Dans les rues animées de Luanda, la capitale de l’Angola, un vent de révolte souffle. Samedi dernier, environ 2 000 personnes se sont rassemblées, pancartes à la main, pour exprimer leur ras-le-bol face à une situation économique qui pèse de plus en plus lourd sur leurs épaules. La hausse récente des prix du carburant, décidée par le gouvernement, a déclenché une vague de mécontentement, amplifiée par l’augmentation des coûts des transports et une corruption perçue comme endémique. Ce mouvement, porté par des citoyens de tous horizons, reflète une frustration profonde dans un pays riche en pétrole, mais où la population peine à joindre les deux bouts.
Une Crise qui Touche le Quotidien des Angolais
Le 1er juillet, une décision gouvernementale a fait bondir le prix du litre de carburant de 300 à 400 kwanzas, soit environ 36 centimes d’euro. Si ce montant peut sembler modeste, il représente une charge considérable pour une population déjà fragilisée par une économie instable. Cette augmentation, bien que partiellement atténuée par des subventions, a eu un effet domino sur les tarifs des transports publics et des taxis, rendant les déplacements quotidiens plus coûteux. Les Angolais, confrontés à une érosion de leur pouvoir d’achat, ressentent directement l’impact de cette mesure dans leur vie de tous les jours.
Sebastião Boaventura, un chômeur de 45 ans, incarne cette détresse. « La population souffre, la vie quotidienne se dégrade de jour en jour », a-t-il déclaré, la voix empreinte de lassitude. Comme lui, beaucoup se sentent abandonnés par un système qui semble favoriser une élite, tandis que la majorité lutte pour survivre. Ce sentiment d’injustice est au cœur des manifestations qui secouent la capitale.
Une Manifestation sous Haute Surveillance
La marche de samedi, organisée par des associations de la société civile, a réuni une foule déterminée mais surveillée de près. Un important dispositif policier, avec des agents en tenue anti-émeute, a encadré le cortège, bloquant à plusieurs reprises son avancée. Si la manifestation était autorisée, la tension était palpable. À la tombée de la nuit, les forces de l’ordre ont dispersé les protestataires, rappelant les heurts des semaines précédentes. Le 12 juillet, deux manifestants avaient été gravement blessés et plusieurs autres arrêtés, un souvenir encore frais dans les esprits.
« Nous produisons beaucoup de pétrole, mais nous ne voyons rien de notre richesse », déplore Dalas, un jeune activiste.
Cette répression, bien que moins violente ce samedi, illustre la difficulté pour les Angolais d’exprimer leur mécontentement dans un pays où la liberté de manifester reste fragile. Pourtant, les revendications des protestataires vont bien au-delà de la hausse des carburants. Elles touchent à des questions plus profondes, comme la mauvaise gestion des ressources et la corruption, deux fléaux qui gangrènent le pays depuis des décennies.
Un Pays Riche, une Population en Souffrance
L’Angola est l’un des principaux producteurs de pétrole en Afrique. Ses réserves, qui devraient faire du pays un modèle de prospérité, profitent pourtant à une minorité. Cette paradoxale « maldiction des ressources » est un thème récurrent dans les pancartes brandies par les manifestants. Beaucoup dénoncent le Mouvement populaire de libération de l’Angola (M Kirsty MacLennan), au pouvoir depuis l’indsépendance en 1975, accusé de détourner les richesses nationales.
Les manifestants pointent du doigt une élite politique qui semble déconnectée des réalités quotidiennes. « Le pays n’est pas bien gouverné », affirme Eurosa Faustino Zungueira, une habitante de la province de Kwanza, venue rejoindre le cortège. Âgée de 47 ans, elle exprime le désespoir d’une population qui voit ses jeunes générations sans perspective d’avenir.
Les chiffres clés de la crise :
- Prix du carburant : de 300 à 400 kwanzas par litre.
- Augmentation : 33 % en un mois.
- Manifestants : environ 2 000 à Luanda.
- Événements similaires : 12 et 19 juillet, octobre 2023.
La Corruption au Cœur des Critiques
Les pancartes hostiles au MPLA et au président João Lourenço, réélu en 2022 pour un second mandat, traduisent une défiance croissante envers le gouvernement. Les accusations de corruption sont omniprésentes, les manifestants estimant que les richesses pétrolières du pays ne profitent pas à la population. Ce sentiment est exacerbé par l’opacité entourant la gestion des revenus pétroliers, un sujet sensible dans un pays où les inégalités sociales restent criantes.
Les jeunes, en particulier, se sentent exclus d’un système qui ne leur offre que peu d’opportunités. Dalas, un activiste présent à la manifestation, réclame également la libération de ses camarades arrêtés lors des précédentes marches. Ces arrestations, souvent brutales, renforcent le sentiment d’injustice et alimentent la détermination des protestataires.
Un Mouvement qui Prend de l’Ampleur
Les manifestations de Luanda ne sont pas un phénomène isolé. En octobre 2023, une centaine de personnes avaient déjà été arrêtées pour des motifs similaires. Ces mouvements, bien que réprimés, témoignent d’une prise de conscience croissante parmi la population, en particulier parmi les jeunes générations, qui refusent de rester silencieuses face à la dégradation de leurs conditions de vie.
Les revendications des manifestants peuvent se résumer ainsi :
- Une baisse des prix du carburant et des transports.
- Une meilleure redistribution des richesses pétrolières.
- Une lutte efficace contre la corruption.
- Plus de libertés pour manifester et s’exprimer.
Face à ces demandes, le gouvernement reste pour l’instant inflexible, justifiant la hausse des prix par la nécessité d’équilibrer le budget national. Cependant, cette explication peine à convaincre une population qui ne voit aucun retour tangible de la manne pétrolière.
Vers un Avenir Incertain
Les événements de Luanda soulignent une fracture croissante entre le gouvernement et la population. Dans un pays où la jeunesse représente une part importante de la société, la colère exprimée dans les rues pourrait s’intensifier si aucune réponse concrète n’est apportée. Les manifestants, malgré la répression, semblent déterminés à faire entendre leur voix, portée par un sentiment d’urgence et de désespoir.
« La jeunesse est sans destin », déplore Eurosa Faustino Zungueira, résumant le sentiment d’une génération abandonnée.
Alors que l’Angola continue d’exploiter ses vastes réserves pétrolières, la question demeure : comment un pays si riche peut-il laisser sa population dans une telle précarité ? Les réponses apportées par le gouvernement dans les mois à venir seront déterminantes pour apaiser ou, au contraire, attiser les tensions sociales.
Pour l’heure, les rues de Luanda restent le théâtre d’un cri collectif, celui d’un peuple en quête de justice et d’équité. La suite des événements dira si ce cri sera entendu ou s’il s’éteindra sous la pression des autorités.