Pourquoi les discussions des grandes puissances mondiales semblent-elles soudain si limitées ? Lors du sommet du G7 2025, organisé au Canada, des sujets autrefois centraux comme le changement climatique, l’égalité des genres ou la lutte contre la pauvreté ont été relégués au second plan. Ce choix stratégique, motivé par la volonté d’assurer la participation du président américain Donald Trump, soulève des questions sur l’avenir de ce forum historique. Plongeons dans les coulisses de ce sommet pour comprendre ce qui a changé, pourquoi, et ce que cela signifie pour le monde.
Un G7 sous Contraintes Politiques
Le G7, regroupant les principales économies mondiales, a toujours été une plateforme pour aborder des enjeux globaux cruciaux. Cependant, en 2025, l’agenda s’est considérablement resserré. Les discussions se sont concentrées sur des thèmes comme les perspectives économiques mondiales, la sécurité énergétique, et les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques. La paix et la sécurité internationales, marquées par les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, ont également dominé les échanges. Mais où sont passés les engagements forts de l’an dernier, lorsque le sommet en Italie promettait d’agir contre la triple crise du climat, de la pollution et de la biodiversité ?
La réponse réside en grande partie dans le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Selon des experts, comme John Kirton du G7 Research Group à l’Université de Toronto, inclure des sujets controversés risquait de dissuader le président américain de participer, voire de provoquer des tensions. Le Canada, hôte de ce sommet, a donc opté pour une approche pragmatique, évitant les thèmes susceptibles de créer des frictions.
Une Liste de Sujets Oubliés
Le contraste avec les éditions précédentes est frappant. En 2024, sous la présidence de Joe Biden, le G7 s’était engagé à renforcer les relations avec l’Afrique, à lutter contre la pauvreté et à s’attaquer aux crises environnementales. Cette année, des sujets comme :
- L’égalité des genres, pourtant un pilier des discussions passées.
- La biodiversité, essentielle face à la perte accélérée des écosystèmes.
- La santé mondiale, reléguée malgré les défis persistants.
- Les droits des minorités, absents de l’agenda officiel.
Ces omissions ne sont pas anodines. Elles reflètent une volonté de ne pas froisser un acteur clé, mais elles soulèvent aussi des inquiétudes sur la capacité du G7 à répondre aux défis mondiaux les plus pressants.
« Il n’y a aucun intérêt à mettre ces sujets à l’ordre du jour si les Américains refusent d’en discuter. »
John Kirton, G7 Research Group
Un Retour aux Racines du G7 ?
Pour certains, ce recentrage sur l’économie et la sécurité marque un retour aux origines du G7, créé il y a 50 ans pour promouvoir la stabilité économique mondiale. L’administration Trump, en particulier, semble favorable à cette vision plus étroite. Selon Caitlin Welsh, experte au Center for Strategic and International Studies, le Canada a compris qu’un sommet réussi passait par une focalisation sur des valeurs traditionnelles du G7, tout en évitant les sujets clivants.
Le Premier ministre canadien, Mark Carney, a d’ailleurs souligné cette nécessité d’adaptation lors de son discours d’ouverture :
« La nostalgie n’est pas une stratégie. Nous devons changer pour construire un monde meilleur. »
Mark Carney, Premier ministre du Canada
Mais ce recentrage ne fait pas l’unanimité. Les militants, notamment ceux d’Oxfam International, déplorent un « retrait sans précédent » du G7 face aux crises mondiales. Amitabh Behar, directeur exécutif d’Oxfam, pointe du doigt une réduction drastique de l’aide publique au développement, estimée à 28 % entre 2024 et 2026, alors que la faim, la pauvreté et les impacts climatiques s’aggravent.
