Imaginez une ville où la peur règne, où des actes d’une cruauté inimaginable se déroulent dans l’ombre d’un conflit sans fin. À Benghazi, en Libye, entre 2016 et 2017, des exactions d’une violence extrême ont marqué les esprits, perpétrées par des milices armées. Aujourd’hui, la Cour pénale internationale (CPI) met un visage sur l’un des responsables présumés de ces horreurs : Saif Suleiman Sneidel. Cette annonce, faite récemment, soulève des questions cruciales sur la justice internationale et la lutte contre l’impunité dans un pays déchiré par des années de chaos. Plongeons dans cette affaire complexe, où la quête de justice rencontre les défis d’un contexte politique instable.
Un Mandat d’Arrêt Dévoilé par la CPI
La Cour pénale internationale, basée à La Haye, a franchi une étape décisive en rendant public un mandat d’arrêt émis contre Saif Suleiman Sneidel, un membre présumé d’une milice libyenne. Ce document, initialement émis sous scellé en novembre 2020, vise un individu accusé de crimes graves commis dans l’est de la Libye. Selon les autorités judiciaires, Sneidel aurait joué un rôle central dans des actes d’une brutalité extrême, marquant une période sombre pour les habitants de Benghazi.
Pourquoi ce mandat était-il gardé secret jusqu’à maintenant ? La réponse réside dans une stratégie judiciaire : maintenir le sceau permettait de protéger l’enquête et d’augmenter les chances de capturer le suspect. Aujourd’hui, en levant les scellés, la CPI espère mobiliser les efforts internationaux pour localiser et appréhender Sneidel, tout en envoyant un message fort contre l’impunité.
Les Accusations : Meurtres et Tortures
Les charges portées contre Saif Sneidel sont accablantes. La CPI estime qu’il existe des motifs raisonnables pour le tenir responsable de crimes de guerre, notamment des meurtres, des tortures et des atteintes à la dignité humaine. Ces actes auraient été commis entre le 3 juin 2016 et le 17 juillet 2017, dans la région de Benghazi, un bastion de violences à l’époque.
Il existe des motifs raisonnables de croire que M. Sneidel a participé à trois exécutions, au cours desquelles 23 personnes ont été assassinées.
Communiqué de la CPI
Les détails des exactions sont glaçants. Sneidel, selon les accusations, aurait été impliqué dans des exécutions sommaires, des actes de torture et d’autres formes de traitements inhumains. Ces crimes, loin d’être isolés, s’inscrivent dans un contexte de violence généralisée orchestrée par des groupes armés dans un pays fracturé.
Le Rôle du Groupe 50 et de la Brigade Al-Saiqa
Saif Sneidel n’agissait pas seul. Il est décrit comme un membre clé du Groupe 50, une sous-unité de la brigade Al-Saiqa, une milice influente dans l’est de la Libye. Cette brigade était dirigée par Mahmoud Mustafa Busayf Al-Werfalli, un commandant controversé, lui-même visé par deux mandats d’arrêt de la CPI avant sa mort en 2021. Al-Werfalli était accusé d’avoir orchestré huit exécutions à Benghazi, dont trois auxquelles Sneidel aurait directement participé.
La relation entre Sneidel et Al-Werfalli est centrale dans cette affaire. Selon les procureurs, Sneidel était un proche collaborateur du commandant, jouant un rôle de premier plan dans les opérations de la brigade. Cette dynamique met en lumière la structure hiérarchique des milices libyennes, où des individus comme Sneidel exerçaient une autorité significative dans l’exécution d’actes violents.
La brigade Al-Saiqa, active dans l’est de la Libye, était connue pour son rôle dans les affrontements armés à Benghazi, où les luttes de pouvoir ont exacerbé les tensions post-révolution.
Un Contexte de Chaos en Libye
Pour comprendre l’ampleur des crimes reprochés à Sneidel, il faut replonger dans le contexte libyen. Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, lors du Printemps arabe, la Libye est plongée dans une instabilité chronique. Le vide politique laissé par la disparition du régime a donné naissance à une myriade de milices armées, chacune luttant pour le contrôle de territoires et de ressources. Benghazi, en particulier, est devenue un épicentre de violences, où des groupes comme Al-Saiqa ont imposé leur loi par la terreur.
