Chaque été, les boutiques des clubs de football débordent de nouveaux maillots, tous plus flamboyants les uns que les autres. Mais que se passe-t-il quand certains clubs décident de briser ce cycle effréné de consommation en réutilisant leurs tenues de la saison précédente ? Cette tendance, adoptée par des équipes comme celles de Laval, Brentford ou encore Saint-Gilloise, soulève des questions brûlantes : est-ce un véritable pas vers un football durable ou une simple façade écologique ? Plongeons dans les coulisses de cette révolution textile.
Le Football Face à Son Empreinte Carbone
Le marché des maillots de football pèse lourd : près de 4 milliards de dollars en 2024, selon les estimations. Entre les tenues domicile, extérieur, third, fourth, et même les éditions spéciales, les clubs rivalisent d’ingéniosité pour séduire les supporters. Mais ce foisonnement a un coût environnemental colossal. La production textile, souvent réalisée à l’autre bout du monde, génère des émissions de CO2 faramineuses, sans parler des invendus qui finissent parfois détruits.
Face à ce constat, certains clubs prennent le contre-pied. En Ligue 2, un club mayennais a surpris ses supporters en annonçant qu’il conserverait ses maillots pour une deuxième saison consécutive. Une démarche similaire est observée à l’étranger, où des équipes comme Brentford ou Luton Town alternent la reconduction de leurs tenues domicile et extérieur sur deux ans. Même un géant comme le PSG s’y met, en réutilisant son maillot extérieur pour 2025-2026.
« À chaque début de saison, on fait fabriquer des maillots en Asie qui font le tour du monde. Le bilan carbone est catastrophique. »
Un président de club de Ligue 2
Un Geste Écologique Sincère ?
À première vue, réutiliser un maillot semble être une réponse évidente aux enjeux climatiques. En prolongeant la durée de vie des équipements, les clubs réduisent la fréquence de production et, par extension, leur empreinte carbone. Par exemple, un club belge, champion en titre, a décidé de limiter sa production à une fois tous les deux ans, une stratégie appliquée à toutes ses équipes, des pros aux amateurs. Cette approche permettrait de diminuer les invendus, estimés entre 10 et 15 % par collection.
Mais ce choix est-il vraiment altruiste ? Si l’écologie est mise en avant, d’autres motivations se dessinent en filigrane. Pour les clubs de moindre envergure, comme celui de Laval, la reconduction des maillots représente une économie non négligeable. « Nos invendus sont problématiques, car on produit de la valeur qu’on finit par détruire », confie un dirigeant. Avec seulement 1 500 maillots vendus par saison, chaque stock excédentaire pèse lourd dans un budget où le merchandising ne représente que 2 % des revenus.
Les chiffres clés du merchandising footballistique
- 3,8 milliards de dollars : valeur du marché des maillots en 2024.
- 92 € : prix moyen d’un maillot de Ligue 1 sans flocage.
- 10 à 15 % : part des invendus par collection.
- 19 % : part des équipements dans les émissions de CO2 du football français.
Un Marché Saturé, une Stratégie Marketing
Si les petits clubs y voient un intérêt économique, les grandes écuries, elles, continuent de multiplier les collections. Pourquoi ? Parce que le merchandising reste une manne financière cruciale dans un contexte où les stades sont pleins et les droits TV stagnent. « Les revenus classiques des clubs sont saturés. Le merchandising offre une perspective d’évolution », explique un expert en marketing sportif. Les tournées internationales en Asie ou en Amérique amplifient cette stratégie, permettant de toucher un public mondial.
Cette course à la nouveauté n’est pas sans risque. Les invendus, bien que limités à 10-15 %, représentent une perte sèche. De plus, la multiplication des maillots – domicile, extérieur, third, fourth, et même éditions spéciales – fatigue certains supporters. « On veut du neuf, mais pas tous les ans », témoigne un fan belge. Les clubs qui optent pour la reconduction des maillots jouent donc une carte stratégique : répondre à cette lassitude tout en se parant d’une image écoresponsable.
Les Limites d’un Geste Symbolique
Si prolonger la vie d’un maillot est un pas dans la bonne direction, cela suffit-il à transformer le football en modèle de durabilité ? Pas vraiment. Les équipements ne représentent que 19 % des 1,8 million de tonnes de CO2 émises annuellement par le football en France, amateurs et pros confondus. L’essentiel de l’impact carbone provient de la fabrication, souvent délocalisée en Asie. « 70 % de l’empreinte carbone des articles de sport est liée à leur production », souligne un rapport récent sur la décarbonation du sport.
« Prolonger la durée de vie des produits est un premier pas important, mais il faut relocaliser la production en Europe. »
Un expert en décarbonation du sport
Relocaliser la production semble être la prochaine étape. Certains clubs, comme celui de Laval, explorent des solutions, comme la création d’un maillot fabriqué au Portugal en hommage à un ancien coach emblématique. Cette initiative, en plus de séduire les supporters, pourrait réduire l’impact environnemental tout en valorisant un savoir-faire local.
Les Supporters, Entre Frustration et Approbation
Pour les fans, la reconduction des maillots est à double tranchant. D’un côté, ils regrettent l’absence de nouveauté, un rituel qui rythme leur passion. « On aime avoir un maillot estampillé de la nouvelle saison », confie un supporter mayennais. De l’autre, beaucoup saluent l’initiative écologique, surtout dans un contexte où les préoccupations environnementales gagnent du terrain. « C’est cohérent avec les enjeux d’aujourd’hui », ajoute-t-il.
Les clubs doivent donc jongler entre innovation et durabilité, tout en tenant compte des attentes des sponsors et des équipementiers. Ces derniers, comme Nike pour le club belge, imposent parfois des contraintes contractuelles qui limitent les marges de manœuvre. Pourtant, certains y voient une opportunité de repenser leur modèle, en impliquant davantage les supporters dans la création des maillots pour garantir leur adhésion.
Club | Stratégie | Impact |
---|---|---|
Laval | Reconduction des maillots sur deux saisons | Réduction des invendus et des coûts |
Saint-Gilloise | Production tous les deux ans | Moins de gaspillage pour toutes les équipes |
PSG | Reconduction du maillot extérieur | Limitation de l’impact carbone |
Vers une Nouvelle Ère pour le Football ?
La réutilisation des maillots n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des émissions du football. Les déplacements des équipes, les infrastructures énergivores et les tournées internationales pèsent bien plus lourd dans la balance. Pourtant, ce geste symbolique pourrait inspirer des changements plus profonds. En sensibilisant les supporters et en poussant les équipementiers à repenser leurs pratiques, les clubs pourraient ouvrir la voie à un modèle plus responsable.
Certains imaginent déjà des maillots modulables, où seuls les sponsors ou les détails changeraient d’une saison à l’autre. D’autres prônent une production locale, plus coûteuse mais infiniment plus durable. « Il faut repenser tout le cycle de vie du maillot », insiste un spécialiste de la décarbonation. Cette réflexion dépasse le cadre du football et touche à la consommation responsable dans le sport en général.
En attendant, les clubs qui osent « remouiller le maillot » envoient un signal fort. Ils prouvent qu’il est possible de concilier passion, économie et écologie, même dans un univers aussi compétitif que le football. Reste à savoir si cette tendance s’imposera comme une norme ou restera l’apanage de quelques pionniers. Une chose est sûre : le ballon rond n’a pas fini de nous surprendre.
Et si le football devenait un modèle de durabilité ? Les initiatives d’aujourd’hui pourraient bien redessiner le sport de demain.