La Nouvelle-Calédonie est secouée par une vague de violences sans précédent depuis près de 40 ans. Face à ces affrontements entre forces de l’ordre et indépendantistes kanaks, le réalisateur Mathieu Kassovitz n’a pas hésité à prendre position de manière fracassante. Celui qui a côtoyé la communauté kanak pour le tournage de son film L’Ordre et la Morale en 2011 affirme qu’«il fallait que ça explose».
Kassovitz : «Un manque de respect envers la civilisation kanake»
Invité sur BFMTV ce lundi, le cinéaste de 56 ans a vivement dénoncé l’attitude des autorités françaises en Nouvelle-Calédonie, y voyant «un manque de respect envers la civilisation kanake». Mathieu Kassovitz n’y est pas allé de main morte :
Ils ont été traités comme des animaux depuis des années. C’est un problème qui traverse les siècles, qui est profondément ancré en Nouvelle-Calédonie et dans la population kanake.
– Mathieu Kassovitz
Pour le réalisateur de La Haine, ce passif très lourd explique l’embrasement actuel du territoire. Il souligne la dimension identitaire de ce combat des indépendantistes, notant que «s’ils arrêtent le combat, ils perdront leur identité».
L’Ordre et la Morale : une immersion dans le conflit kanak
En 2011, Mathieu Kassovitz réalisait L’Ordre et la Morale, un film retraçant la prise d’otages sanglante d’Ouvéa en 1988, point d’orgue des tensions entre l’État français et les indépendantistes kanaks. Pour les besoins de ce long-métrage controversé, qui n’avait pas été diffusé en Nouvelle-Calédonie, le cinéaste avait passé dix ans auprès du peuple kanak au début des années 2000.
Cette expérience lui a permis de se confronter à la profondeur des blessures de ce peuple, maltraité selon lui depuis des décennies par les autorités. Il n’hésite pas à évoquer des épisodes sombres comme le transfert en métropole du crâne d’Ataï, grand chef kanak, à la fin du XIXe siècle.
Réforme du corps électoral : l’étincelle des émeutes
Les émeutes qui frappent la Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai dernier ont éclaté alors que l’Assemblée nationale examinait un projet de révision constitutionnelle réformant le corps électoral, vivement contesté par les indépendantistes.
Cette loi fait qu’au fur et à mesure ils ne vont plus du tout avoir de pouvoir électoral, de pouvoir. C’est un danger pour leur communauté.
– Mathieu Kassovitz
Face à ces violences d’une ampleur inédite, qui ont déjà fait 6 morts dont 2 gendarmes mobiles, le gouvernement a déployé des renforts militaires sur place. Mais les affrontements se poursuivent, notamment à Nouméa et son agglomération.
Quel avenir pour la Nouvelle-Calédonie ?
Au-delà de la question du corps électoral, c’est tout le statut de la Nouvelle-Calédonie et les relations entre kanaks et caldoches qui sont en jeu. Après trois référendums aux résultats disputés, les tensions restent vives sur l’avenir institutionnel du territoire.
Pour Mathieu Kassovitz, seul un véritable dialogue respectueux avec la communauté kanak, prenant en compte son identité et son histoire douloureuse, permettra d’apaiser durablement la situation. Mais le chemin s’annonce encore long et semé d’embûches, comme en témoignent les images d’émeutes qui nous parviennent de Nouvelle-Calédonie.
La sortie fracassante de Mathieu Kassovitz aura au moins eu le mérite de braquer les projecteurs sur ce conflit lointain et méconnu. Espérons qu’elle contribue à une prise de conscience et ouvre la voie à des discussions apaisées pour dessiner l’avenir de ce territoire écartelé.