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Mali : Un Pouvoir Militaire Sans Limite Pour Goïta

La junte malienne accorde un pouvoir illimité à Assimi Goïta, sans élection. Quelles conséquences pour le Mali et la région ? Découvrez les dessous de cette décision...

Dans un Mali en proie à une instabilité chronique, une décision récente de la junte militaire au pouvoir marque un tournant décisif. Le général Assimi Goïta, à la tête du pays depuis les coups d’État de 2020 et 2021, s’est vu attribuer un mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable indéfiniment, sans passer par la case électorale. Cette mesure, adoptée à l’unanimité par l’organe législatif de la junte, soulève des questions cruciales sur l’avenir démocratique du pays et la stabilité de la région sahélienne. Alors que le Mali s’éloigne de ses anciens partenaires occidentaux pour se rapprocher de la Russie et de ses voisins du Sahel, que signifie ce virage autoritaire pour les Maliens et pour l’équilibre géopolitique ?

Un Mandat Présidentiel Sans Fin

Le Mali traverse une période tumultueuse depuis plus d’une décennie, marquée par une crise sécuritaire persistante et des violences jihadistes. Dans ce contexte, la junte militaire, arrivée au pouvoir par des coups d’État successifs, a décidé de consolider son emprise. Une nouvelle loi, votée par le Conseil national de transition (CNT), organe législatif contrôlé par les militaires, octroie au général Assimi Goïta un mandat de président de la République d’une durée initiale de cinq ans. Ce mandat, renouvelable « autant de fois que nécessaire » jusqu’à la « pacification du pays », marque un abandon clair des promesses de transition démocratique initialement formulées.

Le vote, qui a réuni 131 membres du CNT, s’est déroulé à l’unanimité, une formalité dans un organe acquis à la cause de la junte. Une fois promulguée par Goïta lui-même, la loi entérinera son passage de président de transition à président de la République, un titre qui légitime davantage son autorité. Mais ce n’est pas tout : le texte permet également aux membres du gouvernement et du CNT de se présenter à de futures élections présidentielles et générales, renforçant l’emprise des militaires sur le paysage politique.

« Il s’agit d’une avancée majeure dans la refondation du Mali », a déclaré Malick Diaw, président du CNT, après le vote.

Un Contexte de Répression Croissante

Cette décision s’inscrit dans une série de mesures visant à museler toute opposition. Depuis leur arrivée au pouvoir, les militaires maliens ont multiplié les restrictions aux libertés. Récemment, la junte a annoncé la dissolution des partis politiques et des organisations à caractère politique, interdisant également leurs réunions. Cette répression s’aligne sur des dynamiques similaires observées dans les pays voisins, comme le Niger et le Burkina Faso, également dirigés par des juntes militaires.

Un rare rassemblement de partis politiques, organisé début mai à Bamako, avait dénoncé ces dérives autoritaires. Sous haute surveillance policière, cette manifestation a réuni plusieurs centaines de personnes, un événement exceptionnel dans un climat où toute voix discordante est systématiquement étouffée. La junte justifie ces mesures par la nécessité de stabiliser le pays, mais pour beaucoup, elles traduisent une volonté de pérenniser un pouvoir militaire sans contrôle démocratique.

Une Transition Sans Fin ?

Lors de leur prise de pouvoir, les militaires s’étaient engagés à rendre le pouvoir aux civils d’ici mars 2024. Cette promesse a été rompue, et la nouvelle loi prolonge la transition jusqu’en 2030 au minimum, sans garantie d’élections. Cette décision découle des recommandations d’une concertation nationale organisée en avril, boycottée par la plupart des partis politiques mais soutenue par les alliés du régime. Ce dialogue, présenté comme une expression de la « volonté populaire », a servi de prétexte pour justifier la consolidation du pouvoir militaire.

Résumé des mesures clés de la junte :

  • Mandat présidentiel de 5 ans renouvelable pour Assimi Goïta.
  • Dissolution des partis politiques et interdiction de leurs réunions.
  • Transition prolongée jusqu’en 2030 sans élection prévue.
  • Éligibilité des militaires aux futures élections.