Dans ce climat de chaos, les civils ont payé un lourd tribut. Les exécutions sommaires, les enlèvements et les actes de torture sont devenus monnaie courante. Les accusations portées contre Sneidel ne sont qu’un fragment d’un tableau bien plus large, où les violations des droits humains se multiplient sans véritable reddition de comptes.
La Stratégie de la CPI : Vers une Arrestation ?
En rendant public le mandat d’arrêt, la CPI adopte une approche proactive. Selon la procureure adjointe Nazhat Shameem Khan, cette décision vise à créer l’élan nécessaire pour l’arrestation de Sneidel. En dévoilant le mandat, la Cour cherche à mobiliser les États, le Conseil de sécurité des Nations Unies et la communauté internationale pour localiser le suspect.
Nous espérons créer l’élan nécessaire à l’arrestation et à la remise de M. Sneidel.
Nazhat Shameem Khan, procureure adjointe de la CPI
Mais arrêter un suspect dans un pays comme la Libye, où les institutions étatiques sont fragiles et les milices puissantes, est une tâche ardue. La CPI, qui ne dispose pas de force de police propre, dépend de la coopération internationale. Cette affaire met en lumière les défis auxquels la justice internationale est confrontée dans les zones de conflit.
Une Autre Arrestation Récente
Parallèlement à l’affaire Assistants de l’arrestation de Sneidel, la CPI a également annoncé l’arrestation d’un autre suspect libyen, Khaled Mohamed Ali El Hishri, par les autorités allemandes le 16 juillet 2025. El Hishri est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Cette arrestation, bien que distincte, montre que la CPI intensifie ses efforts pour traduire en justice les responsables de crimes en Libye.
Ces développements suggèrent une volonté croissante de la CPI de s’attaquer aux exactions commises dans ce pays. Cependant, la complexité du terrain libyen rend chaque arrestation particulièrement difficile.
Les Défis de la Justice Internationale
La mission de la CPI en Libye est semée d’embûches. Outre les défis logistiques, la Cour doit naviguer dans un paysage politique fragmenté. Les milices, comme celle à laquelle appartenait Sneidel, opèrent souvent en dehors de tout contrôle gouvernemental, ce qui complique les efforts d’arrestation.
Pourtant, la CPI persévère. Voici quelques-uns des obstacles majeurs auxquels elle fait face :
- Manque de coopération : Certains États ou factions locales refusent de collaborer avec la CPI.
- Instabilité politique : L’absence d’un gouvernement central fort en Libye limite l’application des mandats.
- Sécurité : Les zones de conflit comme Benghazi sont dangereuses pour les opérations judiciaires.
Malgré ces défis, la CPI reste un symbole d’espoir pour les victimes de crimes de guerre. Chaque mandat d’arrêt, comme celui visant Sneidel, est une étape vers la reconnaissance des souffrances endurées par les populations locales.
Vers un Avenir Plus Juste ?
L’affaire Saif Sneidel illustre la complexité de la justice internationale dans un monde fracturé. Si la CPI parvient à faire avancer cette affaire, cela pourrait renforcer sa crédibilité et envoyer un message clair : nul n’est au-dessus des lois, même dans les zones de guerre. Cependant, le chemin est encore long.
La levée des scellés sur ce mandat d’arrêt marque un tournant. Elle invite la communauté internationale à se mobiliser pour que justice soit rendue. Mais dans un pays où les milices continuent de faire la loi, l’arrestation de Sneidel reste un défi de taille.
La justice internationale peut-elle triompher du chaos libyen ? L’avenir nous le dira.
En attendant, l’histoire de Saif Sneidel et des crimes de Benghazi nous rappelle une vérité universelle : la quête de justice, bien que difficile, reste essentielle pour restaurer l’humanité là où elle a été bafouée. Les efforts de la CPI, bien qu’imparfaits, incarnent cet espoir tenace.