Imaginez une femme de 38 ans, propulsée au sommet du pouvoir dans un pays où la politique rime avec instabilité et coups d’État. Paetongtarn Shinawatra, Première ministre de Thaïlande, incarne cette réalité. Héritière d’une dynastie politique aussi influente que controversée, elle navigue dans un royaume fracturé, où chaque faux pas peut coûter cher. Son ascension fulgurante et les défis qu’elle affronte captivent le monde, mais une crise récente menace de tout bouleverser.
L’Héritière d’une Dynastie Politique
Paetongtarn Shinawatra, surnommée Ung Ing, n’est pas une novice en politique, bien qu’elle ait rejoint l’arène il y a seulement trois ans. Née le 21 août 1986, elle est la fille cadette de Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre thaïlandais, et la nièce de Yingluck Shinawatra, également évincée du pouvoir. La famille Shinawatra, véritable dynastie, domine la scène politique thaïlandaise depuis deux décennies, malgré les revers infligés par l’armée et les élites conservatrices.
Avant de plonger dans la politique, Paetongtarn gérait une partie de l’empire familial, notamment dans l’hôtellerie. Formée au Royaume-Uni, elle a grandi dans l’opulence à Bangkok, loin des tumultes politiques qui marquaient le règne de son père. Pourtant, en 2022, elle choisit de rejoindre le parti Pheu Thai, fondé par sa famille, marquant le début de son ascension.
Une Ascension Météorique
En 2023, Paetongtarn se lance dans la campagne législative avec une énergie débordante. Enceinte de son deuxième enfant, elle brave la chaleur écrasante pour s’adresser aux foules. Son charisme et ses discours percutants surprennent ceux qui la voyaient comme une simple extension de son père. Deux semaines avant le scrutin, elle donne naissance à un garçon, qu’elle présente comme son « pouvoir secret ».
« Elle a su transformer son image de jeune femme mondaine en celle d’une leader déterminée. »
Malgré une campagne remarquée, Pheu Thai termine deuxième derrière le parti réformiste Move Forward, aujourd’hui dissous. Cela n’empêche pas Paetongtarn de consolider son influence. En octobre 2023, elle est élue cheffe du parti, puis, en août 2024, elle devient Première ministre, à la tête d’une coalition fragile incluant des partis proches de l’armée.
Un Pays Fracturé
La Thaïlande est un royaume profondément divisé. D’un côté, les élites conservatrices, soutenues par l’armée et la monarchie, défendent un statu quo traditionaliste. De l’autre, une population, notamment jeune, aspire à des réformes et à plus de libertés. Les Shinawatra, avec leur discours populiste, ont su capter cet électorat, mais leur succès a toujours provoqué des réactions violentes.
Depuis la fin de la monarchie absolue en 1932, le pays a connu une dizaine de coups d’État. Thaksin, Premier ministre de 2001 à 2006, et Yingluck, de 2011 à 2014, ont tous deux été renversés par l’armée. Paetongtarn, consciente de cet héritage, sait que son pouvoir repose sur un équilibre précaire.
Repères historiques :
- 2001-2006 : Thaksin Shinawatra, Premier ministre, renversé par un coup d’État.
- 2011-2014 : Yingluck Shinawatra, Première ministre, évincée par l’armée.
- 2024 : Paetongtarn Shinawatra devient Première ministre.
La Crise qui Menace
Un an après son arrivée au pouvoir, Paetongtarn se retrouve au cœur d’une tempête politique. Une conversation téléphonique avec l’ancien dirigeant cambodgien Hun Sen, visant à apaiser les tensions frontalières, a été enregistrée et divulguée. Ce qui semblait être un échange diplomatique de routine a provoqué un tollé.
Les conservateurs du parti Bhumjaithai, alliés clés de Pheu Thai, ont critiqué le ton jugé trop déférent de Paetongtarn envers Hun Sen. Pire, ils lui reprochent d’avoir comparé un général thaïlandais, chargé de surveiller la frontière, à un opposant. Cette maladresse a fragilisé sa coalition, relançant les spéculations sur un possible coup d’État.
« Un seul appel a suffi pour mettre en péril des mois de travail politique. »
En Thaïlande, où l’armée conserve une influence majeure, ces rumeurs ne sont pas à prendre à la légère. Paetongtarn se retrouve sur un « siège éjectable », confrontée à la même instabilité qui a marqué les mandats de son père et de sa tante.
Le Soft Power de Paetongtarn
Si Paetongtarn a su se démarquer, c’est en partie grâce à son image moderne et accessible. Très active sur Instagram, où elle compte plus d’un million d’abonnés, elle partage des moments de sa vie familiale et de ses activités mondaines. Souvent vêtue de rouge, la couleur de Pheu Thai, ou de vêtements de marque, elle incarne une nouvelle génération de leaders.
Son mariage en 2019, célébré avec faste à Bangkok et à Hong Kong, a renforcé son image de figure glamour. Mais derrière cette façade, Paetongtarn a prouvé qu’elle n’était pas qu’une héritière. Lors de la campagne de 2023, elle a impressionné par sa répartie et son courage, défiant les stéréotypes qui la réduisaient à une marionnette de son père.
| Étape | Détail |
|---|---|
| 2022 | Entrée en politique avec Pheu Thai. |
| 2023 | Campagne législative, élue cheffe de Pheu Thai. |
| 2024 | Devient Première ministre. |
Les Défis à Venir
Paetongtarn Shinawatra est à un tournant décisif. Maintenir l’unité de sa coalition, tout en évitant les pièges tendus par les conservateurs et l’armée, sera un défi de taille. Son père, Thaksin, toujours influent malgré son exil, reste une figure tutélaire, mais aussi un fardeau, tant son passé divise.
Pour beaucoup, Paetongtarn représente un espoir de changement dans un pays où la politique est souvent synonyme de stagnation. Mais dans un contexte où les coups d’État sont monnaie courante, sa capacité à naviguer entre modernité et tradition sera cruciale.
Qu’adviendra-t-il de cette jeune Première ministre ? Parviendra-t-elle à échapper au destin de sa famille, ou sera-t-elle la prochaine victime de l’instabilité thaïlandaise ? Une chose est sûre : les mois à venir seront déterminants pour son avenir et celui de la Thaïlande.
