Dans une cellule d’Abidjan, une vie s’est éteinte dans des circonstances troublantes. Alain Christophe Traoré, connu sous le pseudonyme d’Alino Faso, influenceur burkinabè et fervent soutien de la junte au pouvoir à Ouagadougou, a été retrouvé mort, pendu, le jeudi 23 juillet 2025. Cette tragédie soulève des questions brûlantes sur les tensions entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, le rôle des cyberactivistes dans les conflits politiques, et les zones d’ombre entourant cette affaire. Que s’est-il réellement passé dans cette chambre de l’École de Gendarmerie d’Abidjan ?
Un Destin Brisé dans une Cellule Ivoirienne
Alain Christophe Traoré, âgé de 44 ans, n’était pas un inconnu. Figure médiatique au Burkina Faso, il s’était fait un nom sur les réseaux sociaux grâce à son soutien affiché à la junte dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré, au pouvoir depuis le coup d’État de septembre 2022. Installé à Abidjan depuis 2021 avec sa famille, il gérait un restaurant tout en poursuivant ses activités d’influenceur. Mais son arrestation le 10 janvier 2025 a marqué un tournant dramatique.
Selon les autorités ivoiriennes, Alino Faso aurait été impliqué dans des activités compromettant la sécurité nationale. Il était poursuivi pour “intelligence avec des agents d’un État étranger”, une accusation grave visant à protéger les intérêts militaires, diplomatiques et économiques de la Côte d’Ivoire. Mais comment un restaurateur et influenceur a-t-il pu se retrouver au cœur d’un tel scandale ?
Les Circonstances d’une Mort Énigmatique
Le procureur de la République, Oumar Braman Koné, a révélé que Traoré a été retrouvé pendu dans sa cellule à l’aide d’un drap de lit. Avant ce geste fatal, il aurait tenté, sans succès, de s’ouvrir les veines. Une enquête a été ouverte pour éclaircir les circonstances exactes de ce décès, qualifié de suicide par les autorités. Mais cette annonce soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
“Une enquête est en cours pour déterminer les motifs et les circonstances de ce suicide.”
Oumar Braman Koné, procureur de la République
Pourquoi un homme aussi engagé, père de famille et figure publique, aurait-il mis fin à ses jours ? Les conditions de sa détention, les pressions subies, ou d’autres facteurs encore inconnus ont-ils joué un rôle ? Pour l’heure, les autorités ivoiriennes restent prudentes, mais le mystère persiste.
Alino Faso et les Cyberactivistes : Un Réseau Controversé
Alino Faso n’était pas un simple influenceur. Il était soupçonné d’entretenir des liens étroits avec les Bataillons d’intervention rapide de la communication (BIR-C), un groupe de cyberactivistes burkinabè influents sur les réseaux sociaux. Ces derniers se distinguent par leur soutien indéfectible à la junte, relayant sa propagande et s’en prenant aux voix critiques, qu’elles soient locales ou internationales.
Les BIR-C, bien qu’agissant dans l’espace numérique, ont une influence considérable. Leur discours virulent et leurs campagnes en ligne visent à façonner l’opinion publique en faveur du régime burkinabè. Alino Faso, avec sa visibilité sur les réseaux, aurait été un maillon clé de ce réseau, amplifiant les messages de la junte tout en menaçant ses détracteurs.
Les cyberactivistes comme les BIR-C redéfinissent la guerre de l’information, utilisant les réseaux sociaux pour influencer, intimider et mobiliser.
Des Relations Diplomatiques sous Tension
Le décès d’Alino Faso intervient dans un contexte de relations tendues entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Depuis le coup d’État de 2022, les deux pays voisins, autrefois proches, ont vu leurs rapports se détériorer. La junte burkinabè, dirigée par Ibrahim Traoré, accuse régulièrement la Côte d’Ivoire de complaisance envers ses opposants, tandis qu’Abidjan reproche à Ouagadougou son instabilité et ses prises de position agressives.
Alino Faso, en tant que soutien affiché du régime burkinabè, se trouvait dans une position délicate à Abidjan. Son arrestation pour des soupçons d’espionnage reflète les tensions diplomatiques entre les deux nations. Mais était-il vraiment un agent au service d’un État étranger, ou simplement un influenceur trop zélé dans son soutien à la junte ?
Un Parcours entre Deux Pays
Installé à Abidjan depuis 2021, Alino Faso menait une double vie. D’un côté, il gérait un restaurant, symbole d’une intégration dans la société ivoirienne. De l’autre, il restait profondément engagé dans la politique burkinabè, effectuant de fréquents allers-retours à Ouagadougou. En octobre 2024, il avait organisé un festival dans la capitale burkinabè, dédié aux forces de sécurité et aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des civils mobilisés contre les groupes jihadistes.
Cet événement, qui mettait en avant l’engagement patriotique, renforçait son image de fervent défenseur de la junte. Mais il attirait aussi l’attention des autorités ivoiriennes, qui voyaient en lui une possible menace pour leurs intérêts.
Les Soupçons d’Espionnage et un Réseau International
Les accusations portées contre Alino Faso ne se limitaient pas à ses activités en ligne. Les autorités ivoiriennes le soupçonnaient d’avoir des liens avec Ibrahima Maïga, un activiste burkinabè basé aux États-Unis, suivi par un million de personnes sur les réseaux sociaux. Maïga est connu pour ses publications virulentes, souvent dirigées contre les autorités ivoiriennes. Une visite récente d’Alino Faso à cet activiste aurait renforcé les soupçons d’Abidjan.
Ce réseau international d’influenceurs et de cyberactivistes illustre la complexité des relations entre États dans l’ère numérique. Les réseaux sociaux, autrefois perçus comme de simples plateformes d’échange, sont devenus des outils stratégiques pour les gouvernements et leurs opposants.
Élément | Détails |
---|---|
Arrestation | 10 janvier 2025, Abidjan |
Accusation | Intelligence avec un État étranger |
Décès | Pendu, 23 juillet 2025 |
Liens | BIR-C, Ibrahima Maïga |
Un Suicide ou une Affaire plus Sombre ?
La thèse du suicide, bien que soutenue par les autorités, suscite des interrogations. Dans un contexte de tensions régionales et de soupçons d’espionnage, certains s’interrogent sur d’éventuelles pressions exercées sur Alino Faso. Était-il un pion dans un jeu diplomatique plus vaste ? Les résultats de l’enquête seront cruciaux pour éclaircir ces zones d’ombre.
En attendant, la mort d’Alino Faso marque un tournant dans les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Elle met également en lumière le rôle croissant des influenceurs dans les conflits modernes, où les batailles se livrent autant sur les réseaux sociaux que sur le terrain.
L’Héritage d’Alino Faso
Alino Faso laisse derrière lui une famille, un restaurant, et une communauté de followers divisée. Pour certains, il était un patriote, un homme dévoué à son pays. Pour d’autres, il incarnait les dérives d’un cyberactivisme au service d’un régime autoritaire. Son décès, loin de clore le débat, risque d’alimenter les tensions entre ses soutiens et ses détracteurs.
En définitive, cette affaire illustre les défis d’un monde où la politique, les réseaux sociaux et les relations internationales s’entremêlent. Alors que l’enquête suit son cours, une question demeure : la vérité sur la mort d’Alino Faso sera-t-elle un jour pleinement révélée ?