Dimanche, les Japonais se sont rendus aux urnes pour des élections sénatoriales qui pourraient bouleverser l’équilibre politique du pays. Dans un contexte marqué par une inflation galopante et l’essor d’un parti populiste anti-immigration, le sort du Premier ministre Shigeru Ishiba, à la tête d’un gouvernement minoritaire, est en jeu. Ces élections, loin d’être un simple scrutin de routine, pourraient redessiner le paysage politique nippon et plonger le pays dans une instabilité inédite.
Un Scrutin à Haut Risque pour le PLD
Le Parti libéral-démocrate (PLD), pilier de la politique japonaise depuis 1955, traverse une période de turbulences. Dirigé par Shigeru Ishiba depuis septembre, ce parti conservateur, allié au centriste Komeito, risque de perdre sa majorité à la chambre haute, où 125 des 248 sièges sont renouvelés. Une telle défaite serait un coup dur pour Ishiba, déjà affaibli par un revers cuisant lors des élections législatives d’automne à la chambre basse.
Si la coalition ne parvient pas à sécuriser au moins 50 sièges, elle pourrait perdre le contrôle du Parlement. Selon Toru Yoshida, professeur de sciences politiques à l’Université Doshisha, cette situation pourrait contraindre Ishiba à démissionner, plongeant le Japon dans un « terrain inconnu ». Un gouvernement minoritaire dans les deux chambres serait une première depuis la Seconde Guerre mondiale.
« Shigeru Ishiba pourrait être forcé de démissionner si la coalition perd sa majorité », Toru Yoshida, professeur à l’Université Doshisha.
Une Économie sous Pression
L’inflation, qui atteint 3,3 % en juin hors produits frais, pèse lourdement sur les ménages japonais. La flambée des prix du riz, qui ont doublé en un an, cristallise les frustrations. Atsushi Matsuura, un électeur tokyoïte de 54 ans, exprime une préoccupation partagée : « Les prix augmentent, mais les salaires stagnent. » Cette situation érode le pouvoir d’achat et alimente le mécontentement.
Pour contrer ces tensions, Ishiba a déployé des mesures d’urgence : subventions énergétiques prolongées, aides au logement et chèques de 20 000 yens (environ 120 dollars) par citoyen. Les autorités ont également puisé dans les réserves stratégiques de riz pour tenter de stabiliser les prix, mais ces efforts restent sans effet notable pour l’instant.
Fait marquant : Les prix du riz, aliment de base au Japon, ont doublé en un an, accentuant la pression sur les ménages.
Les Retraités dans la Tourmente
Les seniors, nombreux dans un Japon vieillissant, ressentent particulièrement les effets de la crise. Hisayo Kojima, 65 ans, déplore la baisse constante du montant réel de sa retraite : « Nous avons cotisé toute notre vie pour ce système, mais il ne nous protège plus. » Ce sentiment d’injustice alimente un désintérêt croissant pour le PLD, perçu comme incapable de répondre aux besoins des citoyens.
Face à ces défis, le gouvernement tente de rassurer. Les aides financières et les promesses de réformes sont nombreuses, mais elles suscitent aussi des inquiétudes. Norihiro Yamagishi, un autre électeur de 54 ans, confie : « Je voulais voter pour un parti qui évite les promesses électoralistes, mais beaucoup cèdent à cette tentation. »
L’Ombre de Trump et les Défis Commerciaux
À l’international, le Japon fait face à une tempête économique. Les mesures protectionnistes de l’administration Trump, notamment une taxe de 25 % sur les exportations automobiles, ont fait chuter les ventes vers les États-Unis, un marché clé représentant 8 % des emplois dans l’archipel. Avec la menace de nouvelles surtaxes généralisées dès le 1er août, l’économie nippone, très dépendante des exportations, vacille.
Les négociations commerciales avec Washington, menées par un émissaire japonais à sept reprises, semblent dans l’impasse. Ishiba a adopté une posture ambitieuse, exigeant la suppression totale des droits de douane, une stratégie risquée qui divise les industriels. « La capacité du gouvernement à gérer ces négociations est cruciale », souligne Masahisa Endo, professeur à l’Université Waseda.
« La confiance des citoyens repose sur la gestion des négociations commerciales », Masahisa Endo, professeur à l’Université Waseda.
L’Essor du Populisme : Sanseito en Embuscade
Dans ce climat de méfiance, le parti populiste Sanseito, avec son slogan « Le Japon d’abord », gagne du terrain. Prônant des restrictions strictes sur l’immigration, une critique du mondialisme et une refonte des politiques de vaccination et de décarbonation, il séduit un électorat frustré. Ce parti, qui nie tout lien avec Moscou, pourrait passer de deux à plus de dix sièges au Sénat.
Une électrice, rencontrée lors d’un meeting, résume l’attrait de Sanseito : « Ils disent ce que je pense mais n’osais pas exprimer. » Ce discours anti-establishment, couplé aux scandales de corruption qui éclaboussent le PLD, fragilise la coalition au pouvoir.
- Immigration : Sanseito milite pour des règles plus strictes.
- Économie : Critique des accords commerciaux internationaux.
- Société : Rejet des politiques de genre et de décarbonation.
Un Endettement Record et des Marchés Inquiets
Les plans de relance massifs d’Ishiba, bien que populaires auprès de certains, creusent un endettement déjà colossal. Les émissions obligataires récentes ont été boudées, faisant grimper les taux d’intérêt nippons. Cette situation alarme les marchés financiers, qui craignent une dérive budgétaire à long terme.
Pourtant, le gouvernement semble pris dans un cercle vicieux : répondre aux attentes immédiates des citoyens tout en évitant une crise financière. Les électeurs, eux, oscillent entre espoir et scepticisme face à ces promesses coûteuses.
Un Avenir Incertain pour le Japon
Les élections sénatoriales de ce dimanche ne sont pas seulement un test pour Ishiba, mais pour l’ensemble du système politique japonais. Une perte de la majorité pourrait paralyser le Parlement, rendant l’adoption de lois cruciales, comme le budget ou les réformes économiques, quasi impossible. Dans ce contexte, l’opposition, bien que fragmentée, pourrait tirer son épingle du jeu.
Le Japon, habitué à la stabilité du PLD, pourrait entrer dans une phase d’incertitude. Les défis sont multiples : une inflation persistante, une population vieillissante, des tensions commerciales internationales et une montée des discours populistes. Ishiba, avec son image de « geek » des questions militaires, devra prouver qu’il peut naviguer dans cette tempête.
Défi | Impact | Mesure gouvernementale |
---|---|---|
Inflation | Hausse des prix du riz, baisse du pouvoir d’achat | Chèques de 20 000 yens, réserves de riz |
Commerce | Chute des exportations automobiles | Négociations avec les États-Unis |
Populisme | Montée du Sanseito | Renforcement des promesses sociales |
En conclusion, ces élections sénatoriales sont un tournant pour le Japon. Entre crises économiques, défis internationaux et montée des tensions internes, le pays se trouve à la croisée des chemins. Shigeru Ishiba, sous pression, devra démontrer sa capacité à unir un électorat divisé et à répondre aux attentes d’une population en quête de stabilité.