Imaginez un lac paisible, entouré de forêts denses, où des pirogues glissent sur l’eau, transportant des familles en deuil vers une cérémonie funéraire. Soudain, des vagues inattendues brisent cette quiétude, transformant un moment de recueillement en une tragédie. C’est ce qui s’est produit mercredi sur le lac Ntomba, dans la province de l’Équateur, en République démocratique du Congo (RDC). Un naufrage impliquant trois pirogues attachées a coûté la vie à des dizaines de personnes. Samedi, 26 nouveaux corps ont été retrouvés, alourdissant un bilan déjà lourd. Ce drame met en lumière les défis persistants du transport fluvial dans un pays où les routes sont rares et les eaux, vitales.
Un Drame au Cœur de l’Équateur
Mercredi, un convoi de pirogues transportant plus de 200 personnes naviguait sur le lac Ntomba, dans le nord-ouest de la RDC, pour assister à des funérailles. Ces embarcations, souvent construites artisanalement, sont le principal moyen de transport dans cette région enclavée. Mais ce jour-là, des vagues soudaines ont destabilisé les pirogues, provoquant leur chavirement. Selon les premiers témoignages, les embarcations étaient attachées les unes aux autres, une pratique courante mais risquée, surtout en cas de mauvais temps.
Le bilan initial, communiqué vendredi par un responsable provincial, faisait état de 40 morts. Mais les recherches menées samedi ont révélé une réalité encore plus sombre : 26 corps supplémentaires ont été repêchés, portant le décompte officieux à 80 victimes. Ces chiffres, bien que non définitifs, traduisent l’ampleur de la catastrophe dans une région où les secours sont difficiles à organiser.
Les Recherches et les Défis Logistiques
Les opérations de recherche ont mobilisé des équipes de la Croix-Rouge de l’Équateur et des autorités provinciales. Dès jeudi, les premiers corps ont été inhumés, suivis d’autres enterrements vendredi et samedi. Cependant, les moyens limités ont compliqué les efforts. Un représentant local a expliqué que les sacs mortuaires fournis par la Croix-Rouge étaient insuffisants, obligeant un député à financer des cercueils pour offrir une sépulture digne aux victimes.
« Les enterrements ont eu lieu dans des conditions difficiles, mais nous avons fait de notre mieux pour honorer les défunts. »
Un responsable de la Croix-Rouge
Samedi marquait le dernier jour des recherches, 72 heures après le drame, période au-delà de laquelle les chances de retrouver des survivants ou des corps intacts diminuent. Cette limite, bien que pragmatique, laisse de nombreuses familles dans l’incertitude, surtout en l’absence d’une liste officielle des passagers.
L’Absence de Liste des Passagers : Un Problème Récurrent
Un des obstacles majeurs dans ce type de catastrophe en RDC est l’absence de manifeste, le document recensant les passagers à bord. Sans cette liste, il est presque impossible de confirmer le nombre exact de victimes ou de disparus, ni de déterminer si les pirogues étaient surchargées. Cette lacune, courante dans les transports fluviaux congolais, complique non seulement les recherches mais aussi l’identification des corps et le soutien aux familles.
Les rescapés, dont plusieurs dizaines ont été recensés, ont partagé des récits poignants. Certains ont décrit des scènes de panique alors que les vagues submergeaient les embarcations. D’autres ont évoqué la difficulté de nager jusqu’à la rive dans des eaux agitées, souvent sans gilets de sauvetage, un équipement rare dans ces régions.
Le Transport Fluvial : Une Nécessité Dangereuse
En RDC, le transport fluvial est une bouée de sauvetage pour des millions d’habitants. Avec seulement une poignée de routes praticables, le fleuve Congo et ses affluents, ainsi que les lacs comme Ntomba, sont des artères vitales. Mais cette dépendance s’accompagne de risques majeurs. Les naufrages sont fréquents, souvent dus à des embarcations vétustes, à des surcharges ou à des conditions météorologiques imprévisibles.
Quelques chiffres clés sur les naufrages en RDC :
- Plus de 70 % des déplacements dans l’Équateur se font par voie fluviale.
- Les naufrages ont causé des centaines de morts ces cinq dernières années.
- Moins de 10 % des pirogues sont équipées de gilets de sauvetage.
Ce drame sur le lac Ntomba n’est pas un cas isolé. Chaque année, des incidents similaires endeuillent des communautés à travers le pays. L’absence d’infrastructures routières pousse les habitants à prendre des risques, souvent sans autre choix. Les pirogues, bien que pratiques, ne répondent pas toujours aux normes de sécurité minimales.
Les Réponses Communautaires et Institutionnelles
Face à la tragédie, la solidarité s’est organisée. Les équipes de la Croix-Rouge, soutenues par des volontaires locaux, ont travaillé sans relâche pour retrouver les corps et assister les familles. Des membres de la société civile, présents sur place, ont également joué un rôle clé en réconfortant les proches des victimes et en documentant l’ampleur du drame.
« Nous continuons à établir les listes des rescapés et des disparus tout en soutenant les familles éprouvées. »
Un représentant de la société civile
Malgré ces efforts, les moyens restent limités. Les autorités provinciales, bien que mobilisées, font face à des contraintes logistiques et financières. Ce drame souligne l’urgence de renforcer les infrastructures et les réglementations pour sécuriser les transports fluviaux.
Un Appel à des Solutions Durables
Ce naufrage tragique sur le lac Ntomba met en lumière des problèmes structurels profonds. Pour prévenir de futures catastrophes, plusieurs pistes pourraient être explorées :
- Renforcement des réglementations : Imposer des normes de sécurité, comme des gilets de sauvetage obligatoires et des limites de capacité pour les pirogues.
- Amélioration des infrastructures : Investir dans des routes pour réduire la dépendance aux transports fluviaux.
- Formation des navigateurs : Sensibiliser les bateliers aux risques météorologiques et aux pratiques sécuritaires.
- Systèmes d’alerte : Mettre en place des dispositifs pour signaler les conditions dangereuses sur les lacs et rivières.
Ces mesures nécessitent une volonté politique et des financements conséquents, dans un pays où les priorités sont nombreuses et les ressources limitées. Pourtant, chaque vie perdue dans un naufrage est un rappel de l’urgence d’agir.
Un Deuil Collectif
Pour les communautés du lac Ntomba, ce naufrage est une blessure profonde. Les funérailles, censées être un moment de recueillement, se sont transformées en une tragédie collective. Les familles pleurent non seulement leurs proches emportés par le lac, mais aussi la fragilité d’un système qui les expose à de tels risques.
Alors que les recherches s’achèvent, les questions demeurent. Combien de temps faudra-t-il pour que des mesures concrètes soient prises ? Comment garantir que les lacs et rivières de la RDC, si essentiels à la vie quotidienne, cessent d’être des lieux de drame ? Ce naufrage, comme tant d’autres avant lui, appelle à une réflexion urgente sur la sécurité et l’avenir des transports dans ce pays.