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Danse Orientale Égyptienne : Un Héritage à Reconquérir

En Égypte, la danse orientale renaît grâce à une nouvelle génération. Entre stigmatisation et héritage, comment cet art retrouve-t-il sa place ? Découvrez un mouvement culturel captivant...

Imaginez une danseuse évoluant avec grâce, ses mouvements fluides capturant l’essence d’une culture millénaire. En Égypte, la danse orientale, ou danse baladi, est bien plus qu’un art du spectacle : elle est un miroir de l’âme égyptienne. Pourtant, cet art ancestral, jadis célébré dans les films de l’âge d’or égyptien, souffre aujourd’hui d’une stigmatisation tenace. Dans une société de plus en plus conservatrice, une nouvelle génération de danseuses s’efforce de redonner à cette pratique sa noblesse d’antan, luttant contre les préjugés pour en faire un symbole de fierté nationale. Comment cet art, ancré dans l’histoire, peut-il reconquérir sa place sur la scène culturelle mondiale ?

Un Art Ancestral Face à la Stigmatisation

La danse orientale, souvent appelée danse du ventre à l’étranger, est un pilier de la culture égyptienne. Ses origines remontent à des temps immémoriaux, bien avant les fastes du cinéma égyptien des années 1940 et 1950. À cette époque, des icônes comme Tahiya Carioca ou Naïma Akef incarnaient la grâce et la puissance de cet art, captivant les foules par leurs performances. Cependant, au fil des décennies, la perception de la danse a changé. Reléguée aux boîtes de nuit et aux soirées de mariage, elle a perdu son aura culturelle, souvent associée à des connotations négatives.

Dans une société égyptienne marquée par un conservatisme croissant, les danseuses font face à un défi de taille : le regard du public. Safy Akef, enseignante de danse et descendante de la légendaire Naïma Akef, exprime cette réalité avec amertume :

« Aucune femme ne peut être danseuse du ventre de nos jours et être respectée. Une fois le spectacle terminé, le public ne te respecte pas, il te réduit à un objet. »

Safy Akef, enseignante de danse

Ce constat illustre une fracture culturelle. La danse, autrefois célébrée comme une expression artistique, est aujourd’hui souvent perçue comme provocante, voire immorale. Cette stigmatisation est en partie le fruit d’une société qui évolue vers plus de rigorisme, mais aussi d’une influence historique extérieure.

Les Racines Historiques de la Danse Baladi

Pour comprendre la danse orientale, il faut remonter à ses racines. Le terme danse du ventre lui-même est une invention du XIXe siècle, forgée par les colonisateurs français. Cette appellation, bien que descriptive, a contribué à exotiser et sexualiser l’art, le réduisant à une caricature dans l’imaginaire collectif. En réalité, la danse baladi – dérivée du mot arabe balad, signifiant « patrie » – est profondément ancrée dans l’identité égyptienne. Elle reflète les émotions, les rythmes et les histoires du peuple.

Selon l’auteure Shatha Yehia, dans son ouvrage Imperialisme et Heshk Beshk, le terme heshk beshk, une onomatopée évoquant les mouvements des hanches, a façonné une image péjorative de la danseuse. Cette dernière est souvent vue comme une figure de séduction manipulatrice, une perception renforcée par l’influence coloniale et le conservatisme local. Ce regard a marginalisé la danse, la détachant de son essence culturelle pour en faire un simple divertissement.

« Le baladi reflète l’âme de ce que nous sommes. » – Amie Sultan, chorégraphe

Un Mouvement pour Restaurer la Noblesse de la Danse

Face à cette marginalisation, une nouvelle vague de danseuses et de chorégraphes travaille à restaurer la dignité de la danse orientale. Au cœur de ce mouvement se trouve Amie Sultan, une ancienne ballerine classique reconvertie en ambassadrice de la danse baladi. Pour elle, cet art ne doit pas être confiné aux clichés réducteurs. Elle milite pour qu’il retrouve sa place dans les théâtres, les festivals culturels et même au patrimoine immatériel de l’Unesco.

