Imaginez un monde où vos achats sur Amazon ou Walmart ne passent plus par votre carte bancaire, mais par une monnaie numérique créée par ces géants. Une monnaie rapide, peu coûteuse, et parfaitement intégrée à leurs écosystèmes. Ce scénario, qui semblait futuriste il y a quelques années, est en train de devenir une réalité tangible. Les mastodontes du commerce, comme Amazon, Walmart et Ant Group, explorent activement les stablecoins, ces cryptomonnaies arrimées à des devises comme le dollar. Mais que préparent-ils vraiment, et comment cela pourrait-il transformer notre façon de consommer ? Plongeons dans cette révolution silencieuse.
Les Stablecoins : Une Nouvelle Ère pour le Commerce
Les stablecoins ne sont pas une simple mode passagère dans l’univers des cryptomonnaies. Avec une capitalisation mondiale dépassant les 250 milliards de dollars, ils s’imposent comme un pilier de l’économie numérique. Contrairement aux cryptomonnaies volatiles comme le Bitcoin, les stablecoins offrent une stabilité précieuse en étant adossés à des actifs réels, souvent le dollar américain. Cette stabilité en fait un outil idéal pour les paiements, les transferts internationaux et même les remises. Mais pourquoi des géants comme Amazon, Walmart et Ant Group s’y intéressent-ils autant ?
Pourquoi les géants du commerce se tournent vers les stablecoins
Le commerce mondial repose sur des transactions coûteuses. Chaque paiement par carte bancaire entraîne des frais d’interchange, souvent entre 2 et 3 % par transaction. Pour un géant comme Amazon, qui a généré plus de 447 milliards de dollars de revenus e-commerce en 2024, cela représente une perte colossale, estimée entre 9 et 13 milliards de dollars par an. En adoptant une monnaie numérique basée sur la blockchain, ces entreprises pourraient réduire ces frais à quelques centimes par transaction. Une telle économie d’échelle transformerait non seulement leurs marges, mais aussi les prix proposés aux consommateurs.
Outre les économies, les stablecoins permettent de simplifier les paiements internationaux. Prenons l’exemple d’Ant Group, qui a traité plus d’un trillion de dollars de transactions en 2024, dont un tiers via sa plateforme blockchain interne, Whale. Les transferts transfrontaliers, souvent ralentis par des conversions de devises ou des systèmes bancaires obsolètes, deviendraient instantanés et moins coûteux avec une monnaie numérique stable. Walmart, avec ses chaînes d’approvisionnement mondiales, et Amazon, avec ses millions de clients internationaux, y voient une opportunité de fluidifier leurs opérations.
« Les stablecoins pourraient réduire les 225 milliards de dollars de frais payés par les commerçants chaque année en permettant des règlements peer-to-peer quasi gratuits. »
Blake Jeong, PDG d’IOST
Une course contre les intermédiaires financiers
Les stablecoins ne se contentent pas de réduire les coûts. Ils permettent aussi aux entreprises de contourner les réseaux de cartes bancaires traditionnels, comme Visa ou Mastercard, qui prélèvent une commission sur chaque achat. En intégrant leurs propres monnaies numériques, Amazon et Walmart pourraient proposer des portefeuilles intégrés à leurs applications, où les clients verraient leur solde en « Amazon Coin » ou « Walmart Pay ». Ces portefeuilles offriraient une expérience fluide, avec des incitations comme des remises ou des programmes de fidélité, rendant l’adoption quasi invisible pour les utilisateurs.
Cette stratégie pourrait bouleverser l’équilibre du pouvoir dans le secteur des paiements. Les banques, qui dépendent des comptes courants pour conserver les dépôts des clients, pourraient perdre du terrain si les consommateurs commencent à stocker leur argent dans les portefeuilles numériques des commerçants. Certaines institutions financières, conscientes de cette menace, explorent déjà des solutions. Par exemple, une grande banque américaine a développé une plateforme blockchain traitant plus de 1,5 trillion de dollars en paiements interbancaires avec une monnaie numérique privée.
Pourquoi les stablecoins attirent-ils autant ?
- Réduction des coûts : Transactions à faible coût, parfois inférieures à 1 centime.
- Vitesse : Règlements instantanés, même pour les paiements internationaux.
- Contrôle des données : Les entreprises conservent la visibilité sur les comportements d’achat.
- Revenus annexes : Les réserves adossées aux stablecoins génèrent des intérêts.
Ant Group : Un pionnier en Asie
De son côté, Ant Group, la branche fintech d’Alibaba, semble plus avancée dans ses ambitions. Sa filiale basée à Singapour, Ant International, a déjà annoncé son intention de demander des licences pour émettre des stablecoins à Hong Kong et Singapour, deux places financières qui ont récemment clarifié leurs cadres réglementaires. Hong Kong, par exemple, a adopté une ordonnance sur les stablecoins en mai 2025, qui entrera en vigueur en août. Ant Group envisage également une expansion en Europe, avec une demande de licence au Luxembourg.
