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Sauver le Sloughi : Un Patrimoine Tunisien en Péril

En Tunisie, le sloughi, chien millénaire des nomades, risque de disparaître. Des passionnés se battent pour sauver ce trésor culturel. Leur combat vous surprendra...

Avez-vous déjà entendu parler du sloughi, ce lévrier élégant qui traverse les déserts tunisiens depuis des millénaires ? Ce chien, à la silhouette fine et au regard vif, incarne une part essentielle du patrimoine culturel de la Tunisie. Pourtant, il est aujourd’hui menacé par des croisements non contrôlés et la sédentarisation des nomades. Dans cet article, nous plongeons dans l’histoire fascinante de ce compagnon des tribus, les défis auxquels il fait face et les initiatives passionnées pour le sauver.

Un Héritage Canin Millénaire

Le sloughi, souvent surnommé lévrier arabe ou berbère, est bien plus qu’un simple chien. Présent sur des mosaïques romaines découvertes en Tunisie, il accompagne les tribus nomades depuis des siècles, voire des millénaires. Avec son pelage court, sa couleur sable ou gris et son dos arqué, il symbolise à la fois la grâce et la rusticité. Autrefois, il était un partenaire indispensable pour les nomades, notamment les Mrazig, dans la région de Douz, au sud du pays.

Sa vitesse légendaire – un dicton tunisien dit « courir comme un sloughi » – en faisait un allié précieux pour la chasse et la surveillance des troupeaux. Mais au-delà de son utilité, ce chien était considéré comme noble. Contrairement à d’autres chiens, souvent jugés impurs dans certaines traditions arabo-musulmanes, le sloughi avait le privilège d’entrer dans les tentes et de partager les repas de ses maîtres.

« C’était un chien rustique mais noble qui faisait la fierté des nomades. »

Olfa Abid, vétérinaire et passionnée du sloughi

Une Race Menacée par l’Hybridation

Le sloughi est aujourd’hui en danger. Selon les estimations, il ne resterait qu’environ 200 sloughis autochtones en Tunisie. Ce déclin s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’hybridation avec des races étrangères, souvent importées d’Espagne ou d’Algérie pour améliorer les performances dans les compétitions canines, dilue son patrimoine génétique unique. Cette pratique, non contrôlée, altère les caractéristiques qui font du sloughi une race à part.

Ensuite, l’urbanisation et la sédentarisation des nomades ont réduit les besoins traditionnels en chiens de chasse. Autrefois, le sloughi jouait un rôle clé en ramenant du gibier, comme des lapins, dans des environnements où les ressources alimentaires étaient rares. Aujourd’hui, ces pratiques se raréfient, et le sloughi perd peu à peu sa place dans la société tunisienne.

Un patrimoine génétique intact depuis des siècles, menacé par des croisements modernes. Le sloughi incarne une histoire vivante, mais pour combien de temps encore ?

Un Combat pour la Préservation

Face à cette situation alarmante, des Tunisiens se mobilisent. Parmi eux, Olfa Abid, une vétérinaire de 49 ans, consacre sa vie à la sauvegarde du sloughi. Propriétaire de trois femelles – Nemcha, Zina et Zouina – elle milite pour sensibiliser le public à l’importance de préserver cette race. « Il faut protéger le sloughi car il fait partie de notre patrimoine culturel », affirme-t-elle avec conviction.

La Centrale canine tunisienne (CCT), une association dédiée, joue également un rôle clé. Depuis deux ans, elle travaille à faire reconnaître le sloughi comme une race canine officielle selon les normes internationales. Ce processus, complexe, passe par plusieurs étapes :

  • Identification et recensement des sloughis typiques en Tunisie.
  • Établissement d’un standard provisoire définissant les caractéristiques morphologiques et comportementales.
  • Mise en place d’un programme de reproduction contrôlé sur trois générations.
  • Dépôt d’un dossier auprès de la Fédération cynologique internationale (FCI).

L’objectif ? Offrir au sloughi une reconnaissance mondiale, lui permettant de briller dans les expositions canines et de bénéficier d’un élevage structuré. Cette démarche vise à garantir la pérennité de la race tout en valorisant son héritage unique.

Le Rôle des Éleveurs et des Traditions

À Douz, ville aux portes du désert, le sloughi reste une figure emblématique. Chaque année, un festival met en lumière ses talents de chasseur lors de démonstrations spectaculaires. Nabil Marzougui, un éleveur local, incarne cette passion pour la tradition. Il appelle les autorités à instaurer un programme de protection pour limiter l’impact des croisements hybrides. « Nous avons hérité ce chien de nos ancêtres », insiste-t-il, soulignant l’importance de transmettre cet héritage aux générations futures.

« Il faut prendre soin de cet héritage comme nous le faisons pour les sites antiques et archéologiques. »

Hatem Bessrour, ingénieur agricole et amoureux du sloughi

Hatem Bessrour, un ingénieur agricole de 30 ans, partage cet engagement. En caressant son sloughi nommé Cacahuète, il encourage les éleveurs à enregistrer leurs chiens auprès de la CCT pour soutenir les efforts de préservation. Pour lui, le sloughi n’est pas seulement un animal, mais un symbole de l’identité tunisienne.

Pourquoi le Sloughi est-il Unique ?

Le sloughi se distingue par son patrimoine génétique remarquablement préservé. Contrairement à de nombreuses races modernes, il a subi peu de modifications au fil des siècles, ce qui en fait un trésor pour les éleveurs, notamment en Europe. Sa rusticité, sa vitesse et son élégance en font un chien à la fois pratique et majestueux.

Caractéristique Description
Apparence Pelage court, couleur sable ou gris, dos arqué.
Rôle historique Chasse et surveillance des troupeaux pour les nomades.
Caractère Noble, loyal, adapté aux environnements rudes.

Cette singularité attire l’attention bien au-delà des frontières tunisiennes. Les éleveurs européens, fascinés par la pureté de sa lignée, s’intéressent de près à ce lévrier. Mais sans une action concertée, ce patrimoine risque de s’effacer.

Un Avenir à Construire

La sauvegarde du sloughi ne se limite pas à une question d’élevage. Elle touche à la préservation culturelle et à la reconnaissance d’une histoire partagée. Les initiatives de la CCT, combinées à l’engagement d’éleveurs et de passionnés comme Olfa, Nabil et Hatem, ouvrent la voie à un avenir plus prometteur. Mais le chemin est encore long.

Pour réussir, il faudra mobiliser les autorités, sensibiliser le public et encourager une reproduction responsable. Le festival de Douz, avec ses démonstrations vibrantes, rappelle à tous l’importance de ce chien dans l’imaginaire collectif tunisien. Mais au-delà des festivités, c’est un effort collectif qui déterminera si le sloughi continuera à courir dans les déserts tunisiens pour les générations à venir.

Un chien, un symbole, un combat : le sloughi mérite sa place dans l’histoire tunisienne. Et vous, que feriez-vous pour sauver un tel héritage ?

Le sloughi n’est pas seulement un animal, c’est une passerelle vers le passé, un lien vivant avec les traditions nomades et l’histoire de la Tunisie. En le protégeant, c’est une part de l’identité culturelle du pays qui est sauvegardée. Les efforts actuels, portés par des passionnés et des associations, montrent qu’il est encore temps d’agir. Mais la question demeure : le sloughi retrouvera-t-il sa gloire d’antan ?

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