CultureInternational

Côte d’Ivoire : Ambition d’une Capitale Cinématographique

La Côte d'Ivoire rêve de devenir une capitale du cinéma africain. Entre tournages locaux et ambitions culturelles, le pays se transforme. Que manque-t-il pour rivaliser avec Nollywood ? Découvrez la suite...

Imaginez un village ivoirien, entouré d’une végétation luxuriante, où des techniciens s’affairent autour d’une caméra sous un grand arbre. Les acteurs, en tenues colorées, incarnent des personnages aux prises avec un héritage disputé. Ce décor, c’est celui du tournage du film Le Testament, une comédie panafricaine qui illustre l’élan de la Côte d’Ivoire pour devenir une terre incontournable du 7e art en Afrique. Alors que le pays s’active pour séduire réalisateurs et producteurs, une question se pose : peut-il rivaliser avec des géants comme Nollywood ?

Une ambition cinématographique en pleine croissance

La Côte d’Ivoire ne manque pas d’atouts pour se positionner comme un hub du cinéma africain. Avec ses paysages variés, allant des forêts denses aux plages côtières, et une scène culturelle vibrante, le pays attire de plus en plus de productions, qu’elles soient locales ou internationales. En 2024, selon les autorités ivoiriennes, une trentaine de films et séries ont été tournés sur le territoire, et 39 autres projets ont déjà reçu le feu vert pour cette année. Ce dynamisme témoigne d’une industrie en pleine structuration.

Le film Le Testament, une coproduction entre la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Sénégal, illustre cette montée en puissance. Tourné près du village de Rubino, à une centaine de kilomètres d’Abidjan, il met en scène une histoire universelle : celle d’une famille se disputant l’héritage d’un riche planteur de cacao. Ce type de récit, ancré dans des réalités africaines, séduit une nouvelle génération de cinéastes qui veulent raconter leurs propres histoires.

« La nouvelle génération veut raconter son quotidien, des histoires qui la représentent », explique une professionnelle du secteur.

Une industrie locale en structuration

Le cinéma ivoirien ne se contente plus d’accueillir des productions étrangères. Les techniciens locaux, de plus en plus nombreux et qualifiés, permettent de réaliser des projets sans dépendre de compétences extérieures. Un cinéaste burkinabè impliqué dans Le Testament souligne cette évolution : « On a des gens capables d’assurer toute une production sans avoir besoin d’aller chercher ailleurs. » Cette autonomie est un signe de maturité pour une industrie encore jeune.

Pourtant, tout n’est pas simple. Les financements restent un défi majeur. Si des subventions publiques existent, les investisseurs privés hésitent encore à miser sur le cinéma local. Une chargée de production raconte avoir dû « se battre » pour boucler le budget de son film. Cette réalité freine le développement, mais la crédibilité du cinéma ivoirien se construit progressivement, portée par des talents passionnés.

Le cinéma ivoirien, bien que prometteur, doit encore surmonter des obstacles structurels pour s’imposer pleinement.

Abidjan, décor de récits authentiques

Abidjan, la capitale économique ivoirienne, est au cœur de cette effervescence. Des réalisateurs comme Philippe Lacôte en ont fait leur terrain de jeu. Ce cinéaste franco-ivoirien, actif depuis 2002, vient de terminer une série musicale intitulée Clash, tournée entre Abidjan et Kinshasa. Ce projet, centré sur la rivalité entre deux stars du coupé-décalé, un genre musical emblématique de la Côte d’Ivoire, a été réalisé par une équipe entièrement locale, une prouesse impensable il y a encore quelques années.

Ce choix d’ancrer les productions dans des réalités locales répond à un enjeu plus large : celui de se réapproprier les récits africains. Longtemps, les représentations de l’Afrique au cinéma ont été dominées par des productions occidentales. Aujourd’hui, les cinéastes ivoiriens veulent raconter leurs propres histoires, avec leurs codes et leurs sensibilités.

« C’est important de produire nos propres récits et des contenus de qualité », affirme un acteur et réalisateur français d’origine ivoirienne.

