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Négociations Plastique: Impasse à Genève

À Genève, les pourparlers pour un traité contre la pollution plastique s’enlisent. Les pays pétroliers bloquent tout progrès. Un échec menace-t-il la lutte mondiale ? Lisez pour découvrir les enjeux cruciaux...

Chaque année, 22 millions de tonnes de déchets plastiques s’échappent dans l’environnement, polluant les océans, les sols et même les tissus humains. À Genève, des négociations cruciales pour établir le premier traité mondial contre cette pollution se heurtent à un mur. Les pays pétroliers, inflexible, refusent toute limitation de la production de plastique vierge. Ce bras de fer diplomatique révèle des tensions profondes et des enjeux planétaires. Comment en est-on arrivé là, et quelles solutions pourraient débloquer cette impasse ?

Un traité mondial en péril

Les discussions à Genève réunissent 184 pays, tous membres de l’ONU, dans une tentative ambitieuse de réguler le cycle de vie du plastique, de sa production à sa gestion en fin de vie. Ce traité, qualifié de juridiquement contraignant, vise à répondre à une crise environnementale majeure. Mais les divergences entre les nations rendent l’accord incertain, menaçant les espoirs d’une action globale concertée.

Des positions irréconciliables

Les négociations buttent sur un point central : la réduction de la production de plastique vierge. Une coalition de pays, souvent qualifiée d’ambitieuse, pousse pour inclure des objectifs chiffrés dans le traité. Ces nations, conscientes des ravages environnementaux, souhaitent limiter la fabrication de plastiques neufs, majoritairement issus du pétrole. En face, un bloc de pays producteurs d’hydrocarbures, incluant l’Arabie Saoudite, la Russie et l’Iran, s’oppose fermement à toute contrainte.

“On assiste à un dialogue de sourds, sans réelle avancée possible pour le moment.”

Source diplomatique anonyme

Ce groupe, autoproclamé like-minded, préfère recentrer le traité sur la gestion des déchets, comme le tri ou le recyclage, sans toucher à la production. Cette approche, selon les observateurs, contourne l’origine du problème : la dépendance mondiale au plastique d’origine pétrolière.

Un traité vidé de sa substance ?

Le projet initial, lancé après une résolution de l’ONU, ambitionnait de couvrir tout le cycle de vie du plastique. Cela inclut non seulement la gestion des déchets, mais aussi la production et la consommation. Cependant, limiter le traité à la gestion des déchets, comme le souhaitent certains pays, risque de le priver de son impact. Une source diplomatique déplore :

“Si le traité se limite à aider les pays en développement à gérer leurs déchets, on n’a pas besoin d’un accord international pour ça.”

Source diplomatique anonyme

Cette divergence met en lumière un choix stratégique : faut-il un traité ambitieux, ou un texte minimaliste qui risque de manquer d’efficacité ? Les pays pétroliers semblent prêts à laisser les négociations échouer plutôt que de céder sur la production.

Substances chimiques : un autre point de friction

Un autre sujet brûlant divise les délégations : la régulation des substances chimiques utilisées dans les plastiques. L’article 3 du futur traité propose de lister les additifs, colorants ou polluants potentiellement dangereux, comme les PFAS (polluants éternels) ou les phtalates. Ces substances, omniprésentes dans les plastiques, menacent la santé humaine et l’environnement.

Pourtant, plusieurs pays s’opposent à une liste commune, préférant que chaque nation établisse ses propres règles. Cette proposition, soutenue par l’industrie chimique, diluerait l’impact d’une régulation mondiale. Une source confie, perplexe :

“Certains pays refusent carrément une liste, ou veulent que chaque État fasse la sienne, ce qui existe déjà.”

Observateur de la société civile

Ce désaccord reflète les pressions économiques exercées par les industries pétrochimiques, qui redoutent des contraintes sur leurs activités.

