Hilaire-de-Briouze, promettait d’être un creuset d’idées, un lieu où les luttes écologistes, féministes et sociales se rencontreraient pour façonner un avenir plus juste. Mais, lors de la cérémonie de clôture, une intervention inattendue a secoué l’assemblée, révélant des fractures profondes au sein même des mouvements progressistes. Que s’est-il passé lorsque des militantes racisées ont pris la parole pour dénoncer le racisme dans les cercles alliés ?
Un Festival au Cœur des Luttes
Le festival Les Résistantes, organisé pour la deuxième fois après une première édition réussie dans le Larzac en 2023, s’est imposé comme un rendez-vous incontournable pour les militants de divers horizons. Pendant quatre jours, près de 10 000 personnes se sont réunies dans le bocage normand pour participer à des ateliers, des conférences et des concerts. L’objectif ? Créer des ponts entre les luttes locales, comme celle contre le projet de la 2×2 voies 924 dans l’Orne, et des combats plus globaux, comme la justice sociale ou l’antiracisme.
Cette année, l’événement a mis l’accent sur la diversité des combats : écologie, féminisme, droits syndicaux, luttes queer et antiracistes. Co-organisé par l’association Terres de Luttes et le collectif 924, le festival a cherché à construire un espace horizontal et autogéré, où chaque participant pouvait contribuer à l’organisation. Mais c’est lors de la cérémonie finale que l’événement a pris une tournure particulièrement marquante.
Une Prise de Parole Chargée d’Émotion
Alors que le festival touchait à sa fin, un groupe de militantes racisées a interrompu la cérémonie de clôture pour prendre la parole. Dans un silence lourd, leurs voix, empreintes de colère et d’émotion, ont résonné dans le champ. Leur message était clair : les collectifs écologistes, majoritairement composés de personnes blanches, doivent se confronter à leurs propres biais pour devenir véritablement inclusifs.
« Vous êtes tous racistes. Ce n’est pas un festival antiraciste, loin de là. »
Une militante lors de la cérémonie de clôture
Cette intervention a jeté un froid parmi les festivaliers. Les oratrices ont dénoncé ce qu’elles décrivent comme une hypocrisie dans les milieux progressistes, où les discours inclusifs ne se traduisent pas toujours en actions concrètes. Elles ont appelé à une déblanchisation des mouvements écologistes, un terme qui invite à repenser la composition et les dynamiques internes de ces collectifs pour inclure davantage de personnes racisées.
Le Racisme dans les Milieux Alliés : Une Réalité Méconnue ?
Le concept de racisme en « milieu allié » fait référence aux discriminations subtiles ou inconscientes qui peuvent exister au sein de groupes partageant des idéaux progressistes. Ces espaces, souvent perçus comme des refuges pour les luttes contre l’oppression, ne sont pas exempts de tensions. Les militantes ont pointé du doigt des comportements comme le centrage des discussions sur les expériences des personnes blanches, au détriment des vécus des personnes racisées.
Pour mieux comprendre, voici quelques points soulevés par les intervenantes :
- Manque de représentation : Les organisateurs et participants des mouvements écologistes sont majoritairement blancs, ce qui limite la diversité des perspectives.
- Questions centrées sur soi : Les discussions tendent à se focaliser sur les préoccupations des personnes blanches, marginalisant les expériences des autres.
- Silence inconfortable : Face aux critiques, le silence des festivaliers a été perçu comme un refus de s’engager dans un dialogue constructif.
Ces accusations ont suscité un débat intense. Pour certains, elles mettent en lumière une vérité difficile à accepter : même les espaces militants ne sont pas à l’abri des dynamiques de pouvoir héritées de la société. Pour d’autres, elles risquent de fracturer des alliances déjà fragiles.
Un Festival aux Ambitions Plurielles
Les Résistantes ne se limitent pas à la question antiraciste. Le festival a proposé plus de 175 activités, allant des ateliers juridiques pour contrer les projets polluants aux discussions sur la lutte contre l’extrême droite. Des délégations internationales, venues d’Europe et d’Amérique, ont partagé leurs expériences, enrichissant les débats. Par exemple, des militants hongrois ont évoqué leur résistance face au régime de Viktor Orbán, tandis que des activistes américains ont discuté des stratégies pour contrer l’influence de figures comme Donald Trump.