Un Mali au Cœur d’une Crise Multiforme

Depuis 2012, le Mali est englué dans une crise sécuritaire complexe, alimentée par les violences des groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique, ainsi que par des conflits communautaires. Ces violences, qui ensanglantent le pays, ont justifié l’intervention de forces étrangères, notamment françaises, jusqu’à ce que la junte rompe ces partenariats au profit de mercenaires russes d’Africa Corps. Cependant, ces derniers sont régulièrement accusés d’exactions contre les civils, compliquant davantage la situation.

La crise malienne ne se limite pas à la sécurité. Elle est aussi politique, économique et sociale. La dissolution des partis et la restriction des libertés politiques risquent d’aggraver les tensions dans un pays où la population, épuisée par des années de conflit, aspire à la stabilité. En l’absence d’un processus électoral clair, la légitimité du pouvoir militaire est de plus en plus contestée, même si la répression empêche l’expression de ces critiques.

L’Alliance des États du Sahel : Une Région sous Influence Militaire

Le Mali ne navigue pas seul dans cette dérive autoritaire. Avec le Niger et le Burkina Faso, il forme l’Alliance des États du Sahel (AES), une confédération de pays dirigés par des juntes militaires. Ces trois nations ont adopté des trajectoires similaires : prise de pouvoir par des coups d’État, dissolution ou suspension des partis politiques, et prolongement indéfini des transitions. Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré a prolongé sa transition de cinq ans en mai 2024, tandis qu’au Niger, le général Abdourahamane Tiani s’est autoproclamé président pour une durée minimale de cinq ans.

Cette alliance marque un tournant géopolitique majeur. En tournant le dos à leurs anciens partenaires occidentaux, notamment la France, ces pays se rapprochent de la Russie et de ses mercenaires. Ce repositionnement reflète une volonté de souveraineté, mais il soulève des questions sur les implications pour la stabilité régionale. L’AES, présentée comme un rempart contre l’insécurité, peine à enrayer les violences jihadistes, tandis que les régimes militaires renforcent leur contrôle interne.

Quelles Perspectives pour le Mali ?

La consolidation du pouvoir d’Assimi Goïta et de la junte militaire pose des défis majeurs pour l’avenir du Mali. Sans élections prévues avant 2030, le pays risque de s’enfoncer dans un régime autoritaire durable, éloignant les espoirs d’une gouvernance démocratique. La répression des partis politiques et des libertés fondamentales limite les possibilités de dialogue et d’opposition, tandis que la crise sécuritaire continue de faire des ravages.

Pourtant, certains soutiennent que la junte répond à un besoin de stabilité dans un contexte chaotique. La « refondation » du Mali, vantée par le président du CNT, repose sur l’idée d’une pacification préalable à toute transition démocratique. Mais cette pacification, dans un pays miné par des violences multiformes, semble encore lointaine. En attendant, la population malienne, confrontée à des défis quotidiens, observe avec inquiétude ce virage autoritaire.

Pays Dirigeant Transition
Mali Assimi Goïta 5 ans renouvelables (2030 min)
Burkina Faso Ibrahim Traoré 5 ans (depuis mai 2024)
Niger Abdourahamane Tiani 5 ans minimum

Un Équilibre Régional Fragile

La situation au Mali ne peut être isolée de celle de ses voisins. L’Alliance des États du Sahel ambitionne de coordonner les efforts contre l’insécurité, mais les régimes militaires peinent à obtenir des résultats concrets. Les accusations d’exactions par les mercenaires russes et les armées nationales alimentent le mécontentement populaire, tandis que l’absence de processus démocratique fragilise la légitimité de ces gouvernements. Dans ce contexte, la région risque de s’enliser dans une instabilité chronique, où les juntes consolident leur pouvoir au détriment des aspirations démocratiques.

Le Mali, comme ses voisins, se trouve à un carrefour. La consolidation du pouvoir militaire peut-elle réellement apporter la stabilité promise, ou ne fait-elle qu’aggraver une crise déjà profonde ? Les prochaines années seront déterminantes pour l’avenir du pays et de la région sahélienne.

En conclusion, la décision d’accorder un mandat illimité à Assimi Goïta marque un tournant dans l’histoire récente du Mali. Alors que la junte militaire resserre son emprise, les espoirs d’une transition démocratique s’amenuisent. Dans un pays en proie à des crises multiples, l’avenir reste incertain, et les Maliens attendent des réponses concrètes à leurs aspirations de paix et de justice.

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