Dans les collines arides de la Cisjordanie, un bien précieux est au cœur d’un conflit silencieux mais dévastateur : l’eau. Pour des dizaines de milliers de Palestiniens, chaque goutte compte, et la lutte pour accéder à cette ressource vitale s’intensifie. Des attaques récentes contre des infrastructures hydriques, attribuées à des colons, soulèvent une question cruciale : l’eau est-elle devenue une arme dans ce territoire occupé ?
Une Crise Hydrique aux Enjeux Vitaux
La Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, fait face à une pénurie chronique d’eau. Les sources comme celle d’Ein Samiyah, située près du village de Kafr Malik, sont essentielles pour alimenter des dizaines de villages. Cette source, gérée par une société palestinienne, dessert environ 110 000 personnes, en faisant l’une des ressources les plus critiques de la région. Mais récemment, des actes de vandalisme ont perturbé cet approvisionnement vital.
Des colons ont été accusés d’avoir brisé des conduites principales, provoquant des fuites massives et interrompant temporairement l’accès à l’eau pour plusieurs communautés. Ces incidents ne sont pas isolés. Ils s’inscrivent dans une série d’attaques ciblant les infrastructures hydriques, mettant en péril la survie des populations locales.
L’Eau : Une Arme de Contrôle Territorial
Pour les habitants de la Cisjordanie, l’accès à l’eau est bien plus qu’une question de commodité ; c’est une question de survie. Selon Issa Kassis, responsable d’une organisation locale de gestion de l’eau, priver une communauté de cette ressource est une stratégie pour forcer les populations à quitter leurs terres.
« Quand vous limitez l’accès à l’eau, les habitants finissent par partir vers des zones où elle est disponible. »
Issa Kassis, président du conseil d’administration d’une organisation hydrique
Cette tactique, qualifiée de déplacement forcé, s’inscrit dans un contexte plus large de tensions territoriales. Depuis le début du conflit à Gaza en octobre 2023, les violences des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie ont augmenté. Des responsables israéliens, comme le ministre des Finances Bezalel Smotrich, ont même appelé à l’annexion de ce territoire, intensifiant les craintes d’une escalade.
Des Attaques Répétées sur les Ressources
Les incidents à Ein Samiyah ne sont qu’un exemple parmi d’autres. Dans la vallée du Jourdain, des sources comme Al-Auja ont été détournées par des colons, privant les communautés locales d’eau potable et agricole. Farhane Ghawanmeh, représentant d’une communauté touchée, souligne que deux autres sources de la région ont subi des dommages similaires.
Les équipes de maintenance, souvent sous la menace de violences, hésitent à intervenir. À Ein Samiyah, des techniciens ont dû réparer en urgence une conduite principale endommagée, tandis que des colons armés occupaient les bassins en contrebas. Cette insécurité complique davantage la gestion des infrastructures.
Chiffres clés de la crise :
- 110 000 personnes dépendent de la source d’Ein Samiyah.
- 60 % de la Cisjordanie est sous contrôle total d’Israël (zone C).
- 36 % seulement des Palestiniens ont un accès quotidien à l’eau courante.
Des Disparités Criantes
La gestion de l’eau en Cisjordanie révèle des inégalités profondes. Alors que 100 % des Israéliens, y compris ceux vivant dans les colonies, bénéficient d’un accès constant à l’eau courante, seulement 36 % des Palestiniens en Cisjordanie jouissent de ce privilège, selon l’ONG israélienne B’Tselem. Cette disparité est particulièrement marquée dans les zones sous contrôle israélien, où les Palestiniens ne peuvent pas forer de nouveaux puits sans autorisation, souvent refusée.
À Dura al-Qaraa, un village dépendant d’Ein Samiyah comme source de secours, les habitants constatent une aggravation des sécheresses. Rafaa Kacem, membre du conseil local, déplore l’impossibilité de cultiver la terre, les napp HIV4.0pt-BR nappes phréatiques ayant chuté à des niveaux critiques. « La terre est presque abandonnée », confie-t-il, résumant l’impact dévastateur de cette crise sur l’agriculture locale.
Un Contexte Géopolitique Explosif
La crise de l’eau s’inscrit dans un contexte de tensions accrues depuis octobre 2023. Les violences des colons, parfois armés, se sont multipliées, avec des incidents tragiques comme le meurtre d’un jeune Palestino-Américain à Sinjil. Ces actes, combinés aux restrictions sur l’accès à l’eau, alimentent un sentiment d’injustice parmi les Palestiniens.
Certains responsables palestiniens accusent les autorités israéliennes de soutenir tacitement ces attaques, bien que l’armée israélienne affirme ne pas avoir été informée de l’incident d’Ein Samiyah. Cette absence de réaction renforce la méfiance des communautés locales envers les institutions.
Les Conséquences à Long Terme
La pénurie d’eau ne menace pas seulement la vie quotidienne, mais aussi l’avenir des communautés palestiniennes. Sans accès à l’eau, l’agriculture s’effondre, les terres deviennent incultivables, et les habitants sont poussés à l’exode. Ce phénomène, qualifié de transfert forcé par certains observateurs, redessine la démographie de la Cisjordanie.
Des projets internationaux, comme ceux proposés par l’ONU ou la Banque mondiale, ont été abandonnés en raison des restrictions imposées par les autorités israéliennes. Les habitants de villages comme Dura al-Qaraa se retrouvent sans solution viable pour surmonter la crise.
Région | Problème principal | Impact |
---|---|---|
Ein Samiyah | Attaques sur les conduites | Interruption de l’approvisionnement |
Vallée du Jourdain | Détournement des sources | Pénurie pour les communautés |
Dura al-Qaraa | Baisse des nappes phréatiques | Abandon des terres agricoles |
Vers une Escalade Inévitable ?
La crise hydrique en Cisjordanie n’est pas seulement une question environnementale ; elle est profondément politique. Chaque attaque contre une source d’eau renforce le sentiment d’oppression parmi les Palestiniens, tout en exacerbant les tensions avec les colons. Les appels à l’annexion, portés par des figures politiques influentes, laissent craindre une intensification du conflit.
Pour les habitants, la peur de perdre leurs terres et leur mode de vie s’ajoute à l’angoisse quotidienne de l’accès à l’eau. Comme le souligne Soubhil Olayan, surveillant la source d’Ein Samiyah :
« Il n’y a pas de vie sans eau. »
Soubhil Olayan, responsable local de l’eau
Alors que les ressources s’amenuisent et que les tensions montent, la question demeure : jusqu’où ira cette bataille pour l’eau ?
La situation en Cisjordanie illustre un défi mondial : l’accès à l’eau comme droit fondamental. Dans ce territoire marqué par des décennies de conflit, cette ressource est devenue un symbole de résilience, mais aussi de lutte. Les mois à venir seront déterminants pour l’avenir des communautés palestiniennes et la stabilité de la région.