Le philosophe et écrivain Pascal Bruckner peut souffler. Ce mardi, le tribunal correctionnel de Paris l’a relaxé des accusations de diffamation portées à son encontre par la militante antiraciste Rokhaya Diallo. Une affaire qui avait débuté en octobre 2020, lors d’un vif échange sur le plateau de l’émission 28 Minutes sur Arte.
Retour sur les faits
Lors de ce débat intitulé “L’homme blanc est-il forcément coupable ?”, Pascal Bruckner avait interpellé Rokhaya Diallo sur ses prises de position passées :
Je pense, Madame, qu’au contraire, votre statut de femme musulmane et noire vous rend privilégiée. Ça vous permet de dire un certain nombre de choses (…) notamment, je pense à ce que vous avez dit sur Charlie Hebdo et qui a entraîné, avec d’autres, la mort des douze de Charlie et plus…
– Pascal Bruckner
Il faisait référence à une tribune co-signée par Rokhaya Diallo en 2011, peu après l’incendie des locaux de Charlie Hebdo. Bruckner avait également affirmé que Diallo avait “poussé à la haine contre Charlie Hebdo” et “armé le bras des tueurs”, des propos qui avaient fait vivement réagir son interlocutrice.
Un débat d’idées, pas une diffamation
Mais pour le tribunal, les déclarations de Pascal Bruckner s’inscrivaient dans le cadre d’un débat intellectuel. Comme l’a souligné son avocat Me Richard Malka, le philosophe n’accusait pas Rokhaya Diallo d’avoir directement armé les terroristes, mais interrogeait sa responsabilité intellectuelle et les conséquences de son discours hostile envers Charlie Hebdo avant l’attentat de 2015.
Une nuance que le téléspectateur était, selon la défense, tout à fait en mesure de comprendre. Le tribunal a donc estimé que les propos de Bruckner relevaient de sa liberté de penser et de s’exprimer, dans un débat où chaque partie avait la possibilité de répondre.
Les limites de la liberté d’expression en question
Cette décision, saluée par les soutiens de Pascal Bruckner, soulève néanmoins des interrogations. Jusqu’où peut aller la liberté d’expression dans un débat public ? Quelles sont les frontières entre la critique légitime d’un discours et l’accusation diffamatoire ?
Pour l’avocat de Rokhaya Diallo, Me William Bourdon, le tribunal a reconnu à Pascal Bruckner “un degré de virulence extrême, sans l’ombre d’une base factuelle”. Il a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel de cette décision.
Cette affaire illustre en tout cas la sensibilité et la complexité des débats autour des discours antiracistes, du blasphème et de la responsabilité des intellectuels. Des thématiques explosives qui continueront sans doute de faire couler beaucoup d’encre.