Comment une attaque de colons juifs contre des soldats israéliens peut-elle provoquer une onde de choc dans un pays où la colonisation est souvent soutenue sans réserve ? En Cisjordanie occupée, un événement récent a bouleversé les lignes politiques, jusqu’à susciter des réactions inattendues de l’extrême droite. Ce conflit, survenu dans la nuit de dimanche à lundi, met en lumière des tensions profondes entre sécurité nationale, idéologie coloniale et respect de la loi. Plongeons dans cette crise qui secoue Israël et interroge les dynamiques complexes du territoire.
Une Attaque Inédite Contre l’Armée
Dans la nuit du dimanche au lundi, plusieurs dizaines de civils israéliens, identifiés comme des colons, ont attaqué une base militaire en Cisjordanie. Des véhicules ont été vandalisés, des installations endommagées, et des forces de sécurité prises pour cible. Cet acte, loin d’être anodin, a choqué par son audace : s’en prendre à l’armée, institution quasi sacrée en Israël, est une démarche rare, même pour les colons les plus radicaux.
Cet incident semble être une réponse à une opération militaire survenue 48 heures plus tôt. Lors de cette opération, des soldats ont arrêté six colons près d’un village où trois Palestiniens avaient été tués le 24 juin lors d’une descente de colons. Cette arrestation a visiblement exacerbé les tensions, poussant certains à franchir une ligne jusqu’alors rarement dépassée.
« Aucun pays respectueux des lois ne peut tolérer des actes violents et anarchiques. »
Premier ministre israélien
La réaction du Premier ministre, condamnant fermement ces violences, reflète l’ampleur du scandale. Mais ce qui surprend davantage, c’est l’écho de cette indignation dans les rangs de l’extrême droite, traditionnellement favorable aux colons.
L’Extrême Droite Face à un Dilemme
Figure emblématique de l’extrême droite israélienne, le ministre de la Sécurité nationale, connu pour son soutien aux colons, a surpris en qualifiant l’attaque contre l’armée de ligne rouge. Ce ministre, avocat de formation, s’est souvent illustré en défendant des colons accusés d’agressions contre des Palestiniens. Pourtant, face à cette attaque contre des soldats, il a adopté un ton ferme, exigeant une réponse sévère.
Un autre leader de l’extrême droite, ministre des Finances, a également dénoncé ces actes comme inacceptables. Cette unanimité, bien que tardive pour certains, marque un tournant. Comme l’explique Simon Perry, expert en sécurité et professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem :
« Les émeutiers ont dépassé bronzes limites. »
Simon Perry, expert en sécurité
Mais cette indignation est-elle sincère ? Pour Nimrod Goren, spécialiste des relations internationales, les leaders d’extrême droite jouent un double jeu. Si les violences contre les Palestiniens passent souvent sous silence, celles contre les soldats suscitent une réaction immédiate, car elles touchent directement à l’image de l’État et de ses institutions.
Point clé : L’attaque contre l’armée met en lumière une fracture au sein de l’extrême droite, partagée entre son soutien aux colons et la nécessité de préserver l’ordre public.
Un Contexte de Violences Croissantes
La Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967, est un territoire marqué par des tensions permanentes. Depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023, déclenchée par une attaque du Hamas, les violences se sont intensifiées. Selon les données de l’Autorité palestinienne, au moins 947 Palestiniens ont été tués par des soldats ou des colons en Cisjordanie, incluant des combattants mais aussi de nombreux civils. De l’autre côté, 35 Israéliens, civils et membres des forces de sécurité, ont perdu la vie dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires.
Ces chiffres traduisent une escalade dramatique. Les colonies, où vivent environ 500 000 Israéliens parmi trois millions de Palestiniens, sont souvent au cœur des tensions. Considérées comme illégales par le droit international selon l’ONU, elles alimentent un cycle de violence où les agressions de colons extrémistes contre des Palestiniens sont fréquentes, mais rarement condamnées par les autorités.
La Détention Administrative en Question
Un élément clé de cette crise est la décision prise en novembre 2024 par le ministre de la Défense de mettre fin à la détention administrative pour les colons israéliens. Cette mesure, qui permet une garde à vue prolongée sans inculpation formelle, reste en vigueur pour les Palestiniens. Cette disparité a suscité des critiques, certains médias israéliens estimant qu’elle a encouragé une vague d’attaques de colons contre des Palestiniens.
Face à la montée des violences, le ministre de la Défense a maintenu sa position, tout en annonçant la création d’une force conjointe avec la police et le Shin Bet pour contrer ces actes. Cette décision, prise contre l’avis de l’agence de sécurité intérieure, illustre les tensions au sein même du gouvernement.
Statistiques des violences en Cisjordanie (depuis octobre 2023) | Nombre |
---|---|
Palestiniens tués | 947 |
Israéliens tués | 35 |
Colons israéliens en Cisjordanie | ~500 000 |
Une Condamnation à Géométrie Variable ?
Si l’attaque contre l’armée a suscité une indignation quasi unanime, les violences des colons contre les Palestiniens continuent de passer sous silence. Comme le souligne Nimrod Goren, cette indignation sélective révèle une hiérarchie dans les priorités politiques. Les soldats, perçus comme les garants de la sécurité nationale, bénéficient d’un soutien quasi inconditionnel, tandis que les agressions contre les Palestiniens sont souvent minimisées.
Cette situation met en lumière une contradiction au sein de l’extrême droite : comment soutenir les colons tout en condamnant leurs excès lorsqu’ils menacent l’ordre établi ? Pour certains analystes, cette crise pourrait marquer un tournant, obligeant les leaders à clarifier leur position.
Les Colons et la Loi : Une Relation Ambiguë
Les dirigeants des colons eux-mêmes ont pris leurs distances avec les violences contre l’armée. Un ancien maire d’une colonie importante a appelé à respecter la loi, insistant sur le fait que ces actes ne représentent pas la majorité des colons. Cette déclaration vise à préserver l’image d’un mouvement souvent critiqué pour ses dérives.
Pourtant, la question des colonies reste un sujet brûlant. Leur expansion, jugée illégale par la communauté internationale, alimente un cycle de violences qui semble sans fin. Les colons, installés au cœur de la Cisjordanie, vivent dans un environnement où les tensions avec les Palestiniens sont quotidiennes.
En résumé : Les violences en Cisjordanie révèlent des fractures profondes, non seulement entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi au sein de la société israélienne elle-même.
Vers une Réponse Durable ?
Face à cette crise, les autorités israéliennes sont sous pression pour agir. La création d’une force conjointe entre la police et le Shin Bet vise à endiguer les violences, mais son efficacité reste à prouver. La décision de maintenir la fin de la détention administrative pour les colons, malgré les critiques, pourrait compliquer les efforts pour rétablir l’ordre.
Pour les observateurs, cette crise dépasse le cadre d’un simple incident. Elle interroge la capacité d’Israël à concilier ses ambitions territoriales avec le respect de la loi et la sécurité de tous. Alors que les violences continuent, la question demeure : comment sortir de ce cycle infernal ?
En attendant, la Cisjordanie reste un territoire sous haute tension, où chaque incident peut raviver des blessures anciennes. Cette attaque contre l’armée, bien que condamnée, n’est peut-être qu’un symptôme d’un malaise plus profond, qui touche à l’essence même du conflit israélo-palestinien.