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Décès De Muhammadu Buhari : Un Géant Du Nigeria S’éteint

L’ancien président nigérian Muhammadu Buhari est mort à 82 ans. De militaire autoritaire à démocrate, son parcours a marqué l’Afrique. Quel héritage laisse-t-il au Nigeria ? Découvrez son histoire et ses combats…

Dimanche 13 juillet 2025, une page de l’histoire nigériane s’est tournée. À 82 ans, Muhammadu Buhari, ancien président du Nigeria, s’est éteint dans une clinique londonienne, laissant derrière lui un héritage aussi complexe que controversé. De son passé de militaire rigide à son rôle de président démocratiquement élu, cet homme du Nord a façonné le destin du pays le plus peuplé d’Afrique. Mais qui était vraiment Muhammadu Buhari, et comment son passage au pouvoir a-t-il redéfini le Nigeria ?

Un Parcours Hors du Commun

Né en 1942 à Daura, dans l’État de Katsina, Muhammadu Buhari a grandi dans un Nigeria sous domination coloniale britannique. Issu d’une famille peule modeste, il a vite trouvé sa voie dans l’armée, où sa discipline et son ambition l’ont propulsé au rang de major-général. Son entrée en politique, marquée par un coup d’État en 1983, a fait de lui un chef d’État militaire à seulement 41 ans. Cette période, bien que brève, a posé les bases de son image : celle d’un homme inflexible, déterminé à restaurer l’ordre et à combattre la corruption.

Son retour au pouvoir en 2015, cette fois par les urnes, a marqué un tournant historique. En devenant le premier opposant à battre un président sortant, Goodluck Jonathan, Buhari a incarné l’espoir d’un renouveau pour des millions de Nigérians. Mais entre ses promesses ambitieuses et les réalités d’un pays en proie à l’insécurité et aux crises économiques, son bilan reste sujet à débat.

Un Militaire au Pouvoir : La Discipline Avant Tout

En 1983, Buhari prend les rênes du Nigeria dans un contexte de chaos économique et de corruption endémique. À la tête d’un régime militaire, il lance la campagne War Against Indiscipline, visant à instaurer une rigueur morale et civique. Les fonctionnaires en retard sont sanctionnés, les opposants arrêtés, et des mesures draconiennes sont prises contre la criminalité. Cette période, bien que critiquée pour son autoritarisme, a forgé la réputation de Buhari comme un homme intègre, refusant de céder aux sirènes de la corruption.

« Le changement est devenu une nécessité pour mettre fin au désordre économique de ce pays et à la crise de confiance du peuple avec ses leaders corrompus. »

Muhammadu Buhari, 1984

Cette rigueur militaire a toutefois ses limites. En seulement 20 mois, son régime est renversé par un autre coup d’État en 1985, orchestré par Ibrahim Babangida. Buhari passe alors des années dans l’ombre, mais son aura de leader incorruptible reste intacte, préparant son retour spectaculaire trois décennies plus tard.

Le Retour par les Urnes : Un Démocrate Converti ?

Après plusieurs tentatives infructueuses aux élections de 2003, 2007 et 2011, Buhari remporte enfin la présidence en 2015 sous la bannière du parti All Progressives Congress. Son élection, un moment historique, promet un Nigeria débarrassé de la corruption et sécurisé face à la menace de Boko Haram. Pourtant, dès les premières années, les défis s’accumulent. L’économie, fortement dépendante du pétrole, plonge en récession à deux reprises. Le chômage des jeunes explose, et l’insécurité persiste dans le Nord-Est, où Boko Haram continue ses exactions.

Ses partisans saluent son intégrité et ses efforts pour diversifier l’économie, notamment à travers des programmes comme N-Power, destiné à soutenir l’emploi des jeunes. Mais ses détracteurs pointent du doigt une gestion rigide, parfois déconnectée des réalités, et une incapacité à enrayer les problèmes structurels du pays. La suspension de Twitter en 2021, après la suppression d’un de ses messages, a également alimenté les critiques sur son rapport à la liberté d’expression.

Les Défis de la Santé : Une Transparence en Question

La santé fragile de Buhari a été un sujet de controverse tout au long de son mandat. Ses fréquents séjours médicaux à Londres, parfois prolongés, ont suscité des inquiétudes sur une possible vacance du pouvoir. En 2017, une anecdote rocambolesque illustre cette opacité : son porte-parole, Garba Shehu, évoque une prétendue invasion de rats dans les bureaux présidentiels pour justifier l’absence prolongée de Buhari. Cette explication, révélée plus tard comme un stratagème, a amplifié les critiques sur le manque de transparence.

Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Les Nigérians, confrontés à un système de santé défaillant, ont souvent perçu ces voyages à l’étranger comme une illustration des inégalités structurelles du pays. Pourquoi le président, censé incarner le changement, devait-il se faire soigner à Londres plutôt que dans un hôpital local ? Cette question a hanté son mandat et continue de résonner après sa disparition.

Un Bilan Contrasté : Entre Réformes et Critiques

Le bilan de Buhari est un sujet de débat passionné. D’un côté, il a tenté de moderniser l’économie nigériane en réduisant la dépendance au pétrole et en promouvant l’agriculture. Des projets d’infrastructures, comme la raffinerie de Dangote, ont vu le jour sous son administration. De l’autre, les résultats économiques sont restés en deçà des attentes. Les crises, qu’il s’agisse de l’inflation ou du chômage, ont persisté, et la lutte contre la corruption, bien que centrale dans son discours, n’a pas produit les résultats escomptés.

Les principaux défis sous la présidence de Buhari :

  • Insécurité : Malgré des victoires ponctuelles contre Boko Haram, les enlèvements et les violences intercommunautaires ont persisté.
  • Économie : Deux récessions en cinq ans, une inflation galopante et un chômage record.
  • Corruption : Des efforts louables, mais des résultats mitigés face à un système profondément enraciné.
  • Santé publique : Un système défaillant, symbolisé par les séjours médicaux de Buhari à l’étranger.

En 2020, l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie résumait ainsi la présidence de Buhari :

« Un échec de leadership, marqué par une indifférence assumée. »

Chimamanda Ngozi Adichie, 2020

Cette critique, bien que sévère, reflète le sentiment d’une partie de la population, déçue par des promesses non tenues. Pourtant, Buhari conserve une base fidèle, qui voit en lui un symbole d’intégrité dans un pays miné par la corruption.

Un Héritage Politique et Panafricain

La mort de Buhari a suscité une vague d’hommages à travers l’Afrique. Des dirigeants comme le président sierra-léonais Julius Maada Bio ou le président gambien Adama Barrow ont salué son engagement pour la paix et l’intégration régionale. Le président de la Commission de l’Union africaine, Mahmoud Ali Youssouf, a décrit Buhari comme un panafricaniste engagé, soulignant son rôle dans le renforcement des relations diplomatiques au sein de la CEDEAO et de l’Union africaine.

Au Nigeria, le président actuel, Bola Ahmed Tinubu, a rendu un hommage vibrant, qualifiant son prédécesseur de « patriote » et d’« homme d’État ». Il a ordonné la mise en berne des drapeaux pour sept jours et chargé le vice-président Kashim Shettima d’organiser le rapatriement de la dépouille. Ces gestes symboliques témoignent de l’impact durable de Buhari sur la scène politique nationale.

Les Controverses : Un Leader Contesté

Buhari n’a jamais été un homme de consensus. Son passé militaire, marqué par des mesures autoritaires, a laissé des traces. En 1984, l’arrestation du musicien Fela Kuti pour des accusations controversées de contrebande de devises a été perçue comme une tentative de museler un critique du régime. Plus tard, sous sa présidence démocratique, la suspension de Twitter en 2021 a ravivé les accusations d’intolérance à la dissidence.

Ses relations avec les médias étaient également tendues. Son style de gouvernance, souvent décrit comme distant, contrastait avec l’image d’un leader populiste. Pour beaucoup, Buhari incarnait une époque révolue, celle des généraux formés sous l’ère coloniale, peu enclins à s’adapter aux dynamiques modernes de la politique.

Que Reste-t-il de Buhari ?

Alors que le Nigeria pleure l’un de ses leaders les plus emblématiques, la question de son héritage divise. Pour certains, Buhari était un visionnaire qui a tenté, contre vents et marées, de réformer un pays aux défis colossaux. Pour d’autres, son mandat représente une occasion manquée, marquée par des crises non résolues et une gouvernance rigide.

Période Rôle Impact
1983-1985 Chef d’État militaire Instauration de la discipline, lutte anti-corruption, mais régime autoritaire.
2015-2023 Président élu Première alternance démocratique, réformes économiques, lutte contre Boko Haram, mais résultats mitigés.

En définitive, Muhammadu Buhari restera une figure incontournable de l’histoire nigériane. Son parcours, mêlant discipline militaire et ambition démocratique, reflète les contradictions d’un pays en quête de stabilité. Alors que son corps est rapatrié au Nigeria, les hommages affluent, mais les débats sur son héritage ne font que commencer. Que retiendra l’histoire de cet homme qui a marqué son époque, pour le meilleur et pour le pire ?

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