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Réfugiés Juifs Ukrainiens : Un Nouveau Départ à Varsovie

À Varsovie, des réfugiés juifs ukrainiens se réunissent pour guérir leurs blessures. Comment surmontent-ils l’exil et le traumatisme ? Découvrez leur histoire…

Imaginez-vous forcé de quitter votre foyer, vos souvenirs, votre terre natale, à un âge où chaque pas semble plus lourd que le précédent. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, des milliers de personnes, dont de nombreux juifs ukrainiens âgés, ont trouvé refuge à Varsovie, en Pologne. Parmi eux, un groupe de seniors se réunit chaque semaine dans un centre communautaire juif pour partager une tasse de thé, des histoires, et surtout, un peu d’espoir. Leur histoire est celle d’une résilience face à l’exil, d’une communauté soudée par l’adversité, et d’un combat pour préserver leur identité dans un monde bouleversé.

Un refuge dans l’adversité : le club “Parlons-en”

Dans une salle chaleureuse du centre communautaire juif de Varsovie, des hommes et des femmes, les cheveux parfois grisonnants et les visages marqués par le temps, se retrouvent autour d’une table. Certains portent des kippas bleu azur, un symbole discret mais puissant de leur identité. Ce lieu, qu’ils appellent le club “Parlons-en”, est bien plus qu’un simple point de rencontre : c’est un espace où les blessures de l’exil commencent à cicatriser.

Janna Maïsterenko, 71 ans, est l’âme de ce projet. Ancienne directrice d’un centre communautaire à Kharkiv, une ville ukrainienne proche de la ligne de front, elle a elle-même fui la guerre. Aujourd’hui, elle coordonne ce club avec une énergie qui force l’admiration. “Les gens avaient besoin de parler, de partager leurs peurs et leurs souvenirs,” explique-t-elle. Ce n’est pas seulement une question d’aide matérielle, comme trouver un logement ou naviguer dans les méandres administratifs de l’immigration en Pologne. Pour Janna, le soutien spirituel est tout aussi crucial.

“J’ai créé ce club parce que les seniors avaient besoin de s’exprimer. Ils étaient déprimés, épuisés par cet exil qui n’en finit pas.”

Janna Maïsterenko

Les défis des aînés en exil

Les personnes âgées, souvent les plus vulnérables parmi les réfugiés, font face à des défis uniques. S’installer dans un nouveau pays, apprendre une langue étrangère, ou même comprendre les rouages d’un nouveau système administratif peut être une montagne insurmontable à leur âge. Pour beaucoup, la guerre en Ukraine, qui entre dans sa quatrième année, a brisé leurs rêves d’un retour rapide chez eux. “Nous sommes encore en train d’assimiler tout ce qui nous est arrivé,” confie Evguénia Fogel, 76 ans, une habituée du club. Pour elle, ces réunions hebdomadaires sont une bouée de sauvetage, un “réconfort mental” dans une période de grande incertitude.

Le club ne se contente pas de discussions autour d’une tasse de thé. Il est aussi un lieu d’apprentissage et de transmission. Vladimir Levin, un ingénieur à la retraite de 67 ans, anime des sessions sur l’histoire juive. “En Union soviétique, on ne nous enseignait pas notre véritable histoire. On nous interdisait même de dire que nous étions juifs,” raconte-t-il. Ses cours permettent aux participants de renouer avec une identité longtemps réprimée, tout en leur offrant un sentiment d’appartenance.

Un passé qui résonne : le traumatisme transgénérationnel

Pour beaucoup de ces réfugiés, la guerre en Ukraine n’est pas seulement un drame contemporain. Elle ravive des blessures profondes, ancrées dans l’histoire de leurs familles. Tetiana Wojciechowska, psychologue spécialisée dans l’accompagnement des seniors, explique que beaucoup portent en eux un traumatisme transgénérationnel. “Ce concept est apparu après que l’Holocauste a été étudié,” précise-t-elle. Les parents de ces réfugiés, souvent survivants de la Shoah, ont transmis à leurs enfants des blessures invisibles mais bien réelles.

