La politique est un éternel recommencement. Alors qu’Emmanuel Macron pensait avoir les coudées franches pour son second quinquennat après sa réélection en 2022, le verdict des urnes aux élections législatives de 2024 risque de changer la donne. Qu’il dispose d’une majorité relative ou qu’il fasse face à une cohabitation inédite sous la Ve République, le Président va devoir réinventer sa façon de gouverner pour ce nouveau chapitre.
Un exercice du pouvoir chamboulé
Fini le temps où la politique était dictée depuis l’Élysée. C’est ce qu’ont martelé les ténors de la majorité actuelle durant la campagne des législatives, à l’instar de Gabriel Attal. L’ancien porte-parole du gouvernement a prévenu qu’avoir été “désigné” par le président et être “choisi” par les Français ne revient pas au même:
Il y aura un avant et un après dans la pratique du pouvoir, dans l’équilibre des institutions.
Gabriel Attal
Son maintien à Matignon en cas de victoire de la coalition présidentielle ne ferait qu’acter ce nouveau rapport de force. Même avec une courte majorité, Emmanuel Macron devra composer avec les sensibilités de ses alliés et ne pourra plus agir en maître absolu.
Cohabitation : le spectre d’un Président contraint
Mais le scénario le plus redouté reste celui d’une cohabitation, qui verrait l’opposition prendre les rênes de l’Assemblée nationale et du gouvernement. Que ce soit avec le Nouveau Front Populaire, union des gauches radicales, ou une poussée surprise du Rassemblement National, Emmanuel Macron serait contraint de nommer un Premier ministre opposé à sa politique.
Le chef de l’État devrait alors se cantonner aux prérogatives que lui offre la Constitution, comme la conduite de la diplomatie et de la défense. Sur le plan intérieur, il ne pourrait qu’assister en spectateur à la mise en œuvre d’un programme alternatif, voire concurrent. Une situation inédite pour un Président qui a concentré tous les pouvoirs depuis 2017.
L’équation impossible d’un hémicycle morcelé
Même s’il échappe à l’écueil de la cohabitation, Emmanuel Macron devra de toute façon composer avec un Parlement fragmenté, où aucune force ne dispose d’une majorité absolue. La constitution de coalitions de circonstance au gré des textes deviendrait la règle, transformant chaque vote en casse-tête.
Le Président devra user de tout son talent de négociateur pour convaincre les députés de voter ses réformes, quitte à lâcher du lest. Un exercice périlleux qui pourrait vite tourner au blocage institutionnel et à la paralysie politique. Emmanuel Macron en est conscient: il l’a lui-même théorisé en évoquant “le besoin de compromis et de consensus” qui s’imposera au lendemain des législatives.
Vers un quinquennat de compromis ?
Habitué à réformer à marche forcée durant son premier mandat, Emmanuel Macron va devoir changer de logiciel pour espérer faire passer ses projets phares, de la réforme des retraites à la planification écologique. La confrontation cédera la place à la concertation, le passage en force au dialogue social.
Cela passera par des gages aux oppositions, tant sur la forme que sur le fond. Des figures de la société civile pourraient faire leur entrée au gouvernement, tandis que certains marqueurs idéologiques macronistes seraient édulcorés. Un virage délicat pour un Président qui s’est toujours voulu au-dessus des partis.
Mais Emmanuel Macron n’aura pas le choix s’il veut éviter l’immobilisme et sauver son second quinquennat. L’expérience de Mitterrand et Chirac en cohabitation a montré qu’un Président contraint pouvait encore agir et réformer, à condition de faire des compromis et de respecter le verdict des urnes. Un défi majeur pour l’hôte de l’Élysée version 2022-2027.