Imaginez une organisation qui, il y a douze ans, peinait à convaincre des villes d’accueillir ses événements, et qui aujourd’hui croule sous les candidatures pour 2036 et 2040. C’est l’héritage laissé par Thomas Bach, président du Comité International Olympique (CIO) jusqu’en 2025, à la Zimbabwéenne Kirsty Coventry. Mais derrière cette prospérité financière et ce regain d’intérêt, un autre récit émerge : celui d’une gouvernance ultra-centralisée, parfois critiquée pour son manque de transparence. Alors, quel est le véritable bilan de Thomas Bach, et quels défis attendent sa successeure ?
Un Renouveau Olympique Sous Thomas Bach
Quand Thomas Bach prend les rênes du CIO en 2013, l’institution traverse une crise majeure. Les candidatures pour accueillir les Jeux Olympiques s’effondrent, découragées par des coûts exorbitants et des processus humiliants pour les villes recalées. Tokyo, Pékin, Paris et Los Angeles obtiennent leurs JO face à une concurrence famélique, voire inexistante. Bach, ancien escrimeur et avocat bavarois, décide alors de repenser le modèle olympique pour le rendre plus attractif.
Son arme ? Une série de réformes audacieuses lancées dès 2014, visant à alléger le fardeau financier des villes hôtes. Fini les stades pharaoniques construits pour l’occasion : le CIO privilégie désormais les infrastructures existantes. Le processus de candidature est aussi revu, passant de compétitions publiques à des négociations discrètes, évitant aux villes perdantes une humiliation médiatisée.
Le résultat est frappant. Pour les JO d’été 2036, une dizaine de territoires manifestent leur intérêt, un contraste saisissant avec la disette des années 2010. Parmi les candidats, des poids lourds comme l’Inde, la Turquie ou l’Afrique du Sud, mais aussi des outsiders comme l’Indonésie, la Corée du Sud, et peut-être même le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Comme le souligne Jean-Loup Chappelet, expert en olympisme, « tout le monde veut de nouveau les Jeux ».
Une Machine Financière Bien Huilée
Si les candidatures sont un succès, les finances du CIO sous Bach sont une véritable success story. Malgré la pandémie de Covid-19, qui a repoussé les JO de Tokyo 2020 d’un an, l’organisation affiche une santé insolente. Pour la période 2021-2024, le CIO redistribue 6,8 milliards de dollars aux comités d’organisation et au mouvement olympique, une hausse de 12 % par rapport au cycle précédent.
« Le CIO a sécurisé des revenus commerciaux de 13,5 milliards de dollars jusqu’en 2032 », annonce fièrement la commission des finances.
Cette manne provient principalement des droits de diffusion et des sponsors. Un contrat historique avec NBC Universal, prolongé jusqu’en 2036 pour 3 milliards de dollars, assure une stabilité financière à long terme. Les JO de Los Angeles 2028 et Brisbane 2032 ont déjà sécurisé respectivement 7,3 et 6,2 milliards de dollars. Mais ce modèle, bien que robuste, devra s’adapter à l’ère numérique, où la concurrence des plateformes de streaming et le retrait de certains sponsors japonais posent de nouveaux défis.
Les chiffres clés des finances du CIO :
- 6,8 milliards de dollars redistribués pour 2021-2024.
- 13,5 milliards de dollars de revenus commerciaux sécurisés jusqu’en 2032.
- 3 milliards de dollars pour le contrat avec NBC Universal (2028-2036).
Une Gouvernance Centralisée : Le Revers de la Médaille
Malgré ces succès, l’héritage de Thomas Bach n’est pas sans ombre. Sa présidence a été marquée par une concentration des pouvoirs au sein de la commission exécutive, composée de 14 membres triés sur le volet. Ce petit cercle, dirigé par Bach, a pris en charge les décisions les plus sensibles : gestion des athlètes russes après l’invasion de l’Ukraine, présélection des villes hôtes pour 2030, 2032 et 2034. Les sessions plénières du CIO, où siègent une centaine de membres, se contentent souvent de valider ces choix sans débat public.
Ce mode de gouvernance, efficace pour trancher rapidement, a suscité des critiques. Sebastian Coe, président de World Athletics et candidat malheureux à la succession de Bach, a évoqué une « soif de changement » parmi les membres du CIO, lassés de ce fonctionnement opaque. Les décisions prises à huis clos, sans transparence ni débat, ont parfois donné l’impression d’un pouvoir trop concentré.
« La commission exécutive a tout décidé, laissant peu de place à la discussion collective », regrette un observateur du mouvement olympique.
Cette centralisation a permis à Bach de mener ses réformes avec une efficacité redoutable, mais elle a aussi alimenté un sentiment d’exclusion chez certains membres du CIO. La question est désormais de savoir si Kirsty Coventry, qui prendra les rênes en 2025, saura répondre à cette demande de gouvernance plus participative.
Kirsty Coventry : Un Nouveau Souffle pour le CIO ?
Première femme et première Africaine à présider le CIO, Kirsty Coventry hérite d’une institution en pleine santé, mais aussi d’un défi de taille : moderniser sa gouvernance tout en maintenant sa dynamique. Dès son arrivée, elle a marqué les esprits en repoussant sa première commission exécutive pour organiser une consultation de 48 heures avec les membres du CIO. Objectif ? Définir une nouvelle feuille de route plus collaborative.
Cette démarche tranche avec le style de Bach, qui privilégiait les décisions rapides et centralisées. Coventry, ancienne nageuse médaillée olympique, semble vouloir insuffler une gouvernance plus inclusive, tout en s’attaquant à des enjeux cruciaux : l’adaptation au numérique, la concurrence avec d’autres formes de divertissement, et la gestion des candidatures pour 2036, où des pays comme l’Inde ou l’Afrique du Sud pourraient marquer l’histoire.
Défis pour Kirsty Coventry | Enjeux |
---|---|
Gouvernance | Rendre le processus décisionnel plus transparent et inclusif. |
Finances | Maintenir la croissance malgré le retrait de sponsors et la concurrence numérique. |
Candidatures | Gérer la forte demande pour les JO 2036 et au-delà. |
L’Avenir des Jeux Olympiques
Les Jeux Olympiques sont à un tournant. Sous Thomas Bach, ils ont retrouvé leur attrait, porté par des finances solides et une vague de candidatures. Mais l’avenir impose de nouveaux défis : comment maintenir l’équilibre entre rentabilité et accessibilité ? Comment intégrer les nouvelles attentes des spectateurs, de plus en plus tournés vers le numérique ? Et surtout, comment répondre à la demande de transparence dans une institution aussi influente ?
Kirsty Coventry, avec son approche collaborative, pourrait apporter un vent de fraîcheur. Mais elle devra naviguer entre l’héritage de Bach – une organisation prospère mais critiquée – et les attentes d’un monde sportif en mutation. Les JO de 2036, avec leurs candidats variés, seront son premier grand test. L’Inde, l’Afrique ou la Turquie accueilleront-elles les anneaux olympiques ? L’avenir le dira.
Les candidats potentiels pour les JO 2036 :
- Inde : Un géant économique en quête de rayonnement international.
- Turquie : Une ambition récurrente pour Istanbul.
- Afrique du Sud : Une première pour le continent africain ?
- Indonésie, Corée du Sud, Qatar, Arabie Saoudite : Des outsiders à suivre.
En attendant, l’héritage de Thomas Bach reste un paradoxe : une institution renforcée, mais marquée par une gouvernance qui divise. Kirsty Coventry saura-t-elle transformer cette « soif de changement » en une nouvelle ère pour le CIO ? Les prochains mois seront décisifs.