Un an après un tir policier ayant coûté la vie à un automobiliste à Aulnay-sous-Bois, le parquet de Bobigny vient de requérir un procès à l’encontre de l’agent responsable. Retour sur une affaire qui avait choqué l’opinion publique et relancé le débat sur les violences policières.
Rappel des faits : un contrôle qui tourne au drame
Le 26 mars 2022, Jean-Paul Benjamin, gérant d’une société de transport en conflit avec Amazon, subtilise un fourgon rempli de colis. Rapidement, le véhicule est signalé volé. Une équipe de la BAC d’Aulnay-sous-Bois repère la camionnette et intervient alors que celle-ci est arrêtée à un feu rouge. C’est là que l’irréparable se produit.
Un des policiers sort précipitamment de son véhicule et se dirige vers le fourgon, sans brassard visible. En quelques secondes, il se place près de la portière conducteur. Lorsque le camion redémarre, il recule et fait feu, touchant mortellement Jean-Paul Benjamin d’une balle à l’omoplate. Une scène d’une rapidité effrayante.
Un tir jugé ni nécessaire, ni proportionné
Selon le réquisitoire du parquet, consulté par l’AFP, le tir effectué volontairement par le fonctionnaire n’était “ni nécessaire ni proportionné”. Le ministère public souligne qu’aucune menace immédiate ne mettait en danger la sécurité du policier ou des personnes alentour au moment des faits.
Il n’existait aucune menace immédiate mettant en cause la sécurité tant (du policier) que des usagers, automobilistes et piétons présents à proximité.
– Extrait du réquisitoire du parquet de Bobigny
Le parquet critique également l’intervention en solo et précipitée du policier, sans attendre le soutien de ses collègues. Un manque de discernement fatal qui aura coûté la vie à un homme, touché par une balle ayant traversé plusieurs organes vitaux avant de se loger dans le foie.
Un dossier symbole des dérives policières
L’affaire avait suscité une vive émotion, Jean-Paul Benjamin étant décrit comme un père de famille apprécié dans son quartier de Sevran. Sa mort avait entraîné plusieurs nuits de tensions. Le dossier était devenu emblématique des bavures policières, dans un contexte de multiplication des tirs mortels lors de refus d’obtempérer en 2022.
- Plusieurs nuits d’échauffourées avaient suivi le drame à Sevran
- Le procureur avait dû tenir une conférence de presse face à l’émoi suscité
- Le cas s’ajoutait à une série noire de tirs policiers mortels cette année-là
Pour les avocats de la famille de la victime, les réquisitions du parquet constituent un premier pas capital vers la reconnaissance de la responsabilité de l’agent. Me Arié Alimi salue une décision qui pourrait “fixer la jurisprudence en matière de violences policières”.
Vers un procès pour “violences volontaires ayant entraîné la mort”
Si les juges d’instruction suivent les réquisitions du parquet, le policier sera jugé par la cour criminelle départementale pour “violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner”. Il encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle. Son avocat n’a pas souhaité commenter ces réquisitions.
Ce dossier pourrait donc bientôt connaître une issue judiciaire, plus d’un an après le drame. Un procès très attendu qui devra déterminer les responsabilités dans ce contrôle aux conséquences tragiques. Et peut-être fixer de nouveaux standards dans l’appréciation de l’usage de la force par les policiers, sujet plus que jamais au cœur du débat public.