Imaginez une rivière limpide, serpentant à travers des forêts denses, dernier bastion d’eau potable dans une région menacée par la sécheresse et la chaleur. En Macédoine du Nord, sur le mont Kozuf, des militants se dressent contre un projet qui pourrait détruire cet écosystème fragile. Leur combat, à la croisée de l’écologie et de la résistance citoyenne, incarne une lutte mondiale pour préserver les ressources naturelles face à des projets d’énergie verte mal conçus. Voici l’histoire de la rivière Dosnica, où chaque goutte d’eau compte.
Une Lutte pour la Survie de la Dosnica
Au cœur des montagnes de Macédoine du Nord, la rivière Dosnica coule encore pure, alimentant un écosystème riche et abritant des espèces protégées. Mais ce joyau naturel est menacé par la construction de deux petites centrales hydroélectriques. Depuis plus d’un mois, un groupe de militants campe sur le mont Kozuf, bloquant l’accès aux chantiers. Leur message est clair : ils ne partiront pas tant que les permis de construction ne seront pas annulés et les machines retirées.
« Tant que les permis ne sont pas annulés et que les machines n’ont pas quitté la rivière, nous resterons ici. »
Marina Tomova, militante sur le mont Kozuf
Leur détermination reflète une prise de conscience croissante dans les Balkans, où les projets hydroélectriques, souvent présentés comme verts, causent des dégâts environnementaux irréversibles. La Dosnica, affluent du fleuve Vardar, est un symbole de cette lutte. Mais pourquoi ce combat local résonne-t-il à l’échelle mondiale ?
Les Petites Centrales : Une Menace Sous-Estimée
En Macédoine du Nord, un petit pays de 25 713 km² abritant 1,8 million d’habitants, pas moins de 125 petites centrales hydroélectriques ont déjà vu le jour. Ces installations, d’une puissance maximale de 10 mégawatts, ne représentaient que 4 % de la production énergétique nationale en 2020. Pourtant, des dizaines d’autres projets sont en cours, attirant des investisseurs séduits par des subventions généreuses et la promesse d’une énergie renouvelable.
Dans l’ensemble des Balkans, ce phénomène prend de l’ampleur. Selon un rapport publié en 2024 par les associations EuroNatur et Riverwatch, environ 1 800 petites centrales sont déjà opérationnelles dans la région, avec plus de 3 000 projets en attente. Ces infrastructures, bien que petites, détournent l’eau des rivières via des canaux, laissant parfois des cours d’eau à sec, surtout en été.
Chiffres clés :
- 125 petites centrales déjà construites en Macédoine du Nord.
- 4 % de la production énergétique nationale en 2020.
- 1 800 centrales dans les Balkans, 3 000 projets en attente.
Le problème ? Ces centrales, souvent mal régulées, perturbent les écosystèmes fluviaux. Sur la Dosnica, les militants craignent que le détournement de l’eau ne réduise le débit à un simple filet, menaçant la faune et la flore locales.
Un Écosystème en Péril
La Dosnica n’est pas une rivière ordinaire. Affluent du Vardar, le plus grand fleuve de Macédoine du Nord, elle abrite des espèces protégées et joue un rôle crucial dans l’équilibre écologique du bassin. Selon l’ONG Eko Svest, la rivière héberge une biodiversité exceptionnelle, menacée par les travaux de construction. Les militants accusent l’investisseur, une entreprise locale, de déforestation illégale et de dommages irréversibles au bassin supérieur de la rivière.
En réponse, l’entreprise affirme respecter toutes les normes environnementales et techniques, qualifiant les accusations des militants d’incorrectes et tendancieuses. Elle se dit ouverte à collaborer avec des experts pour répondre à toute nouvelle préoccupation. Mais pour les militants, ces promesses sonnent creux face à la réalité du terrain.