En 2022, Amie Sultan a fondé l’Institut Taqseem, un espace dédié à la formation complète des danseuses. L’institut, dont le nom évoque les solos improvisés de la musique arabe, propose un enseignement qui va au-delà de la technique. Les élèves y étudient :

  • La technique des mouvements traditionnels et contemporains.
  • L’histoire de la danse égyptienne, des pionnières comme Bamba Kashshar à l’âge d’or cinématographique.
  • La musicalité, pour comprendre les rythmes complexes de la tabla et des mélodies arabes.
  • La théorie, pour saisir le contexte culturel et social de cet art.

Depuis sa création, l’Institut Taqseem a formé des dizaines de femmes, dont sept sont devenues enseignantes à temps plein. Ce lieu est devenu un refuge pour celles qui souhaitent pratiquer la danse sans être jugées, tout en explorant son riche héritage.

Des Icônes du Passé à l’Inspiration du Présent

Pour redonner ses lettres de noblesse à la danse baladi, il est essentiel de se reconnecter avec ses figures emblématiques. Des pionnières comme Badia Masabni, qui a modernisé la danse dans les années 1920, aux stars du cinéma comme Samia Gamal, ces femmes ont marqué l’histoire. Leurs performances, empreintes de grâce et de puissance, continuent d’inspirer les nouvelles générations.

Safaa Saeed, professeure de danse au Caire, se souvient de son admiration pour Naïma Akef, dont les mouvements semblaient capturer l’essence même de l’Égypte. Pourtant, elle déplore la difficulté de trouver des spectacles qui rendent justice à cet art :

« On me demande souvent où l’on peut voir une danse orientale qui respecte vraiment l’art. J’ai du mal à répondre. »

Safaa Saeed, professeure de danse

Ce constat reflète un vide culturel que des initiatives comme celles d’Amie Sultan cherchent à combler. En 2023, la chorégraphe a présenté El-Naddaha, une performance mêlant traditions soufies et mouvements contemporains. Ce spectacle, qui a captivé les spectateurs, montre que la danse baladi peut être à la fois moderne et ancrée dans ses racines.

Défis et Perspectives d’Avenir

Restaurer la place de la danse orientale dans la culture égyptienne n’est pas une mince affaire DOES. Les danseuses et les chorégraphes font face à plusieurs obstacles :

  • Le conservatisme social, qui associe la danse à des connotations négatives.
  • Le manque d’infrastructures dédiées, comme des théâtres pour des spectacles respectueux de l’art.
  • La nécessité d’une reconnaissance officielle, notamment via l’Unesco, pour valoriser cet art au niveau international.

Amie Sultan et ses élèves militent pour surmonter ces défis. En plus de l’Institut Taqseem, la chorégraphe donne des conférences dans les universités pour éduquer le public et démystifier la danse baladi. Elle rêve d’un lieu permanent pour les représentations, un espace où cet art pourrait briller sans préjugés.

Défi Solution proposée
Stigmatisation Éducation et spectacles culturels
Manque de lieux Création d’un théâtre dédié
Reconnaissance mondiale Inscription à l’Unesco

Un Patrimoine Vivant à Préserver

La danse orientale est un patrimoine vivant, mais peu documenté en langue arabe. Les danseuses comme Safaa Saeed et Amie Sultan s’efforcent de préserver son histoire, tout en la faisant évoluer. Dans les salles de l’Institut Taqseem, les mélodies d’Oum Kalthoum accompagnent les mouvements des danseuses, pieds nus, qui ondulent au rythme des percussions de la tabla.

Ce renouveau culturel est un défi de longue haleine. Inscrire la danse baladi au patrimoine immatériel de l’Unesco nécessitera un soutien officiel des autorités égyptiennes, une démarche complexe. Pourtant, pour ces femmes, cet art est bien plus qu’une performance : il est dans leur sang, un lien indéfectible avec leur identité.

« C’est dans notre sang. » – Safaa Saeed

En Égypte, la danse orientale est à un tournant. Entre héritage millénaire et aspirations modernes, elle cherche à se réinventer. Ce mouvement, porté par des femmes passionnées, pourrait bien redonner à cet art la place qu’il mérite, non seulement en Égypte, mais sur la scène mondiale. La route est longue, mais l’âme de la danse baladi continue de vibrer.

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