Le Climat, Détourné mais Présent
Si le changement climatique a été évincé des discussions officielles, il n’a pas totalement disparu. Une thématique inattendue, la prévention des feux de forêt, a été intégrée à l’agenda. Ce choix n’est pas anodin. Les incendies, exacerbés par le réchauffement planétaire, ravagent de plus en plus de régions, du Canada à l’Australie. En abordant ce sujet, les organisateurs ont trouvé une manière astucieuse de parler du climat sans le nommer directement, évitant ainsi de heurter les sensibilités climatosceptiques.
Une source gouvernementale canadienne a confié que cette approche permet de discuter des enjeux environnementaux de manière détournée. John Kirton qualifie cette tactique d’« intelligente », notant qu’elle pourrait même trouver un écho auprès de Trump, sensible aux impacts économiques des catastrophes naturelles.
Sujet | Présence au G7 2024 | Présence au G7 2025 |
---|---|---|
Changement climatique | Oui (priorité) | Non (via feux de forêt) |
Pauvreté | Oui | Non |
Égalité des genres | Oui | Non |
Sécurité énergétique | Oui | Oui (priorité) |
Les Répercussions d’un Agenda Restreint
Ce recentrage stratégique n’est pas sans conséquences. Les pays du G7, qui représentent les trois quarts de l’aide mondiale au développement, semblent suivre la voie tracée par les États-Unis. Des nations comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, traditionnellement engagées dans l’aide internationale, réduisent elles aussi leurs contributions. Cette convergence inquiète les ONG, qui craignent un abandon des populations les plus vulnérables.
Pour les militants, le timing ne pourrait être pire. La faim, la pauvreté et les dégâts climatiques s’intensifient, et le G7, en se concentrant sur la défense et l’économie, risque de perdre sa légitimité en tant que forum mondial. Amitabh Behar résume ce sentiment :
« Le retrait du G7 du monde est sans précédent et ne pourrait pas survenir à un pire moment. »
Amitabh Behar, Oxfam International
L’Avenir du G7 en Question
Le G7, créé pour coordonner les politiques économiques des grandes puissances, doit-il se limiter à cet objectif initial ? Ou doit-il continuer à s’attaquer aux défis globaux comme la santé, l’environnement et les inégalités ? Ces questions, soulevées par le sommet de 2025, mettent en lumière les tensions entre pragmatisme politique et ambitions humanitaires.
Pour certains observateurs, la nécessité d’adapter l’agenda à un acteur dominant comme les États-Unis est un signe de faiblesse. Pour d’autres, c’est une preuve de réalisme, permettant au G7 de rester pertinent dans un monde en proie à des crises multiples. Les conflits géopolitiques, de l’Ukraine au Moyen-Orient, ont certes accaparé l’attention, mais à quel prix ?
- Conflits mondiaux : Priorité accrue, au détriment d’autres enjeux.
- Aide au développement : Réduction de 28 % prévue d’ici 2026.
- Feux de forêt : Une porte d’entrée pour discuter du climat.
Vers un Monde Meilleur ?
Le Premier ministre canadien a appelé à un G7 qui « change pour construire un monde meilleur ». Mais ce monde meilleur peut-il émerger d’un sommet qui évite les sujets les plus pressants ? Les feux de forêt, bien que stratégiquement intégrés, ne suffisent pas à répondre à l’urgence climatique. De même, la focalisation sur la sécurité énergétique et les minéraux critiques, bien que cruciale, ne compense pas le recul sur l’aide au développement.
Pour les pays du Sud, qui dépendent souvent de l’aide du G7, ce recentrage pourrait avoir des conséquences dramatiques. Les militants appellent à un retour à des engagements concrets, mais la realpolitik semble, pour l’instant, l’emporter. Le G7 2025, en évitant les controverses, a peut-être assuré la participation de tous, mais il a aussi révélé les limites d’un forum contraint par les priorités d’un seul acteur.
En définitive, le sommet de 2025 marque un tournant. Entre pragmatisme et renoncement, il pose la question de la pertinence du G7 dans un monde où les crises s’entrelacent. Les choix faits au Canada auront des répercussions bien au-delà de 2025, et il appartiendra aux prochaines éditions de prouver que ce forum peut encore changer la donne.