En août 2020, un nom jusque-là méconnu surgit dans l’actualité malienne : Assimi Goïta. Cet officier des forces spéciales, alors âgé de 37 ans, orchestre un coup d’État qui renverse le président Ibrahim Boubacar Keïta. Cinq ans plus tard, celui qui promettait une transition démocratique rapide s’installe durablement au pouvoir, défiant les attentes et modifiant les règles du jeu politique. Comment un homme de terrain, discret et énigmatique, a-t-il pu redessiner l’avenir du Mali ? Cet article plonge dans le parcours de Goïta, ses choix controversés et les défis colossaux auxquels son pays fait face.
Du Putsch à la Présidence : L’Ascension d’Assimi Goïta
Le 18 août 2020 marque un tournant pour le Mali. Ce jour-là, Assimi Goïta, chef d’un bataillon des forces spéciales, mène un coup d’État qui met fin au régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, accusé d’incurie face à la crise sécuritaire et économique. Dans une allocution, Goïta justifie son acte en plaçant le Mali au-dessus de tout :
« Nous avons mis le pays au-dessus, le Mali d’abord. »
Assimi Goïta, août 2020
Onze mois plus tard, en mai 2021, il récidive avec un second putsch, évinçant les dirigeants de la transition politique. À seulement 38 ans, il s’autoproclame chef de l’État, consolidant son emprise sur un pays en proie à l’instabilité. Ce passage éclair du terrain militaire au sommet du pouvoir intrigue : qui est vraiment cet homme au béret vert ?
Un Officier Discret aux Ambitions Floues
Né dans une famille de militaires, Assimi Goïta suit un parcours classique au Mali. Formé au Prytanée militaire de Kati, puis à l’école militaire interarmes de Koulikoro, il fait ses armes dans le nord du pays, confronté aux indépendantistes touaregs et aux groupes jihadistes. De Gao à Kidal, en passant par Tombouctou, il gravit les échelons, gagnant le respect de ses pairs pour son engagement sur le terrain.
Son allure athlétique et sa démarche assurée trahissent son passé de combattant. Pourtant, Goïta reste un mystère. Ses prises de parole, rares et mesurées, insistent sur l’intérêt national. Mais ses actions racontent une autre histoire : celle d’un homme qui, selon un diplomate africain, « voulait absolument rester au pouvoir » dès le départ.
Un homme de terrain, mais aussi un stratège politique ? Goïta cultive une image d’austérité, mais ses décisions révèlent une ambition calculée.
La Fin des Promesses Démocratiques
Lors de son arrivée au pouvoir, la junte promet une transition vers un gouvernement civil d’ici mars 2024. Cette échéance, largement relayée, suscite l’espoir d’un retour à la stabilité. Mais en 2025, ces engagements s’effondrent. Goïta obtient un mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable sans limite et sans élection. Cette décision, votée par le régime militaire, marque un virage autoritaire.
Le Mali, déjà fragilisé par des années de conflit, voit ses libertés se réduire. Les médias, notamment étrangers, sont suspendus ou censurés. Les opposants politiques sont emprisonnés, et les partis dissous. Cette répression systématique soulève une question : Goïta agit-il par patriotisme ou par soif de pouvoir ?
Une Crise Sécuritaire Persistante
Si Goïta s’est imposé comme un leader fort, la situation sécuritaire reste alarmante. Malgré la reprise de Kidal en 2023, bastion des indépendantistes touaregs, les groupes jihadistes et criminels continuent de semer la terreur. Des centaines, voire des milliers de civils, périssent chaque année. L’armée malienne, épaulée par des mercenaires russes, est régulièrement accusée d’exactions.
Voici les principaux défis sécuritaires auxquels le Mali fait face :
- Propagation jihadiste : Les groupes armés contrôlent de vastes zones rurales.
- Exactions militaires : Les accusations contre l’armée et ses alliés russes se multiplient.
- Instabilité régionale : Le nord reste un foyer de tensions avec les Touaregs.
Ces défis, loin d’être résolus, fragilisent davantage un pays en crise économique chronique.
Un Tournant Géopolitique Audacieux
L’un des marqueurs du règne de Goïta est la rupture avec les partenaires traditionnels du Mali. En 2022, il met fin à l’alliance avec la France, critiquée pour son inefficacité face au jihadisme. La mission de l’ONU, Minusma, est également poussée vers la sortie. À leur place, Goïta se tourne vers la Russie, renforçant les liens militaires et politiques.
Ce virage s’accompagne de la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) avec le Burkina Faso et le Niger, deux autres pays dirigés par des juntes militaires. Goïta, président en exercice de l’AES, incarne une volonté de souveraineté régionale face à l’influence occidentale. Mais ce choix divise : si certains y voient un acte de courage, d’autres craignent un isolement diplomatique.
Partenaires | Avant 2022 | Après 2022 |
---|---|---|
France | Allié militaire clé | Rupture des relations |
Russie | Présence limitée | Partenaire stratégique |
ONU (Minusma) | Mission de stabilisation | Retrait complet |
Un Leader Populaire Malgré les Critiques
Malgré les controverses, Goïta conserve une base populaire. Ses partisans saluent son discours sur la souveraineté nationale et son image d’homme simple, loin des fastes du pouvoir. « C’est un homme de terrain, pas un politicien de salon », confie un officier malien. Cette popularité, toutefois, repose sur un équilibre fragile, alors que la crise économique s’aggrave et que les libertés reculent.
Le Mali d’aujourd’hui est à un carrefour. Goïta, en s’octroyant un pouvoir quasi illimité, parie sur une vision autoritaire pour redresser le pays. Mais sans progrès significatifs sur le front sécuritaire et économique, son pari pourrait se retourner contre lui.
Quel Avenir pour le Mali ?
Le Mali d’Assimi Goïta est un paradoxe. D’un côté, il incarne une volonté de rupture avec un passé marqué par l’instabilité et l’ingérence étrangère. De l’autre, ses choix autoritaires et ses alliances controversées interrogent. La crise jihadiste, l’isolement diplomatique et les difficultés économiques pèsent lourd sur l’avenir du pays.
Goïta réussira-t-il à stabiliser le Mali, ou son règne marquera-t-il une nouvelle ère de turbulences ? Seule l’histoire le dira, mais une chose est sûre : le général au béret vert a redéfini les contours du pouvoir malien, pour le meilleur ou pour le pire.
Le Mali, entre espoir de souveraineté et ombre de l’autoritarisme, reste un pays à la croisée des chemins.