C’est un véritable tremblement de terre qui secoue le paysage politique européen. En pleine campagne pour les élections européennes de 2024, le Rassemblement National vient d’annoncer une décision fracassante : le parti de Marine Le Pen ne siégera plus aux côtés de son allié allemand, l’AfD, au sein du groupe parlementaire Identité et Démocratie. Un divorce politique spectaculaire qui intervient après des propos polémiques tenus par un dirigeant de l’AfD sur les SS, réveillant le spectre de l’antisémitisme.
Le scandale qui a tout fait basculer
Tout est parti d’une interview choc. Le 18 mai dernier, Maximilian Krah, tête de liste de l’AfD pour les européennes, a affirmé au journal italien La Repubblica qu’« un SS n’était pas automatiquement un criminel ». Des propos sidérants, minimisant la responsabilité de cette sinistre organisation nazie dans l’extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Malgré un tollé immédiat, le politique allemand a persisté, enfonçant le clou en citant le cas de l’écrivain Günter Grass, prix Nobel de littérature, qui avait été enrôlé dans les SS dans sa jeunesse.
Parmi les 900 000 SS, il y avait aussi beaucoup de paysans : il y avait certainement un pourcentage élevé de criminels, mais pas seulement.
– Maximilian Krah, tête de liste AfD
Des déclarations inacceptables pour le Rassemblement National, qui a immédiatement condamné ces propos et annoncé la rupture de son alliance avec l’AfD au Parlement européen. Un coup de tonnerre, tant les deux partis d’extrême droite entretenaient jusqu’ici des relations étroites, unis par leur euroscepticisme et leur rhétorique anti-immigration. Mais pour le RN, cette ligne rouge de la banalisation du nazisme ne pouvait être franchie.
Des tensions récurrentes
Ce clash n’est cependant que l’aboutissement de frictions répétées entre le RN et l’AfD ces derniers mois. En avril, Alice Weidel, co-présidente du parti allemand, avait déjà provoqué l’ire de Marine Le Pen en s’interrogeant sur le rattachement de Mayotte aux Comores, pile au moment où la cheffe du RN se rendait sur l’île. Un manque de coordination patent, vécu comme un affront côté français.
Vers un éclatement de l’extrême droite européenne ?
Au-delà d’un psychodrame entre partis « amis », cette crise illustre les lignes de fracture qui traversent la galaxie populiste en Europe. Malgré des convergences idéologiques, les différences nationales et les ego surdimensionnés fragilisent la cohésion de cette famille politique. Une tendance à l’éclatement qui pourrait s’accentuer après les européennes, avec une recomposition des groupes au Parlement de Strasbourg. Le RN, qui espère consolider son leadership, devra sans doute faire sans ses turbulents alliés allemands. Un nouveau chapitre dans la saga des nationalismes européens, plus divisés que jamais.
Reste à savoir si ce divorce retentissant aura un impact dans les urnes. Une chose est sûre : à un an du scrutin européen, l’extrême droite part plus que jamais en ordre dispersé. De quoi rebattre les cartes d’un jeu politique toujours plus imprévisible sur le Vieux Continent.