Un enjeu culturel et économique

Le développement du cinéma en Côte d’Ivoire ne se limite pas à une ambition artistique. Il s’agit aussi d’un levier économique et d’un outil d’influence culturelle. En juin 2024, le pays a accueilli le 3e Salon international du contenu audiovisuel (SICA), une vitrine pour promouvoir ses atouts auprès des professionnels du secteur. L’objectif est clair : faire de la Côte d’Ivoire un hub cinématographique capable de rivaliser avec des puissances comme le Nigeria et son industrie Nollywood.

Le gouvernement ivoirien semble décidé à accompagner cette dynamique. Des projets de formation sont à l’étude pour former localement les techniciens, réalisateurs et autres professionnels du cinéma. « Nous réfléchissons à créer des filières dans les écoles existantes », indique le ministre de la Communication. Ces initiatives visent à combler un manque criant de formations spécialisées, un frein souvent pointé par les acteurs du secteur.

Défis Solutions envisagées
Manque de financements privés Mécanismes de subventions publiques
Manque de formations Création de filières dans les écoles
Peu de salles de cinéma Projets d’ouverture de nouvelles salles

Les défis d’une industrie émergente

Malgré cet élan, le cinéma ivoirien fait face à des obstacles structurels. Avec seulement 15 salles de cinéma, presque toutes concentrées à Abidjan, l’accès aux films reste limité. La majorité des spectateurs découvrent les productions locales à la télévision ou sur des plateformes de streaming. Cependant, l’ouverture prochaine d’une salle à Bouaké et l’arrivée de cinémas Pathé à Abidjan en 2024 laissent présager une amélioration.

Un autre défi réside dans la domination des productions étrangères, notamment américaines, qui représentaient 80 % des entrées en salle en 2023, contre seulement 6 % pour les films ivoiriens. Ce déséquilibre reflète un manque de visibilité pour les créations locales, malgré une production en forte hausse. En 2024, une vingtaine de films ivoiriens ont été projetés, un chiffre qualifié d’« exceptionnel » par les responsables de l’Office national du cinéma.

Une vision politique à affiner

Pour certains professionnels, le gouvernement ivoirien doit clarifier sa stratégie. Si l’accueil de tournages étrangers crée des emplois, il ne suffit pas à développer une industrie nationale forte. « Ce qui manque, c’est une vision claire des autorités », estime un cinéaste. En réponse, le ministre de la Communication met en avant un futur mécanisme de subventions destiné à soutenir les jeunes talents ivoiriens, un pas vers une politique plus ambitieuse.

Ce soutien est crucial pour permettre aux réalisateurs de continuer à produire des œuvres comme Le grand déplacement, un film d’action tourné à Abidjan, ou encore Clash, qui célèbre la culture ivoirienne à travers le prisme du coupé-décalé. Ces projets incarnent une volonté de rayonnement culturel, où le cinéma devient un outil pour affirmer l’identité et l’influence de la Côte d’Ivoire.

Le cinéma ivoirien ne se contente plus de suivre : il veut écrire sa propre histoire, portée par une génération de créateurs audacieux.

Vers un avenir prometteur

La Côte d’Ivoire se trouve à un tournant. Avec une industrie cinématographique en plein essor, des talents locaux de plus en plus reconnus et un gouvernement qui commence à structurer son soutien, le pays a tout pour devenir une capitale du 7e art en Afrique. Mais pour y parvenir, il devra surmonter ses défis, qu’il s’agisse d’augmenter le nombre de salles, de diversifier les financements ou de renforcer les formations.

En attendant, les histoires racontées par les cinéastes ivoiriens continuent de séduire. Qu’il s’agisse de comédies familiales comme Le Testament ou de séries musicales comme Clash, ces œuvres portent un message clair : l’Afrique peut et doit raconter ses propres récits. Et la Côte d’Ivoire, avec son énergie et sa créativité, est bien placée pour mener cette révolution culturelle.

Alors, la Côte d’Ivoire deviendra-t-elle la nouvelle étoile du cinéma africain ? Les prochains tournages, les prochaines subventions et les prochaines salles de cinéma apporteront sans doute la réponse.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.