Imaginez-vous marcher des kilomètres sous un soleil écrasant, l’estomac vide, avec pour seule mission de témoigner de l’horreur d’une guerre sans fin. C’est le quotidien des journalistes à Gaza, confrontés à une crise alimentaire qui les prive de forces et menace leur capacité à informer le monde. Leur combat, entre faim, fatigue et danger, révèle une réalité brutale où survivre devient aussi difficile que travailler.
Une lutte quotidienne pour survivre et informer
Depuis le 7 octobre 2023, date à laquelle une attaque d’une ampleur inédite a déclenché une nouvelle vague de violences entre Israël et le Hamas, Gaza est plongée dans le chaos. Les journalistes locaux, rédacteurs, photographes et vidéastes, tentent de documenter ce conflit dans des conditions extrêmes. Mais la faim et les pénuries viennent compliquer une mission déjà périlleuse. Ils décrivent une fatigue physique et mentale qui les pousse parfois à abandonner temporairement leur travail pour chercher de quoi nourrir leurs familles.
La faim, un ennemi plus redoutable que les bombes
Dans les rues dévastées de Gaza, la nourriture est devenue une denrée rare. Les habitants, y compris les journalistes, luttent pour trouver de quoi manger. Les Nations unies ont dénoncé l’utilisation de la nourriture comme arme dans ce conflit, pointant du doigt les restrictions imposées sur l’acheminement de l’aide humanitaire. Les quelques vivres qui entrent dans le territoire sont souvent détournés ou vendus à des prix exorbitants, rendant l’accès encore plus difficile.
« La douleur de la faim est plus forte que la peur des bombardements. »
Un photojournaliste à Gaza
Pour les journalistes, cette situation a des conséquences directes sur leur travail. L’un d’eux, un photographe de 35 ans, raconte devoir porter un équipement lourd et parcourir de longues distances à pied, sans énergie. « On n’a plus de force à cause de la faim », confie-t-il. Certains, à bout, interrompent leurs reportages pour chercher de la nourriture, une quête souvent vaine dans un territoire où un kilo de farine peut coûter jusqu’à 38 dollars.
Des conditions de travail inhumaines
Travailler à Gaza, c’est évoluer sous une menace constante. Les journalistes risquent leur vie à chaque instant, non seulement à cause des bombardements, mais aussi des tirs visant parfois les civils en quête d’aide alimentaire. Selon l’ONU, plus de 1 000 Palestiniens ont été tués depuis mai 2024 en tentant d’accéder à des distributions de nourriture. Les professionnels des médias, eux, doivent naviguer dans cet environnement hostile tout en luttant contre la malnutrition et l’épuisement.
Quelques chiffres clés pour comprendre la crise :
- 30 kg : poids perdu par un journaliste en raison des pénuries.
- 100 à 150 shekels : prix d’un kilo de farine, soit 25 à 38 dollars.
- 45 % : frais bancaires sur les retraits d’argent liquide.
- 21 enfants : morts de faim en trois jours dans un hôpital de Gaza.
Certains, comme un reporter de 45 ans basé à Gaza-ville, décrivent des évanouissements causés par le manque de nourriture et d’eau potable. La fatigue extrême rend chaque tâche, même la plus simple, insurmontable. Pourtant, ces journalistes continuent, mus par un devoir d’informer malgré les obstacles.
Une crise économique qui aggrave tout
À la faim s’ajoute une crise économique sans précédent. Les liquidités se font rares, et les retraits d’argent sont taxés à des taux prohibitifs, parfois jusqu’à 45 %. Les prix des produits de première nécessité ont explosé : un litre d’huile peut coûter jusqu’à 100 shekels, et même les fruits de saison, comme les raisins, sont inabordables à 100 shekels le kilo. Cette inflation galopante touche durement les familles des journalistes, déjà fragilisées par le conflit.
« Je ne me souviens même plus du goût des fruits. »
Une journaliste à Gaza
Pour beaucoup, le logement est un autre défi. Un photojournaliste, déplacé dans le centre de Gaza, a dû louer un logement à un prix exorbitant pour protéger sa famille des conditions insalubres des camps. Cette situation financière intenable complique encore leur mission, les obligeant à jongler entre survie personnelle et devoir professionnel.
Le poids psychologique d’une mission impossible
Le fardeau mental des journalistes à Gaza est immense. Ils travaillent sous la menace constante des armes, dans un climat où la peur de la mort est omniprésente. Plus de 200 d’entre eux auraient perdu la vie depuis octobre 2023, selon une organisation de défense des droits des journalistes. La perte de collègues, d’amis et parfois de membres de leur famille ajoute une douleur psychologique à leur quotidien déjà éprouvant.
« Chaque image que je capture pourrait être la dernière trace d’une vie ensevelie sous les décombres », confie un vidéaste de 47 ans. Cette responsabilité de témoigner, malgré l’épuisement et le danger, pousse ces professionnels à continuer, même au bord de l’effondrement. Pourtant, la faim, omniprésente, brouille leur esprit et entrave leur capacité à réfléchir ou à se concentrer.
Une catastrophe humanitaire aux conséquences multiples
La situation alimentaire à Gaza a atteint un point critique. Un médecin de l’hôpital Al-Chifa a signalé la mort de 21 enfants en trois jours à cause de la malnutrition, un chiffre alarmant qui illustre l’ampleur de la crise. Les journalistes, eux-mêmes touchés par cette catastrophe, ne se contentent pas de la documenter : ils la vivent. Installés dans des tentes délabrées ou des logements insalubres, ils travaillent dans des conditions où la chaleur, la faim et la peur se mêlent pour former un cocktail insoutenable.
Produit | Prix moyen (shekels) | Équivalent dollars |
---|---|---|
Farine (1 kg) | 100-150 | 25-38 |
Riz (1 kg) | 100 | 25 |
Huile (1 litre) | 85-100 | 21-25 |
Tomates (1 kg) | 70-100 | 17-25 |
Ces prix, inaccessibles pour la majorité, transforment des produits de base en luxe. Les journalistes, comme le reste de la population, se retrouvent piégés dans un cercle vicieux où la faim et la pauvreté se renforcent mutuellement.
Témoigner malgré tout
Malgré ces conditions, les journalistes de Gaza continuent de documenter la guerre. Leur travail, essentiel pour alerter le monde sur la situation, est un acte de résilience. Chaque article, chaque photo, chaque vidéo est un cri pour attirer l’attention sur une crise humanitaire qui s’aggrave de jour en jour. Mais à quel prix ?
« Trop, c’est trop. Je préfère la mort à cette vie. »
Un ancien collaborateur à Gaza
Cette phrase, brutale, résume le désespoir qui s’installe. Pourtant, ces professionnels persistent, mus par un sens du devoir qui transcende leur souffrance. Leur courage face à l’adversité est un rappel de l’importance du journalisme dans les zones de conflit, même lorsque les conditions semblent insurmontables.
Que peut-on faire ?
La situation à Gaza appelle une réponse internationale urgente. Voici quelques pistes pour agir :
- Soutenir les organisations humanitaires qui acheminent de l’aide alimentaire.
- Plaider pour un accès sans restriction à l’aide humanitaire.
- Sensibiliser à la situation des journalistes en zones de guerre.
- Exiger des enquêtes indépendantes sur les violences contre les civils et les journalistes.
La crise à Gaza ne se limite pas à un conflit armé : elle est aussi humanitaire, économique et sociale. Les journalistes, en première ligne, incarnent cette lutte pour la vérité dans un contexte où survivre est déjà une victoire.