« Si l’eau est détournée, c’est la rivière entière qui disparaît. »
Kiril Ruzinov, militant écologiste
Le débit de la Dosnica, déjà faible en été, ne suffirait pas à maintenir un écosystème viable si l’eau était canalisée vers les turbines. La législation impose de laisser au moins 10 % du débit naturel, mais les militants estiment que cette mesure est insuffisante pour préserver la rivière.
Le Changement Climatique Aggrave la Crise
Le combat pour la Dosnica s’inscrit dans un contexte plus large : celui du changement climatique. Les étés de plus en plus chauds et secs, combinés à des épisodes d’inondations extrêmes, fragilisent les rivières des Balkans. Une étude de 2023, financée par la Commission économique des Nations unies pour l’Europe, a examiné le bassin du Drim, qui prend sa source en Macédoine du Nord. Ses conclusions sont alarmantes : la production hydroélectrique pourrait chuter de 15 à 52 % d’ici 2050 en raison des impacts climatiques.
Dans ce contexte, les petites centrales, censées être une solution verte, deviennent paradoxalement une menace. En détournant l’eau, elles aggravent l’assèchement des rivières, privant les communautés locales et la faune d’une ressource vitale. La Dosnica, déjà affectée par des précipitations en baisse, risque de devenir un symbole de cette crise.
Facteur | Impact |
---|---|
Changement climatique | Réduction de 15 à 52 % de la production hydroélectrique d’ici 2050 |
Petites centrales | Détournement de l’eau, assèchement des rivières |
Déforestation | Destruction d’écosystèmes forestiers |
Une Mobilisation Croissante
Face à cette menace, la résistance s’organise. Dans les Balkans, des mouvements citoyens ont réussi à faire annuler des centaines de projets hydroélectriques, selon le rapport d’EuroNatur et Riverwatch. En Macédoine du Nord, le campement du mont Kozuf est devenu un symbole de cette lutte. Les militants, soutenus par des ONG comme Eko Svest, appellent à une protection officielle de la Dosnica.
Fin juillet, la cause a gagné en visibilité grâce à la visite d’une célèbre activiste suédoise, qui a dansé aux côtés des manifestants et attiré l’attention des médias internationaux. Ce soutien a renforcé la détermination des militants, mais ils savent que leur combat est loin d’être terminé.
« Les projets dévastateurs doivent cesser. Nous resterons là pour protéger la Dosnica. »
Risto Kamov, ONG Changemakers4All
Leur persévérance n’est pas sans précédent. Une précédente mobilisation dans la région a permis de stopper un projet de mine d’or, après des années de lutte. Ce succès inspire les défenseurs de la Dosnica, qui refusent de céder face aux pressions.
Vers un Dialogue Constructif ?
Le gouvernement macédonien, qui a prolongé la licence de l’entreprise jusqu’en 2026, affirme être prêt à ouvrir un dialogue avec toutes les parties prenantes. Mais pour les militants, ces promesses doivent se traduire par des actions concrètes : l’annulation des permis et la protection officielle de la rivière.
La lutte pour la Dosnica dépasse les frontières du mont Kozuf. Elle soulève des questions cruciales sur la transition énergétique : comment concilier la production d’énergie renouvelable avec la préservation des écosystèmes ? Dans un monde confronté au changement climatique, les réponses ne sont pas simples, mais elles nécessitent une écoute attentive des communautés locales et des scientifiques.
Pourquoi la Dosnica compte :
- Une des dernières rivières potables de Macédoine du Nord.
- Habitat d’espèces protégées et d’une biodiversité unique.
- Symbole de la résistance citoyenne face aux projets mal conçus.
Le combat pour la Dosnica est une bataille pour l’avenir. Dans un pays où les rivières s’assèchent et les écosystèmes s’effondrent, chaque victoire compte. Les militants du mont Kozuf nous rappellent que la préservation de la nature est l’affaire de tous, et que parfois, un petit groupe déterminé peut changer la donne.