Dans les rues animées de Los Angeles, un quartier surnommé Tehrangeles pulse au rythme des espoirs et des inquiétudes d’une communauté unique. Ici, la diaspora iranienne, forte de près de 200 000 âmes, suit avec anxiété les récents événements dans leur pays natal. Les frappes américaines contre des sites nucléaires iraniens ont ravivé un rêve tenace : celui d’un changement de régime. Mais derrière les étals d’épices et les librairies en farsi, les voix divergent entre optimisme audacieux et prudence réaliste.
Tehrangeles : Un Microcosme de l’Iran en Exil
À l’ouest de Los Angeles, près du campus de l’UCLA, s’étend un quartier où les enseignes en farsi côtoient des boutiques de tapis persans et des restaurants aux parfums d’Orient. Ce lieu, d’ailleurs, porte un surnom évocateur : Tehrangeles, ou « Petite Perse ». Il est le refuge d’une communauté majoritairement composée de minorités persécutées en Iran – juifs, chrétiens, assyriens – qui ont fui le régime des mollahs. Ces exilés, souvent arrivés avant ou après la révolution de 1979, ont bâti ici un espace où la culture persane s’épanouit, loin des contraintes de leur pays d’origine.
Ce week-end, les frappes ordonnées par le président américain contre trois sites nucléaires iraniens ont bouleversé cette communauté. Pour certains, ces actions symbolisent une opportunité historique. Pour d’autres, elles réveillent des souvenirs douloureux de conflits passés.
Un Rêve de Changement de Régime
Dans une épicerie regorgeant de dattes, de pistaches et de prunes séchées, Mohammad, un commerçant septuagénaire, partage son espoir. Parti étudier à l’étranger avant la révolution de 1979, il n’est jamais retourné en Iran. Pour lui, le régime actuel est incapable de répondre aux besoins du peuple persan. « Si les Iraniens là-bas veulent un changement, je serais heureux de les soutenir », confie-t-il, les yeux rivés sur ses produits.
« Tout le monde serait heureux si le régime changeait. »
Fereshteh, cliente de l’épicerie
Fereshteh, une retraitée juive ayant fui l’Iran dans les années 80, va plus loin. Pour elle, les frappes américaines sont un signal fort. Elle voit en leur instigateur un « héros » pour avoir osé défier Téhéran. Cette rhétorique trouve un écho dans les déclarations récentes du président américain, qui a évoqué sur son réseau social l’idée d’un Iran retrouvé, libéré de son régime actuel.
Pourquoi Tehrangeles est unique :
- Près de 200 000 Irano-Américains y vivent.
- Un mélange de cultures persanes et américaines.
- Un bastion d’opposition au régime iranien.
Des Voix Divergentes dans la Communauté
Pourtant, tous ne partagent pas cet enthousiasme. À la terrasse d’un restaurant nommé Taste of Tehran, John, un ingénieur de 68 ans, exprime sa prudence. Ayant perdu ses grands-parents lors de la guerre Iran-Irak, il craint que l’intervention militaire ne mène qu’à davantage de chaos. « Le changement doit venir de l’intérieur, par le peuple », insiste-t-il, rappelant les échecs des interventions en Irak et en Afghanistan.
Mehrnoosh, une femme de 45 ans arrivée aux États-Unis en 2010, représente un autre point de vue. Elle appelle à une action militaire plus directe. « Les Iraniens ont les mains liées », déplore-t-elle, en évoquant les répressions brutales des manifestations de 2022, déclenchées par la mort de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour un voile mal porté.
Le Contexte des Frappes Américaines
Les frappes américaines, survenues ce week-end, visaient trois sites nucléaires iraniens. Elles s’inscrivent dans un contexte de tensions accrues, marqué par le soutien des États-Unis à Israël dans son offensive contre l’Iran. Le président américain a justifié ces actions comme un moyen d’« arrêter la guerre », tout en laissant planer la possibilité d’objectifs plus ambitieux, comme un changement de régime.
Lundi, un cessez-le-feu a été annoncé entre Israël et l’Iran. Cependant, le ministre iranien des Affaires étrangères a précisé qu’aucun accord formel n’avait été conclu, Téhéran se réservant le droit de répondre si les hostilités reprenaient. Ce fragile équilibre soulage certains, comme John, qui a appris que sa tante avait fui Téhéran pour échapper aux bombardements israéliens.
Pays | Victimes |
---|---|
Iran | Plus de 400 morts |
Israël | 24 morts |
Les Leçons du Passé
Pour beaucoup à Tehrangeles, les souvenirs de la révolution de 1979 et de la guerre Iran-Irak restent vivaces. Ces événements ont poussé des milliers d’Iraniens à quitter leur pays, souvent dans des conditions dramatiques. Aujourd’hui, la diaspora observe avec un mélange d’espoir et d’appréhension les développements actuels.
John, par exemple, craint que l’histoire ne se répète. « Est-ce que cela en vaut la peine ? Absolument pas », soupire-t-il, en évoquant les pertes humaines déjà enregistrées. Il rêve d’une solution pacifique, où le peuple iranien pourrait reprendre son destin en main sans intervention étrangère.
Un Avenir Incertain
À Tehrangeles, les discussions dans les épiceries, les restaurants et les librairies reflètent une communauté divisée mais unie par un même attachement à l’Iran. Si certains, comme Fereshteh, croient en une intervention extérieure pour renverser le régime, d’autres, comme John, plaident pour un changement organique, porté par les Iraniens eux-mêmes.
Alors que le cessez-le-feu fragile tient pour l’instant, la diaspora reste suspendue aux nouvelles de Téhéran. Chaque appel d’un proche, chaque annonce diplomatique, ravive les espoirs et les craintes. Dans ce quartier vibrant de Los Angeles, l’avenir de l’Iran se dessine, entre rêves d’un renouveau et peur d’un nouveau conflit.
En résumé :
- Tehrangeles est le cœur de la diaspora iranienne aux États-Unis.
- Les frappes américaines ont ravivé l’espoir d’un changement de régime.
- La communauté est partagée entre interventionnisme et prudence.
- Un cessez-le-feu fragile laisse l’avenir incertain.
Dans ce microcosme persan, chaque voix compte. Qu’il s’agisse d’un commerçant rêvant d’un Iran libre, d’une retraitée voyant dans les frappes un espoir, ou d’un ingénieur plaidant pour la paix, Tehrangeles incarne les aspirations et les contradictions d’une diaspora en quête d’un avenir meilleur pour son pays natal.