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Manifestations au Kenya : Violente répression policière

Au Kenya, le mouvement "Occupy Parliament" mobilise des milliers de jeunes contre un budget controversé. Malgré une violente répression policière, la contestation ne faiblit pas et s'étend dans plusieurs villes du pays. Jusqu'où ira cette fronde inédite contre la politique du président Ruto ?

Depuis plusieurs jours, les rues de Nairobi et d’autres villes du Kenya sont le théâtre de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Des milliers de citoyens, en majorité des jeunes, se sont mobilisés contre un projet de budget controversé prévoyant de nouvelles taxes. Malgré la répression brutale, le mouvement baptisé “Occupy Parliament” ne faiblit pas et gagne du terrain.

Un budget qui passe mal

À l’origine de la contestation, il y a ce projet de budget 2024-2025 présenté mi-juin au Parlement. Il prévoit notamment l’instauration d’une TVA de 16% sur des produits de base comme le pain et une nouvelle taxe sur les véhicules particuliers. Des mesures très mal accueillies par la population dans un contexte économique déjà difficile.

Le gouvernement a beau avoir annoncé le retrait de certaines taxes, la grogne ne retombe pas. Au contraire, elle s’est muée en un vaste mouvement de défiance contre la politique du président William Ruto, au pouvoir depuis moins d’un an. Les manifestants dénoncent la hausse du coût de la vie et l’absence de perspectives pour la jeunesse.

Une répression brutale

Face à l’ampleur de la mobilisation, les autorités ont choisi la manière forte. Aux abords du Parlement à Nairobi, la police antiémeute a fait usage de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc et de canons à eau pour disperser la foule. Des heurts particulièrement violents qui ont fait au moins deux morts et des dizaines de blessés en trois jours.

Ce n’est pas un crime de se rassembler dans les rues. (…) Ils sont en train de brutaliser des citoyens innocents, sans armes et qui ne font que s’exprimer.

Kennedy Sankara, manifestant de 26 ans

La réponse sécuritaire musclée ne semble pas en mesure d’étouffer la contestation pour le moment. Au contraire, elle nourrit la colère des protestataires qui se disent déterminés à poursuivre le combat malgré les risques.

Une jeunesse en première ligne

Si le mouvement “Occupy Parliament” a pris de court les autorités par son ampleur, c’est sans doute parce qu’il est porté en grande partie par la jeunesse kényane. Une génération qui se sent abandonnée et privée d’avenir, un an après l’élection de William Ruto qui avait largement axé sa campagne sur les moins de 30 ans.

Aujourd’hui, beaucoup ont le sentiment d’avoir été trompés et entendent bien le faire savoir, quitte à braver la répression policière. Dans les manifestations, on peut voir de nombreux drapeaux kényans, entendre siffler et scander des slogans hostiles au gouvernement.

Ruto n’a jamais tenu ses promesses, même de fournir du travail aux jeunes. Nous sommes fatigués. Qu’il parte !

Stephanie Wangari, manifestante de 24 ans au chômage

Un mouvement qui s’étend

Parti de la capitale, le mouvement “Occupy Parliament” s’est progressivement étendu à d’autres villes du pays. Des manifestations ont eu lieu à Mombasa, Kisumu, Eldoret ou encore Nakuru, souvent sans rencontrer d’opposition policière.

Cette propagation témoigne d’un mécontentement qui va bien au-delà de la seule question du budget. C’est tout un modèle de développement et de gouvernance qui est remis en cause, en particulier par une jeunesse qui aspire à des changements profonds.

Quelle issue à la crise ?

Pour l’heure, l’exécutif kényan semble camper sur ses positions. Le président Ruto s’est dit prêt au dialogue mais le budget doit être adopté avant la fin du mois. Côté manifestants, pas question de renoncer sans avoir obtenu le retrait total du texte et des gages sur un changement de cap politique.

Cette crise inédite met en lumière les profondes fractures économiques et générationnelles qui traversent la société kényane. À moins d’un an de son arrivée au pouvoir, William Ruto se retrouve confronté à un véritable défi. Sa capacité à y répondre de façon apaisée et à convaincre la jeunesse sera décisive pour la suite de son mandat.

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