À quelques mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, prévue pour octobre 2025, une question monopolise les débats : Alassane Ouattara, président depuis 2011, se lancera-t-il dans la course pour un quatrième mandat ? Samedi soir, lors d’un congrès retentissant à Abidjan, son parti, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), l’a officiellement désigné comme son candidat. Mais le chef d’État, âgé de 84 ans, n’a pas encore levé le voile sur ses intentions. Entre ferveur des militants et tensions politiques, le pays retient son souffle.
Un Congrès Chargé de Symboles
Le congrès du RHDP, organisé dans la capitale économique ivoirienne, a rassemblé des milliers de partisans dans une ambiance électrique. Sous les cris de « ADO, ADO », le surnom d’Alassane Dramane Ouattara, l’annonce de sa désignation comme candidat a été accueillie par une ovation. Patrick Achi, président du congrès, a soumis cette décision à l’approbation des militants, qui l’ont validée par acclamation. Ce moment fort a également vu la réélection d’Ouattara à la tête du parti, renforçant son emprise sur l’appareil politique.
« Je soumets à l’approbation du congrès la décision de la désignation du président Alassane Ouattara comme candidat du RHDP aux élections d’octobre 2025. »
Patrick Achi, président du congrès
Pourtant, l’absence du président lors de cet événement a alimenté les spéculations. Va-t-il accepter cette candidature sans délai, ou prolonger le suspense qu’il entretient depuis des mois ? Une déclaration très attendue est prévue dimanche lors d’un grand meeting au stade d’Ebimpé, lieu symbolique où la Côte d’Ivoire a triomphé lors de la Coupe d’Afrique des nations en 2024.
Un Quatrième Mandat en Débat
La perspective d’un quatrième mandat pour Alassane Ouattara divise profondément la société ivoirienne. À 84 ans, le président, en poste depuis 14 ans, incarne pour ses soutiens une figure de stabilité et de progrès économique. Mais pour ses détracteurs, cette candidature soulève des questions sur le renouvellement démocratique et l’alternance politique dans un pays marqué par des crises électorales passées.
Le saviez-vous ? La Constitution ivoirienne, modifiée en 2016, limite en principe le nombre de mandats présidentiels à deux. Cependant, une révision en 2020 a permis à Ouattara de se présenter pour un troisième mandat, arguant que la nouvelle Constitution remettait les compteurs à zéro.
Depuis des mois, Ouattara cultive l’ambiguïté. En janvier, il déclarait vouloir « continuer à servir son pays », une phrase interprétée comme un indice de ses ambitions. Le RHDP, quant à lui, ne ménage pas ses efforts pour le pousser à se représenter. Des meetings ont été organisés à travers le pays, mobilisant des foules pour appeler leur leader à « poursuivre l’aventure ».
« Il est obligé d’accepter et d’écouter le cri de ses enfants qui l’appellent à continuer l’aventure. »
Honoré Adom, congressiste
Un Bilan Vanté par le Pouvoir
Les cadres du RHDP n’ont pas manqué de célébrer le bilan d’Alassane Ouattara lors du congrès. Selon eux, le président a transformé la Côte d’Ivoire en une puissance économique régionale. Parmi les réalisations mises en avant :
- Croissance économique soutenue : Le pays affiche un taux de croissance enviable en Afrique de l’Ouest.
- Infrastructures modernes : Routes, ponts et hôpitaux ont vu le jour sous son mandat.
- Stabilité politique : Après des années de crise, la Côte d’Ivoire est perçue comme un havre de paix.
Le vice-président, Tiemoko Meyliet Koné, a insisté sur ces avancées, affirmant que le pays a retrouvé sa fierté. Un autre ministre a loué la résilience de la nation sous le leadership d’Ouattara, qualifiant la Côte d’Ivoire de « modèle » face aux incertitudes mondiales.
Une Opposition Décimée
Face à cette machine bien huilée, l’opposition apparaît affaiblie. Plusieurs figures de proue ont été écartées de la course électorale par des décisions judiciaires controversées. Laurent Gbagbo, président de 2000 à 2011, son ancien allié Charles Blé Goudé, et l’ex-Premier ministre Guillaume Soro sont radiés des listes électorales en raison de condamnations. Tidjane Thiam, leader du principal parti d’opposition, est lui aussi hors jeu, officiellement pour des questions de nationalité.
« Je ne peux pas rester silencieux devant les dérives qui veulent nous faire revenir au parti unique. »
Laurent Gbagbo, ancien président
Ces exclusions alimentent les accusations de manœuvres politiques orchestrées par le pouvoir. Laurent Gbagbo, farouchement opposé à un quatrième mandat d’Ouattara, a dénoncé une tentative de restaurer un système de parti unique. De son côté, le RHDP rejette ces critiques, affirmant que la justice agit en toute indépendance.
| Figure de l’opposition | Raison de l’exclusion |
|---|---|
| Laurent Gbagbo | Condamnation judiciaire |
| Charles Blé Goudé | Condamnation judiciaire |
| Guillaume Soro | Condamnation judiciaire |
| Tidjane Thiam | Problèmes de nationalité |
Un Climat Politique Tendu
Le climat politique en Côte d’Ivoire s’est alourdi ces dernières semaines. Les décisions judiciaires excluant les opposants ont ravivé les souvenirs des violences électorales de 2020, qui avaient fait des dizaines de morts. À l’approche du scrutin, la question de la transparence et de l’équité du processus électoral est plus que jamais au centre des préoccupations.
Le RHDP, par la voix de son porte-parole, a mis en garde les opposants contre toute tentative de « forcing » électoral. Cette rhétorique musclée contraste avec les appels au dialogue lancés par certains observateurs, qui redoutent une nouvelle escalade des tensions.
Que Va Décider Ouattara ?
La décision d’Alassane Ouattara, attendue dimanche, sera déterminante pour l’avenir du pays. S’il accepte la candidature, il devra convaincre une population partagée entre admiration pour son bilan et lassitude face à une présidence longue de plus d’une décennie. S’il renonce, il ouvrira la voie à une succession au sein du RHDP, un scénario qui pourrait redessiner la scène politique ivoirienne.
Pour les militants comme Lassana Koné, la réponse ne fait aucun doute : « Il faut qu’il termine les œuvres qu’il a commencées. » Mais dans un pays où la jeunesse aspire à davantage de renouvellement, le choix d’Ouattara pourrait avoir des répercussions bien au-delà des urnes.
En résumé : Alassane Ouattara, désigné candidat par le RHDP, doit annoncer s’il briguera un quatrième mandat. Son bilan économique est vanté, mais l’opposition, écartée par la justice, dénonce une dérive autoritaire.
Alors que la Côte d’Ivoire se prépare à une élection cruciale, les regards sont tournés vers le stade d’Ebimpé. La parole d’Alassane Ouattara, quelle qu’elle soit, marquera un tournant pour le pays. Reste à savoir si elle apaisera les tensions ou attisera les divisions.
