Dissolution, trahisons, transgressions… Le monde politique français traverse une zone de turbulences sans précédent. Au cœur de ce maelström, la décision fracassante d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale. Un acte fort, qui n’est pas sans conséquences pour le psychisme de celui qui le commet, nous explique le psychanalyste Jacques-Alain Miller.
Un passage à l’acte présidentiel
“La dissolution de l’Assemblée nationale est d’abord celle de Macron lui-même”, analyse Jacques-Alain Miller. Ancien président de l’École de la Cause freudienne, il décrypte cet acte fort : “Disparaître, c’est toujours le prix à payer pour qui commet un acte, un vrai, qui n’est pas agitation, ni mouvement, mais franchissement d’un Rubicon.”
Tout passage à l’acte comporte un moment-suicide.
– Jacques-Alain Miller
Macron, acculé, piétiné par une Assemblée hostile, se sentait “destiné à mourir à petit feu”. Par la foudre de son acte, il renaît, “méconnaissable, requinqué, sidérant la France et le monde.” Un moment de bascule qui n’est pas sans risques.
Quand les trahisons s’enchaînent
Mais le passage à l’acte présidentiel en déclenche d’autres en série. Trahisons, revirements, volte-face… Les couteaux se tirent dans le dos, les alliances se font et se défont au gré des intérêts du moment. Un véritable “jeu de massacre” qui révèle les ressorts psychologiques du pouvoir.
La trahison fascine autant qu’elle révulse. Elle touche quelque chose de profondément enfoui en nous.
– Jacques-Alain Miller
Dans cette valse des égos, ce sont les fondements mêmes de la démocratie qui vacillent. “Le pacte de confiance qui unit les citoyens à leurs représentants se fissure”, pointe le psychanalyste. Un constat inquiétant dans une société déjà traversée par tant de fractures.
La transgression, moteur du politique ?
Au-delà des trahisons, c’est la succession de transgressions qui interpelle. Transgressions des codes, des usages, du politiquement correct… Comme si les acteurs du jeu politique ne pouvaient exister qu’en repoussant sans cesse les limites.
La transgression est le moteur caché du politique. Elle lui donne son énergie pulsionnelle.
– Jacques-Alain Miller
Mais cette surenchère dans la transgression n’est pas sans danger. “À trop jouer avec le feu des pulsions, on risque de se brûler les ailes”, avertit Jacques-Alain Miller. Un avertissement que les acteurs de ce psychodrame politique feraient bien de méditer.
Vers une refondation du politique ?
Face à ce déchaînement de passions et de pulsions, quel avenir pour notre système démocratique ? Jacques-Alain Miller appelle à “réinventer un espace pour la parole politique.” Un espace où la raison et le symbolique reprendraient leurs droits, où l’intérêt général primerait sur les pulsions individuelles.
Il faut réenchanter le politique, lui redonner du sens et de la verticalité.
– Jacques-Alain Miller
Un vaste chantier qui nécessitera de repenser en profondeur notre rapport au pouvoir et à ceux qui l’incarnent. Pour que la politique redevienne un espace de débat et de projet, et non plus un théâtre de l’ombre où se jouent les pulsions les plus obscures de l’âme humaine.
Car c’est bien de l’âme humaine dont il est question, au fond, dans ce grand chambardement politique. D’une humanité en quête de sens dans un monde toujours plus complexe et chaotique. Le défi, pour nos dirigeants, sera d’entendre cette quête et d’y apporter des réponses à la hauteur. Faute de quoi, c’est le spectre de la désillusion démocratique qui pourrait finir par hanter le pays.