Le festival a également mis l’accent sur la formation. Des ateliers pratiques ont permis aux participants d’apprendre à organiser des manifestations, à communiquer efficacement ou à se protéger contre la répression policière. Ces moments de partage ont renforcé le sentiment d’appartenance à une communauté militante, malgré les tensions.
Les Défis de l’Unité Militante
La prise de parole des militantes racisées a mis en lumière un défi majeur : comment construire des alliances solides entre des groupes aux expériences et priorités différentes ? Les organisateurs du festival, conscients de ces enjeux, ont tenté de répondre en intégrant des thématiques variées, comme l’écoféminisme ou les luttes des quartiers populaires. Mais la question demeure : comment concilier des combats spécifiques tout en maintenant une vision commune ?
« Une transformation systémique nécessite un inconfort collectif. »
Une militante, soulignant l’importance de confronter les biais
Pour répondre à ce défi, certains proposent des solutions concrètes, comme la création de plateformes dédiées aux voix marginalisées ou l’inclusion systématique de perspectives intersectionnelles dans l’organisation des événements. D’autres insistent sur l’importance de l’écoute active, un processus qui demande de dépasser l’inconfort pour engager un dialogue authentique.
Un Contexte Local Chargé
Le choix de Saint-Hilaire-de-Briouze comme lieu du festival n’est pas anodin. La région est au cœur d’une lutte contre un projet d’élargissement d’une route, la 2×2 voies 924, perçu comme destructeur pour l’environnement local. Ce combat a mobilisé des habitants et des associations, qui voient dans Les Résistantes une opportunité de visibiliser leurs revendications. Cependant, l’événement n’a pas fait l’unanimité localement. Des pancartes annonçant le festival ont été vandalisées, révélant des tensions avec une partie de la population.
Ce contexte local ajoute une couche de complexité. Les organisateurs ont dû naviguer entre les attentes des militants venus de toute la France et les réalités d’un territoire rural où l’extrême droite gagne du terrain. Cette dualité illustre les défis d’un militantisme qui cherche à s’ancrer localement tout en portant des ambitions globales.
Vers une Transformation Antiraciste ?
La cérémonie de clôture des Résistantes 2025 restera dans les mémoires comme un moment de vérité. Les militantes racisées ont appelé à un changement systémique, non seulement dans la société, mais aussi au sein des mouvements progressistes. Leur intervention a forcé les festivaliers à se confronter à une question essentielle : comment être un allié efficace sans reproduire les dynamiques d’exclusion ?
Enjeux soulevés | Solutions proposées |
---|---|
Manque de diversité dans les collectifs | Inclusion active des voix racisées |
Centration sur les expériences blanches | Écoute active et décentration des discussions |
Silence face aux critiques | Dialogue ouvert et espaces sécurisés |
Ces propositions, bien que difficiles à mettre en œuvre, offrent une feuille de route pour les années à venir. Elles rappellent que l’antiracisme n’est pas une case à cocher, mais un processus continu, souvent inconfortable, qui demande une remise en question constante.
Un Événement Festif Malgré les Tensions
Malgré ces débats, Les Résistantes 2025 ont aussi été un moment de célébration. Les concerts, les spectacles et les balades naturalistes ont apporté une touche de légèreté à un programme dense. Des espaces pour enfants aux projections de films documentaires, l’événement a su créer une atmosphère conviviale, où les idées s’échangent dans la bonne humeur.
Les participants ont également pu découvrir des initiatives comme l’Hydre, une plateforme qui relie les luttes contre l’accaparement de l’eau. Ces moments de connexion ont rappelé l’importance de construire des réseaux militants solides, capables de résister aux pressions extérieures.
L’Avenir des Résistantes
Alors que le festival s’est achevé, les questions soulevées par les militantes racisées continuent de résonner. Les Résistantes 2025 ont réussi à rassembler des milliers de personnes autour de causes communes, mais elles ont aussi révélé les défis d’un militantisme inclusif. Pour les organisateurs, l’enjeu est désormais de transformer cet inconfort en moteur de changement.
Les prochaines éditions devront relever ce défi : comment faire coexister des luttes diverses tout en évitant les fractures ? Les réponses ne sont pas simples, mais elles passent sans doute par une écoute plus attentive, une meilleure représentation et une volonté collective de dépasser les tensions.
En attendant, le festival Les Résistantes reste un symbole d’espoir. Il montre qu’il est possible de réunir des milliers de personnes autour d’un projet commun, même dans un contexte politique difficile. Reste à savoir si cet élan saura se traduire en actions concrètes pour un avenir plus juste et inclusif.