Cette avance s’explique par l’écosystème d’Ant Group, qui inclut déjà Alipay, une plateforme de paiement utilisée par des millions de personnes. En intégrant un stablecoin à Alipay, Ant pourrait non seulement réduire les coûts de transaction, mais aussi renforcer sa domination sur le marché asiatique des paiements numériques. Cependant, en Chine, l’e-CNY, la monnaie numérique de la banque centrale, pourrait limiter l’utilisation domestique d’un stablecoin privé.
Les défis techniques et réglementaires
Malgré leur potentiel, les stablecoins soulèvent des défis complexes. D’un point de vue technique, les entreprises doivent construire des infrastructures blockchain capables de gérer des volumes massifs de transactions, surtout lors des pics saisonniers comme le Black Friday. Les systèmes doivent également inclure des mécanismes pour les remboursements, les litiges et la prévention de la fraude, des éléments encore mal définis dans les écosystèmes blockchain.
Sur le plan réglementaire, la clarté progresse, mais reste inégale. Aux États-Unis, le projet de loi GENIUS Act vise à établir des règles strictes pour les réserves et la conformité des stablecoins. En Europe, le règlement MiCA impose des exigences similaires. Ces cadres obligent les émetteurs à maintenir des réserves liquides équivalentes à la valeur des stablecoins en circulation, avec des audits réguliers. Pour des entreprises comme Amazon, cela signifie fonctionner presque comme une banque, avec des contraintes opérationnelles importantes.
« Le GENIUS Act impose des réserves liquides massives et des audits réguliers. C’est un changement majeur, plus proche de la gestion d’une banque que d’une entreprise tech. »
Chuck Zhang, CFO de PolyFlow
Un impact sociétal et économique majeur
L’adoption des stablecoins par des géants du commerce pourrait redessiner le paysage économique. En réduisant la dépendance aux réseaux de cartes bancaires, ces entreprises pourraient affaiblir le rôle des intermédiaires financiers traditionnels. Cependant, cela soulève des inquiétudes. Certains responsables politiques et groupes de défense des consommateurs craignent que les stablecoins émis par des entreprises commerciales ne concentrent trop de pouvoir entre les mains de quelques acteurs. La collecte massive de données sur les habitudes de consommation pourrait également poser des questions éthiques.
En Chine, où la monnaie numérique de la banque centrale est déjà opérationnelle, les autorités pourraient limiter l’influence des stablecoins privés pour préserver leur contrôle monétaire. Ailleurs, des pays pourraient accélérer le développement de leurs propres monnaies numériques pour contrer l’influence des géants commerciaux.
Entreprise | Avancement | Régions ciblées |
---|---|---|
Amazon | Discussions internes, exploration d’options | Mondial |
Walmart | Infrastructure en développement | États-Unis, international |
Ant Group | Demandes de licences à Hong Kong, Singapour, Luxembourg | Asie, Europe |
Comment convaincre les consommateurs ?
Pour que les stablecoins soient adoptés à grande échelle, l’expérience utilisateur doit être irréprochable. Les consommateurs ne veulent pas comprendre la blockchain ; ils veulent une solution simple et avantageuse. Amazon, par exemple, pourrait intégrer son stablecoin à son programme Prime, offrant des remises ou des avantages exclusifs pour encourager son utilisation. Walmart pourrait suivre une stratégie similaire, en liant son stablecoin à des programmes de fidélité existants.
L’exemple de PayPal, avec son stablecoin PayPal USD, montre que la technologie seule ne suffit pas. Malgré une incitation de rendement de 3,7 %, l’adoption reste limitée. Les experts insistent sur l’importance d’une intégration fluide et d’incitations claires pour changer les habitudes des consommateurs.
« Si Amazon lie son stablecoin à des remises et à Prime, les utilisateurs l’adopteront sans même penser à la technologie sous-jacente. »
Josip Rupena, PDG de Milo
L’avenir des paiements numériques
Les stablecoins des géants du commerce ne sont pas seulement une innovation technique ; ils pourraient redéfinir la manière dont nous interagissons avec l’argent. En éliminant les intermédiaires, en réduisant les coûts et en offrant une expérience utilisateur fluide, Amazon, Walmart et Ant Group pourraient créer des écosystèmes financiers autonomes. Mais cette transformation ne se fera pas sans obstacles. Les régulateurs, les banques et les consommateurs auront leur mot à dire.
Pour l’instant, ces entreprises avancent prudemment, testant des prototypes et attendant des cadres réglementaires plus clairs. Mais une chose est sûre : les stablecoins ne sont pas une question de « si », mais de « quand ». Et lorsque ces géants déploieront leurs monnaies numériques, le monde du commerce pourrait ne plus jamais être le même.
Les enjeux clés des stablecoins pour les commerçants
- Économies massives : Réduction des frais de transaction de plusieurs milliards.
- Contrôle accru : Données transactionnelles conservées en interne.
- Adoption simplifiée : Intégration dans des applications existantes.
- Défis réglementaires : Nécessité de conformité stricte et audits réguliers.
Alors que les stablecoins se préparent à envahir le commerce, une question demeure : sommes-nous prêts à confier nos paiements quotidiens à des géants comme Amazon ou Walmart ? Leur succès dépendra de leur capacité à inspirer confiance, à simplifier l’expérience utilisateur et à naviguer dans un paysage réglementaire en constante évolution. Une chose est certaine : le futur des paiements s’écrit dès maintenant.