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Expulsions Haïtiennes : Crise Économique en République Dominicaine

La République dominicaine expulse massivement les Haïtiens, mais à quel prix pour son économie ? Les champs de bananes et le BTP vacillent. Que va-t-il se passer ?

Imaginez-vous dans la chaleur écrasante d’un champ de bananes, où le silence remplace le bruit des travailleurs. En République dominicaine, cette image devient réalité. Les expulsions massives d’Haïtiens, main-d’œuvre essentielle, bouleversent l’économie locale. Comment un pays peut-il prospérer en chassant ceux qui soutiennent ses secteurs clés ?

Une Économie Fragilisée par les Expulsions

La République dominicaine, partageant l’île d’Hispaniola avec Haïti, dépend fortement des travailleurs haïtiens. Ces derniers, souvent sans papiers, occupent des emplois dans l’agriculture, le tourisme et le bâtiment. Pourtant, une politique migratoire stricte, renforcée depuis 2020, met en péril ces secteurs. Plus de 200 000 Haïtiens ont été expulsés au premier semestre 2025, un chiffre vertigineux qui laisse des champs et des chantiers à l’abandon.

L’Agriculture Dominicaine en Crise

Dans les plantations de bananes de Mao, au nord-ouest du pays, les travailleurs dominicains se font rares. Le travail, jugé trop pénible pour un salaire de 800 pesos par jour (environ 14 dollars), attire principalement les Haïtiens. Mais avec les expulsions, les effectifs ont chuté de plus de 50 % dans certaines zones. Les bananes, un produit d’exportation clé vers l’Europe et les États-Unis, souffrent déjà d’une baisse de production de 44 % entre 2021 et 2024, aggravée par des conditions météorologiques défavorables et des coûts croissants.

Ici, les effectifs ont diminué de plus de 50 % à cause des expulsions.

Osvaldo Pineo, producteur de bananes

Les producteurs, comme Osvaldo Pineo, décrivent une situation chaotique. Les ouvriers haïtiens, désormais surnommés travailleurs nomades, se déplacent constamment pour éviter les contrôles. Cette instabilité rend la planification des récoltes presque impossible, menaçant la survie des exploitations.

Le BTP et le Tourisme en Souffrance

Le secteur du bâtiment, un pilier de l’économie dominicaine, n’échappe pas à la crise. Les opérations de rapatriement désordonnées ont réduit la main-d’œuvre disponible de 40 à 80 % dans certaines régions. Les chantiers ralentissent, les délais s’allongent, et les coûts explosent. Dans le tourisme, des métiers comme la cuisine, souvent occupés par des Haïtiens, peinent à trouver des remplaçants. Cette pénurie affecte la qualité des services, un risque majeur pour un secteur clé du PIB dominicain.

Fait marquant : L’association des constructeurs propose la délivrance de 87 000 permis de travail temporaires pour pallier la pénurie de main-d’œuvre dans le BTP.

Une Politique Migratoire Controversée

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Luis Abinader en 2020, la République dominicaine a durci sa politique migratoire. Un mur frontalier avec Haïti, des contrôles accrus et des expulsions massives sont au cœur de cette stratégie. Même les femmes haïtiennes venant d’accoucher n’échappent pas aux arrestations, une mesure qui choque par son inhumanité. Cette fermeté, bien que populaire auprès de certains électeurs, fragilise l’économie en privant le pays de travailleurs essentiels.

Face à cette situation, des voix s’élèvent pour demander une régularisation. Les producteurs de bananes estiment avoir besoin de 15 000 ouvriers haïtiens pour maintenir leurs activités. Pourtant, le gouvernement reste inflexible, refusant pour l’instant tout assouplissement.

La Peur au Quotidien pour les Haïtiens

Pour les travailleurs haïtiens comme Agamise Cheranfant, 33 ans, la vie en République dominicaine est devenue un cauchemar. Contraints de se cacher après leurs journées de travail, ils vivent dans la peur constante d’être arrêtés. « Nous fuyons le matin, la nuit, à trois heures, une heure du matin. Tu dors avec la peur, tu manges avec la peur », confie-t-il. Cette angoisse permanente affecte leur productivité et leur santé mentale.

Nous ne pouvons pas vivre tranquilles.

Agamise Cheranfant, ouvrier haïtien

Cette situation est d’autant plus dramatique que beaucoup d’Haïtiens fuient la violence extrême de leur pays, où des gangs sèment la terreur. Près de 1,3 million de personnes ont été déplacées à l’intérieur d’Haïti, selon l’ONU, poussant de nombreux habitants à chercher refuge chez leur voisin dominicain.

Un Risque pour les Employeurs

Les employeurs dominicains ne sont pas épargnés par les conséquences de cette politique. Transporter des travailleurs sans papiers peut entraîner des accusations de trafic de personnes, un risque juridique et financier non négligeable. Cette menace dissuade certains d’embaucher des Haïtiens, aggravant encore la pénurie de main-d’œuvre.

Secteur Impact des Expulsions Solutions Proposées
Agriculture (Bananes) Baisse de 50 % des effectifs 15 000 permis de travail
BTP Pénurie de 40 à 80 % 87 000 permis temporaires
Tourisme Pénurie dans la restauration Régularisation des travailleurs

Vers une Solution Durable ?

Face à cette crise, des solutions émergent. Les associations professionnelles plaident pour une régularisation des travailleurs haïtiens, essentielle pour stabiliser l’économie. Un plan de permis de travail temporaires pourrait permettre de retenir cette main-d’œuvre indispensable tout en respectant les exigences migratoires. Cependant, l’absence de volonté politique freine ces initiatives, laissant les secteurs économiques dans l’incertitude.

En attendant, les champs de bananes se vident, les chantiers s’arrêtent, et les travailleurs haïtiens vivent dans la peur. La République dominicaine doit-elle choisir entre sa politique migratoire et sa prospérité économique ? L’avenir nous le dira.

En résumé :

  • Plus de 200 000 Haïtiens expulsés en 2025.
  • Chute de 50 % des effectifs dans l’agriculture.
  • Pénurie de main-d’œuvre dans le BTP et le tourisme.
  • Propositions de régularisation : 87 000 permis pour le BTP, 15 000 pour l’agriculture.

La situation actuelle met en lumière un dilemme complexe. La République dominicaine, en durcissant sa politique migratoire, protège-t-elle ses intérêts ou scie-t-elle la branche sur laquelle elle repose ? Les mois à venir seront décisifs pour l’économie de l’île.

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