L’Europe politique est en ébullition depuis l’annonce d’un accord pour former un nouveau gouvernement aux Pays-Bas incluant le parti d’extrême droite de Geert Wilders. Cette coalition hors du commun inquiète particulièrement les libéraux européens qui craignent un virage radical de la politique néerlandaise, traditionnellement alignée sur les valeurs de l’UE. Analyse d’un séisme politique qui pourrait avoir des répercussions bien au-delà des frontières bataves.
Une coalition inédite qui bouscule le paysage politique néerlandais
Le 16 mai dernier, après de longues tractations, Geert Wilders annonçait un accord de majorité entre son Parti pour la Liberté (PVV) d’extrême droite et les formations de droite et du centre. Une alliance contre-nature pour beaucoup d’observateurs tant les idées nationalistes et anti-immigration de Wilders semblent éloignées de celles de ses nouveaux partenaires, comme le centriste Pieter Omtzigt.
Cette coalition, qui n’a pas fini de faire parler d’elle, prévoit des mesures chocs comme :
- La demande d’une dérogation sur les politiques européennes d’asile
- La suspension pendant 2 ans du traitement des demandes d’asile
- L’accélération des expulsions des migrants en situation irrégulière
- Un durcissement des règles du regroupement familial
Des mesures qui heurtent les principes de l’Union européenne
Ce projet de gouvernement, s’il est mis en œuvre, romprait avec des décennies de politique migratoire relativement ouverte de la part des Pays-Bas. Le pays a longtemps été une terre d’accueil pour les réfugiés, bien que le climat se soit tendu ces dernières années.
Les Pays-Bas ont toujours été à l’avant-garde de l’Europe sur les questions de tolérance et de respect des droits humains. Voir ce pays basculer dans une politique hostile aux migrants est un signal très préoccupant.
– Un diplomate européen
Pour beaucoup à Bruxelles, ce revirement serait un coup dur porté au projet européen et à ses valeurs. Les discussions s’annoncent tendues entre La Haye et les institutions de l’UE si ce gouvernement venait à voir le jour.
Des répercussions probables sur les alliances au Parlement européen
Au-delà du choc politique, c’est aussi l’équilibre des forces au Parlement européen qui pourrait être bousculé. Les partis de Rutte et Omtzigt sont affiliés au groupe Renew Europe, la famille des libéraux pro-européens. Comment ce groupe, qui se veut progressiste, gérera une alliance de certains de ses membres avec l’extrême droite ?
Déjà, des voix s’élèvent au sein de Renew pour demander l’exclusion des partis néerlandais concernés. « Nos valeurs sont incompatibles avec les idées de Geert Wilders, nous ne pouvons accepter cette compromission », prévient un eurodéputé libéral.
Une crise politique majeure se profile donc, qui risque d’affaiblir le camp libéral européen, déjà fragilisé. Cela pourrait rebattre les cartes des alliances et des rapports de force pour les prochaines échéances.
Quel avenir pour les relations entre les Pays-Bas et l’UE ?
Plus globalement, c’est toute la relation entre La Haye et Bruxelles qui risque de se tendre si les projets de Wilders se concrétisent. Membre fondateur de l’Union, partenaire historique sur de nombreux dossiers, les Pays-Bas prendraient le risque de se mettre à la marge.
Le gouvernement néerlandais pourra-t-il vraiment obtenir des dérogations sur un sujet aussi sensible que la politique migratoire ? Rien n’est moins sûr tant les règles européennes semblent peu compatibles avec le projet annoncé. Un bras de fer semble inévitable.
Au final, cette crise politique marque peut-être un tournant dans l’histoire européenne des Pays-Bas. Pilier de la construction communautaire depuis l’origine, La Haye semble tentée de prendre ses distances avec les fondamentaux du projet européen. Avec quelles conséquences à long terme ? L’avenir nous le dira mais les inquiétudes sont vives à Bruxelles et dans de nombreuses capitales.