Pour Janna Maïsterenko, l’éclatement du conflit en 2022 a été un douloureux écho du passé. Elle se souvient avec effroi du moment où elle a réalisé que son petit-fils, alors âgé comme sa mère à la veille de la Seconde Guerre mondiale, risquait de grandir dans l’ombre de la guerre. “C’est comme si l’histoire se répétait,” murmure-t-elle. Ce sentiment est partagé par Victoria Bykova, une enseignante qui a fui Melitopol. Son évacuation lui a rappelé les récits de sa grand-mère, déportée dans un ghetto pendant la guerre. “C’était comme revivre ses histoires,” dit-elle.

“Le concept de traumatisme transgénérationnel est apparu après l’Holocauste. La même chose arrive aujourd’hui aux Ukrainiens.”

Tetiana Wojciechowska, psychologue

Reconstruire une communauté à Varsovie

Malgré les défis, ces réfugiés ne se contentent pas de survivre : ils créent. Galina Ivannitskaïa, 75 ans, ancienne guide touristique à Kiev, a trouvé un moyen de s’adapter à sa nouvelle vie en organisant des visites guidées des sites juifs de Varsovie. Ces excursions, enrichies par les connaissances historiques partagées par Vladimir Levin, permettent aux participants de découvrir leur nouvelle ville tout en restant connectés à leur héritage. “C’est ma manière de rester active, de donner un sens à mon exil,” explique Galina.

Janna Maïsterenko, quant à elle, a déjà aidé plus de 1 000 juifs ukrainiens à s’installer en Pologne, les guidant dans leurs démarches administratives et leur recherche de logement. Mais son rôle va bien au-delà. En créant le club “Parlons-en”, elle a offert un espace où les seniors peuvent non seulement partager leurs expériences, mais aussi retrouver une dignité souvent mise à mal par l’exil.

Les activités du club “Parlons-en” :

  • Discussions autour d’une tasse de thé pour briser l’isolement.
  • Cours d’histoire juive pour renouer avec l’identité culturelle.
  • Visites guidées des sites juifs de Varsovie.
  • Ateliers de soutien psychologique pour gérer le traumatisme.

Un espoir fragile face à un avenir incertain

Pourtant, l’avenir reste incertain. Les fonds destinés à l’aide aux réfugiés ukrainiens s’amenuisent, et le club “Parlons-en” en ressent les effets. Les activités, bien que vitales, reposent sur des ressources de plus en plus limitées. Malgré cela, Janna Maïsterenko reste reconnaissante envers la communauté juive de Varsovie, qui a ouvert ses portes aux réfugiés. “Ce centre est notre refuge, un lieu où nous pouvons être nous-mêmes,” dit-elle.

Le désir de rentrer chez eux, en Ukraine, est un sentiment partagé par tous. “Nous voulons passer le reste de nos jours chez nous, là où reposent nos parents, nos proches,” confie Janna. Mais avec la guerre qui s’éternise, ce rêve semble de plus en plus lointain. En attendant, ces seniors continuent de se réunir, de partager, et de reconstruire, une tasse de thé à la main, un souvenir à la fois.

Pourquoi leur histoire compte

L’histoire de ces réfugiés juifs ukrainiens à Varsovie est plus qu’un simple récit d’exil. Elle parle de résilience, de la force des liens communautaires, et de la capacité à trouver du sens même dans les moments les plus sombres. À une époque où les crises migratoires se multiplient, leur expérience nous rappelle l’importance de l’entraide et de la solidarité. Ces seniors, malgré leur âge et leurs traumatismes, montrent qu’il est possible de se reconstruire, même loin de chez soi.

Le club “Parlons-en” est un symbole de cette résilience. En offrant un espace pour parler, apprendre, et partager, il redonne de la dignité à ceux qui ont tout perdu. Et dans une ville comme Varsovie, marquée par sa propre histoire de destruction et de reconstruction, ces réfugiés trouvent un écho à leur propre combat.

Défi Solution apportée par le club
Isolement social Réunions hebdomadaires pour partager des expériences.
Perte d’identité culturelle Cours d’histoire juive et visites guidées.
Traumatisme psychologique Soutien psychologique et discussions de groupe.

En fin de compte, l’histoire de ces réfugiés est un rappel poignant de la force de l’esprit humain. À Varsovie, loin de leur terre natale, ils continuent de tisser des liens, de préserver leur culture, et de garder espoir. Leur combat, discret mais puissant, mérite d’être entendu.

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