La Chine, un acteur clé mais discret

Premier producteur mondial de plastique, la Chine joue un rôle déterminant dans ces négociations. Avec 34 % de la production des principaux polymères (polyéthylène, polypropylène, PET et polystyrène), le pays est un acteur incontournable. Pourtant, son attitude réservée surprend les observateurs.

Le géant public Sinopec, qui produit à lui seul 5,4 % des quatre principaux polymères, incarne cette puissance industrielle. Mais la Chine, jusqu’à présent, n’a montré aucun signe d’ouverture à des mesures contraignantes, laissant planer le doute sur ses intentions.

Les chiffres clés de la crise du plastique

  • 22 millions de tonnes de déchets plastiques rejetés chaque année.
  • 34 % des principaux polymères produits par la Chine.
  • 5,4 % de la production mondiale par Sinopec.
  • 184 pays impliqués dans les négociations de Genève.

Un échec annoncé ?

Après l’échec des pourparlers à Busan en 2024, les discussions de Genève semblent suivre le même chemin. Les positions, déjà figées il y a un an, n’ont pas évolué. Rachel Radvany, de l’ONG CIEL, observe :

“Rien n’a changé depuis Busan. Les mêmes blocages persistent.”

Rachel Radvany, CIEL

Face à cette impasse, certains envisagent une solution radicale : un vote pour trancher. Traditionnellement, les traités de l’ONU sont adoptés par consensus, mais un vote reste possible en cas de blocage. Eirik Lindebjerg, du WWF, explique :

“Un pays peut proposer un vote, et le comité est alors obligé d’y procéder.”

Eirik Lindebjerg, WWF

Cette option, bien que légale, romprait avec les pratiques habituelles et risquerait d’accentuer les tensions. Les pays pétroliers pourraient alors se retirer, compromettant l’universalité du traité.

Quelles perspectives pour l’avenir ?

Pour sortir de l’impasse, certains appellent à un compromis. Une piste serait de trouver un terrain d’entente entre les ambitions des pays progressistes et les réticences des producteurs de pétrole. Cate Bonacini, de l’ONG CIEL, souligne :

“Il faut un juste milieu, mais pour l’instant, rien ne bouge.”

Cate Bonacini, CIEL

Une autre solution consisterait à renforcer la coopération internationale sur des aspects moins conflictuels, comme le financement du recyclage dans les pays en développement. Cependant, sans mesures sur la production, ces efforts risquent de rester insuffisants face à l’ampleur de la crise.

Enjeu Position des pays ambitieux Position des pays pétroliers
Production plastique Réduction contraignante Aucune limitation
Substances chimiques Liste mondiale Listes nationales
Gestion des déchets Partie d’un cycle global Priorité exclusive

Pourquoi ce traité est crucial

La pollution plastique est un fléau mondial. Elle contamine les océans, asphyxie la biodiversité et s’infiltre dans les chaînes alimentaires. Les microplastiques, présents jusque dans le sang humain, posent des risques sanitaires encore mal compris. Un traité global, s’il voit le jour, pourrait poser les bases d’une réponse coordonnée à cette crise.

Pourtant, les obstacles sont nombreux. Les intérêts économiques, notamment ceux des industries pétrochimiques, pèsent lourd. La Chine, en tant que leader de la production, pourrait faire pencher la balance, mais son silence actuel complique les choses.

Vers une mobilisation citoyenne ?

Face aux blocages diplomatiques, les ONG et la société civile pourraient jouer un rôle clé. En sensibilisant l’opinion publique et en faisant pression sur les gouvernements, elles pourraient pousser pour des compromis. Mais le temps presse. Chaque année, la production de plastique continue d’augmenter, aggravant une crise déjà hors de contrôle.

Les négociations de Genève ne sont qu’une étape. Si elles échouent, l’élan pour un traité mondial pourrait s’essouffler, laissant les générations futures face à un problème encore plus insoluble. La question reste ouverte : les nations parviendront-elles à surmonter leurs divergences pour protéger la planète ?

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