Comment un pays déchiré par des décennies de tensions peut-il espérer centraliser le contrôle des armes ? Au Liban, cette question brûlante anime les débats politiques depuis des années. Mardi, une décision historique a été prise : le gouvernement a chargé l’armée de préparer un plan pour que l’État détienne le monopole des armes d’ici la fin de l’année 2025. Cette initiative, visant notamment le désarmement du Hezbollah, marque un tournant dans la quête de stabilité d’un pays où les factions armées ont longtemps défié l’autorité centrale.
Un Plan pour Restaurer l’Autorité de l’État
La décision, annoncée par le Premier ministre Nawaf Salam, s’inscrit dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu signé le 27 novembre, mettant fin aux affrontements entre le Hezbollah et Israël. Ce texte stipule que seules six entités étatiques – l’armée, les forces de sécurité intérieure, la sûreté générale, la sûreté de l’État, les douanes et la police municipale – sont autorisées à porter des armes. Un objectif ambitieux, compte tenu de l’influence du Hezbollah, dont l’arsenal rivalise avec celui de l’État.
Le Premier ministre a donné à l’armée libanaise jusqu’au 31 août pour soumettre un plan d’action détaillé. Ce dernier sera examiné et adopté par le Conseil des ministres, marquant une étape clé dans la mise en œuvre de cette réforme. Mais cette démarche soulève une question cruciale : comment appliquer une telle mesure dans un contexte de tensions persistantes et d’instabilité régionale ?
Les Enjeux du Désarmement du Hezbollah
Le Hezbollah, acteur politique et militaire majeur au Liban, est au cœur de ce débat. Depuis des décennies, ce mouvement chiite dispose d’un arsenal impressionnant, qu’il justifie par sa lutte contre Israël. Pourtant, cette puissance militaire est perçue par beaucoup comme un défi direct à la souveraineté de l’État. Le plan de désarmement, bien que soutenu par une partie du gouvernement, rencontre une opposition farouche.
« Aucun calendrier ne sera accepté sous le feu de l’agression israélienne », a déclaré Naïm Qassem, chef du Hezbollah, dans un discours télévisé.
Cette déclaration illustre la complexité de la situation. Alors qu’Israël continue d’occuper certaines positions au Liban malgré le cessez-le-feu, le Hezbollah argue que son armement reste essentiel pour la défense nationale. Ce discours trouve écho auprès de ses partisans, mais il complique les efforts du gouvernement pour asseoir son autorité.
Une Proposition Américaine Controversée
Parallèlement, une proposition transmise par l’émissaire américain Tom Barrack a suscité des remous. Ce document propose un calendrier précis pour le désarmement du Hezbollah, mais il a été qualifié de diktat par Naïm Qassem. Selon lui, cette initiative vise à affaiblir non seulement le Hezbollah, mais aussi la capacité du Liban à se défendre face à des menaces extérieures.
Le Conseil des ministres prévoit de poursuivre l’examen de cette proposition lors d’une réunion prévue ce jeudi. Cependant, les dissensions au sein du gouvernement sont déjà palpables. Deux ministres proches du Hezbollah et de son allié, le mouvement Amal, ont quitté la séance pour marquer leur opposition à la décision. Ce geste souligne les fractures politiques qui risquent de compliquer la mise en œuvre du plan.
Un Défi Logistique et Politique
La tâche confiée à l’armée libanaise est colossale. Élaborer un plan pour centraliser le contrôle des armes dans un pays où les milices ont longtemps opéré en parallèle des forces officielles exige une coordination sans faille. Voici les principaux défis à relever :
- Collecte des armes : Identifier et récupérer les arsenaux détenus par des groupes non étatiques, notamment le Hezbollah.
- Renforcement des forces étatiques : Assurer que l’armée et les services de sécurité disposent des ressources nécessaires pour assumer ce monopole.
- Stabilité régionale : Gérer les tensions avec Israël, qui continue de mener des opérations au Liban.
- Consensus politique : Obtenir l’adhésion des différentes factions, dans un pays où les divisions confessionnelles et politiques sont profondes.
Chaque point représente un obstacle majeur. Par exemple, la collecte des armes nécessite non seulement des moyens logistiques, mais aussi une volonté politique forte pour confronter des groupes influents comme le Hezbollah.
Un Contexte Régional Explosif
Le Liban ne peut être analysé sans tenir compte de son environnement régional. Les tensions avec Israël, les rivalités entre puissances comme l’Iran et l’Arabie saoudite, et l’influence des États-Unis compliquent la donne. Le cessez-le-feu du 27 novembre, bien que salué, reste fragile. Les incursions israéliennes continues alimentent le discours du Hezbollah, qui se présente comme un rempart contre l’agression extérieure.
Dans ce contexte, la proposition américaine est vue par certains comme une tentative d’affaiblir un acteur clé de la Résistance, terme utilisé par le Hezbollah pour décrire son combat. Mais pour d’autres, elle représente une opportunité de renforcer l’État libanais, souvent éclipsé par les dynamiques régionales.
Vers un Équilibre Précaire
Le chemin vers le monopole des armes par l’État est semé d’embûches. Le gouvernement devra non seulement convaincre les factions internes, mais aussi naviguer dans un environnement géopolitique complexe. La date butoir de fin 2025 semble ambitieuse, voire irréaliste, pour certains observateurs. Pourtant, cette initiative pourrait poser les bases d’une transformation profonde du paysage politique libanais.
Pour réussir, le Liban aura besoin d’un soutien international, d’une volonté politique unifiée et d’une armée renforcée. Mais la question demeure : un État fragilisé par des années de crises économiques et politiques peut-il relever un tel défi ? Les mois à venir seront décisifs.
Acteurs | Position | Enjeu |
---|---|---|
Gouvernement libanais | Soutient le monopole des armes | Renforcer l’autorité de l’État |
Hezbollah | S’oppose au désarmement | Maintenir sa puissance militaire |
États-Unis | Propose un calendrier de désarmement | Influencer la politique régionale |
Ce tableau résume les positions des principaux acteurs, mais il ne capture pas toute la complexité des dynamiques en jeu. Les négociations à venir, tant au sein du gouvernement qu’avec les partenaires internationaux, seront cruciales pour déterminer si ce plan peut aboutir.
Un Pari sur l’Avenir
Le projet de monopole des armes représente plus qu’une simple réforme sécuritaire : c’est un pari sur l’avenir du Liban. En centralisant le contrôle des armes, le gouvernement espère non seulement renforcer sa légitimité, mais aussi restaurer la confiance des citoyens dans les institutions. Cependant, le succès de cette entreprise dépendra de la capacité du pays à surmonter ses divisions internes et à résister aux pressions extérieures.
Alors que le Liban se tient à un carrefour, les décisions prises dans les prochains mois pourraient redéfinir son avenir. Réussir à instaurer le monopole des armes serait une victoire pour l’État, mais à quel prix ? La réponse à cette question reste incertaine, et le monde observe avec attention.