Alors que la France s’apprête à retourner aux urnes pour des élections législatives anticipées les 30 juin et 7 juillet prochains, beaucoup s’interrogent sur les motivations qui guideront le choix des électeurs. Et pour cause : à peine deux semaines après le scrutin européen, qui a vu une débâcle des troupes présidentielles, difficile de ne pas s’interroger sur un potentiel effet d’entraînement. Pour autant, peut-on réellement comparer ces deux élections aux enjeux et modes de scrutin si différents ?
Européennes et législatives : des élections aux logiques bien distinctes
Rappelons d’abord que les européennes et les législatives obéissent à des logiques de vote fondamentalement différentes. D’un côté, un scrutin national et proportionnel à un tour, centré sur des enjeux avant tout européens. De l’autre, des élections locales au scrutin majoritaire à deux tours, où s’expriment davantage des problématiques de terrain et de proximité. Autant de différences qui influent nécessairement sur les ressorts du vote et les motivations des électeurs.
La tentation d’une lecture nationale des européennes
Pour autant, difficile de nier que les européennes ont souvent une dimension de « test » pour le pouvoir en place. Un vote sanction contre le gouvernement qui peut donner des sueurs froides à l’exécutif en cas de déroute. C’est bien ce qu’il s’est passé le 9 juin dernier, avec un score historiquement bas pour la majorité présidentielle. Un camouflet qui a poussé Emmanuel Macron à dégainer l’arme de la dissolution pour tenter de retrouver une majorité claire à l’Assemblée.
Il ne faut pas regarder les scores par circonscription à l’aune de ceux des européennes.
Emmanuel Macron au Figaro Magazine
Des motivations de vote potentiellement différentes aux législatives
Mais ceux qui voudraient voir dans les résultats des européennes un avant-goût du rapport de force aux législatives pourraient déchanter. Car voter pour des enjeux nationaux ou des problématiques locales, dans un scrutin proportionnel ou majoritaire, cela change tout ! Comme le soulignait Emmanuel Macron lui-même, miser sur un simple décalque des européennes serait une erreur.
Les électeurs pourraient en effet être davantage tentés, lors des législatives, par un vote « utile » visant à donner une majorité de gouvernement claire, par crainte d’une cohabitation avec des extrêmes. Un mécanisme qui pourrait profiter in fine à la majorité sortante, même affaiblie. À moins qu’au contraire, les Français ne confirment leur volonté de sanctionner le pouvoir en place, en votant pour des candidats d’opposition dans leur circonscription.
L’abstention, grande inconnue et potentielle clé du scrutin
Autre donnée fondamentale à prendre en compte : le niveau de participation. Traditionnellement bien plus faible aux européennes qu’aux législatives, il avait atteint un niveau historiquement bas ce 9 juin. Mais difficile de présager si les électeurs se remobiliseront massivement pour ce nouveau scrutin anticipé. Or le niveau d’abstention et sa sociologie pourraient largement rebattre les cartes, avantageant certains plus que d’autres.
À ce petit jeu des pronostics, les sondages se multiplient, tentant de projeter les futurs équilibres à l’Assemblée. Mais gare à ne pas les surinterpréter, tant l’opinion semble versatile et le contexte politique incertain. Seule certitude, les prochaines semaines de campagne s’annoncent décisives pour mobiliser un électorat à la motivation fluctuante. Avec, déjà, une inversion des rapports : ce sont cette fois les oppositions qui entendent surfer sur la dynamique des européennes, quand la majorité s’efforce de convaincre que « tout peut encore changer ». Verdict les 30 juin et 7 juillet.